XXII

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Il continuait de me regarder sans rien dire puis il annonça enfin:
-"Je t'expliquerai tout demain matin sinon tu ne dormiras pas de la nuit."

J'aurai pu insister toute la nuit, il ne m'aurait rien dit: il avait mit ce ton un minimum autoritaire dans sa phrase pour me faire comprendre que je devais maintenant dormir.

Il y avait cette horloge sur le mur en face de moi. Celle que j'aurai voulu avoir quand j'étais assise seule dans la forêt sombre.
Le son régulier de l'aiguille des secondes se coordonnait aux passages de pouce de Jun sur ma main froide. Comme avec le métronome que j'avais l'habitude d'utiliser quand je faisais du piano, je comptais le rythme dans ma tête. Ces deux élements me berçaient et assez vite mes paupières lourdes làchèrent prise me laissant entrer dans un profond sommeil.

~

Pendant la nuit, contrairement à ce qu'elle avait fait dans la forêt, Iris avait relâché la main de Jun, se sentant enfin bien et en sécurité. Jun, lui, au contraire, serrait sa main toujours aussi fort, c'était sa façon de veiller sur elle, de la savoir en sécurité et proche de lui. Il s'en était vraiment voulu de l'avoir laissée seule dans la forêt et de voir qu'elle s'était blessée en son absence.

Dès leur réveil, des infirmières étaient venues vérifier la blessure d'Iris et leurs températures. Tout étant rentré dans l'ordre, il leur fut expliqué qu'ils rentreraient au camp en milieu de matinée. Après avoir prit une douche rapide et avoir recupéré leurs affaires, Jun et Iris allèrent au refectoire pour prendre leurs petits déjeuners.
Ils avaient commencé leur discussion matinale en se remémorant les moments de la veille. Pendant que Jun se moquait de sa réaction quand les policiers étaient arrivés, Iris lui rapellait que lui avait été méchant et les avait même perdu en forêt en pleine nuit.
Ils riaient tous les deux des événements de la veille bien que sur le moment; Jun avait eu un pincement au coeur en la voyant pleurer et Iris lui avait tout pardonné dès qu'elle l'avait revu. Ils en riaient maintenant parce qu'il fallait mieux en rire qu'en pleurer.

Ils étaient installés près d'une fenêtre pour manger, et, en voyant un homme avec la même veste que Mr.Kim, Jun posa ses couverts sur la table et dit:

-"Tu veux que je te raconte maintenant?"

Iris, surprise de ce soudain changement de sujet et en le voyant prendre un air sérieux, posa ses couverts et hocha la tête pour qu'il continue, ou plutôt qu'il commence.

-"Le professeur que tu défendais encore hier, il battait sa femme."

Quand il lui dit la verité c'était comme si elle n'entendait plus aucuns bruits autour d'elle. Son ouïe filtrait les sons de la salle bruyante et le seul son qu'elle pouvait entendre sortait des lèvres de Jun.

Elle ne disait rien. Elle aurait pu être surprise ou choquée mais depuis ces dernières années le danger se trouvait partout et il se rapprochait un peu plus chaque jour de chacun. C'était comme si qu'elle avait déjà tout vu ou plutôt que rien ne l'ettonait plus. D'une certaine façon elle se disait que c'était normal, qu'il fallait des gens comme ça partout et donc que c'etait la vie.
Puisque Jun lui avait annoncé ça d'un coup, sans laisser de suspens ni rien, elle avait pu s'arrêter seulement sur le dernier mot. La seule chose qui préoccupait son esprit était la femme qui avait reçu les coups.

La voyant silencieuse et sans réaction, Jun ne put s'empêcher d'ajouter:
-"Pourquoi est-ce que tu ne dis rien? Tu ne me crois pas?"

IL FALLAIT QUE JE TE RENCONTREWhere stories live. Discover now