Chapitre 39B:Un nouvel anniversaire.

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C'était la dernière journée avant que je m'en aille.Ce jour là,j'eus 16 ans,.Ce matin là,j'avais senti qu'on faisait quelques pas vers moi,et je sautais de mon lit pour embrasser ma minuscule petite sœur qui sursauta de surprise à son tour.La chère propriétaire de cette hutte s'est mise à râler,et j'ai essayé de me calmer,je me méfiais d'elle.Lavra et maman arrivèrent à son tour.Elles y avaient pensé dés le matin,je n'en revenais pas.

Cette anniversaire ne s'oublie pas.Le jour de l'anniversaire dernier,ils m'avaient arrêté.Pour mes 14 ans,on avait annexé mon pays.Ces 16 ans pouvaient donc tourner mal à tout moment,et pourtant,je ne quittais le camp que le lendemain.Pourtant,l'attente fut un processus vicieux qui rendit la journée plus pénible.

Lasse était là et Lasse était beau.Une beauté aussi hautaine que la sienne a de quoi maintenir le respect.Et jamais je ne vis un individu aussi téméraire pour oser m'offrir un cadeau d'une telle valeur.C'est pour cela que cette histoire d'amour avec Lasse avait fait naître pas mal de sentiment compliqués,mais jamais une insatisfaction par rapport à son comportement.Il m'a offert ce cahier que je vous ai donné,je n'ai écris dedans que des chansons,mais peut-être s'attendait-il à ce que je vous le donne afin que vous notiez dedans ?

Toute beauté est poignante,mais celle d'Annicka Harstorm l'était plus encore.Les suédois ont ils des racines ankarkéennes pour être aussi magnifiques?Je l'avais déjà demandé à Lasse en plaisantant.La peau blanche éclipsée par le rose bonbon d'Annicka,la peau bronzée de Lasse,ces nez que je parviens à apprécier alors que je trouve cette partie du corps particulièrement laide,ce sourire à la fois si accueillant et timide d'Annicka et celles si suaves et impertinentes de Lasse,cette douceur compliquée des yeux renverraient ma mère et ma sœur loin derrière.Ensuite,le mystère qui plane autour d'eux,leur dignité,leur générosité les stylisent encore et les rendent inaccessibles.

Pas de doute que je l'aurais aimé en Lettonie mais qu'en est-il de lui ?

-Je peux te parler en privé,a-t-il fait sur un ton faussement décontracté.

Il m'entraîna derrière la taule grise pour me parler en privé.

-Je viens d'avoir une idée,qui vaut ce qu'elle vaut.si nous commencions par exposer ton problème à ta compagne de hutte ?

-L'autre ?

-Je ne sais pas si je pourrais vous nourrir tous assez,Lana.

-Oh mais je n'en ai jamais douté.

-Ce que je veux dire,c'est qu'elle est née ici et elle ne semble pas si jeune que ça.Elle a connu tout le beau monde qui a été envoyé ici par les régimes russes successifs.

-Je ne pense pas qu' il y ait quoi que ce soit à attendre d'elle:elle ne nous aime pas ;

Mais d'accord,pourquoi pas,ma mère a déjà du le faire de toute façon.

Ma vie étant toujours aussi riche en rebondissement,j'eus l'agréable surprise d'être réveillée à cinq heures du matin par les cris des soldats.Ce n'était pas très différent de l'ensemble de mon existence.

-Ils voulaient me laisser fêter mon anniversaire ici ou quoi ?

Je n'eus droit qu'à quelques minutes pour me préparer.Je vais donc rapporter cette période qui bouleversera nos vies,encore plus.Des expériences que je n'aurais jamais pu imaginer vivre.

Pas de celles où tu pars pour la première fois avec ta meilleure amie chez les parents du cousin de ton demi-frère.Celles où tu te demandes ce que tu as bien pu faire pour mériter ça.

Dans les deux sens.Lasse avait pressenti que Jona nous donnerait de la nourriture et elle l'a fait.Pour une fois qu'elle serte à quelque chose ça change.Non,je suis de mauvaise foi,j'étais émue,éperdue de gratitude.J'allais passer au moins une semaine dans un train au beau milieu de cette magnifique région qu'était la Sibérie.J'aurais peut-être plus de chance que les autres,pensais-je.

Sous la pluie battante ils nous rassemblèrent devant les bâtiments administratifs,où je vis la famille de Viktor Luks,Markas Rabys,le lituanien,les jumelles et Madame Sessimis.Et derrière eux,une file ininterrompue de victimes ou d'élus,abîmés,hagards,ayant gardés avec eux des affaires qui les ont suivis dans les pires conditions jusqu'au bout du monde.

Madame Petys,l'ancienne prof de maths,est venue nous voir,affreusement triste.

-Ne me laissez pas seule...Je voudrais retrouver chacune de ces têtes d'élèves que j'avais pensé vouloir oublier au plus vite...J'aimerais tant rentrer chez moi moi aussi.Ne nous oublions pas.

J'ai déjà eu l'occasion d'avoir terriblement envie de la gifler,mais là je l'ai étreinte.

Cela faisait quelques temps que je me posais beaucoup beaucoup de questions.Sur mon avenir,celle de ma famille,de mes amis,des lettons,du monde.Sur les limites de la connerie humaine,sur la fragilité du destin.Mais aujourd'hui je ne me posais de questions que sur l'amour.Par exemple,sur l'amour.

Il ne me restait qu'à attendre que mon nom soit prononcé,lors de l'appel par ordre alphabétique,pour que je ne puisse plus jamais le revoir.On peut supprimer une personne en prononçant son nom.Si seulement il suffisait de prononcer des souvenirs à voix haute pour les supprimer aussi facilement.

J'étais morte de plus en plus.

-Au revoir,Lana,fit une voix derrière moi.

Vous devez continuer à vivre mesdames,mesdemoiselles.Le temps va atténuer vos souffrances.

-Car avec le temps vint la mort,grinça Lavra.

Je sentis comme un souffle de vent fermer la porte.Il me serra dans ses bras,et il pesait aussi lourd qu'un enfant,dans mes bras et dans mon cœur.

-Ryvaldis.

-J't'écrirais!cria-t-il.

-Hé,me rappela Gaëll avant de monter dans le wagon,c'est la fête des mères aujourd'hui je te rappelle !

En effet,et ce sera ma dernière fête des mères avant que je ne la perde.Pour la première fois depuis ma déportation,j'ai pleuré.Il m'échut la tâche de veiller sur les bébés,mais je me sentais trop immatures et égoïstes.J'ai tenté d'observer derrière le hayon,avant qu'il ne se rabattit,la silhouette du sorcier voler loin,très loin d'ici,avant que ce camion ne s'ébatte comme un poney pour me ramener loin de lui.Cette fois,j'eus réellement du mal à rire de mon malheur de femme séparée des hommes auxquels je tenais.Ainsi,au début de l'heure de trajet,je me suis ennuyée comme si je prenais un train pour Vilnius ou Kaunas.Je pourrais ironiser et dire que sans films et boissons chaudes le temps paraîtrait bien long,mais le temps normal est beaucoup trop loin derrière moi.Pourtant le trajet me sembla ordinaire d'une manière surprenante,avec ce joli paysage qu'on regarde défiler,ces pauses pipi/caca/clope,comme je les ai nommé dans un délire de jeunesse collégienne qui me revint en mémoire.C'est alors que nous arrivions à une gare perdue dans la taïga,une étape du réseau concentrationnaire d'une région magnifiquement hostile et colonisée.Je pensais que ce serait la dernière gare,la dernière fois avant que je ne reprenne le train normalement.Beaucoup de choses se sont déroulés depuis la nuit dans la gare près de Riga.Tout me semblait irréel tant je vivais au jour le jour,pour supporter la douleur physique.J'avais mes souvenirs d'avant,et surtout mes souvenirs de Lasse.Une situation aussi critique ne rend pas esseulé.Je serais sans doute très malheureuse à Babylone.

Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Hikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin