XXXIV- 1

196 48 6
                                    

Lorsque je mis un pied dans le bolide, l'Homme qui me salua me fit penser à Jaejin de par son sourire. En avançant, je laissa cet homme derrière moi comme je laissais Jaejin derrière moi.

En attendant que les personnes devant moi trouvent leurs place, je regarda ma montre et mon regard s'attarda sur mon avant bras où cinq coeurs étaient dessinés. Quelques minutes plus tôt, Gayoung avait sortit un stylo et chaque membre de sa famille avait dessiné un coeur. Les 4 coeurs enrobaient un dernier coeur plein me représentant au milieu. Un des 4 coeurs autour du mien avait aussi été colorié de la même couleur, représentant Gayoung elle-même.

Elle aussi je la laissais derrière moi.

Tout ici me faisait penser à tout ce que je laissais derrière moi. En trouvant ma place, mon coeur se serra mille fois plus. Je glissa jusqu'au hublot avant de m'assoir sur le siège de la place 13. Treize. Comme le numéro de maillot de Jun.

Son prénom que j'avais oublié la première fois que je l'avais rencontré ne cessait de réapparaître dans ma tête, comme une anaphore.

J'attacha ma ceinture afin de pouvoir décoller. L'attente avait été trop longue. Maintenant j'étais enfin dans le ciel.

J'aimais la hauteur tout en ayant peur de tomber dans le vide. Je voulais toujours savoir jusqu'où je pouvais voir, jusqu'où je pouvais aller, jusqu'où le monde pouvait aller, où étaient ses limites sur Terre et où étaient celles de la Terre. Je vivais en hauteur, on pouvait même dire que je me trouvais dans les nuages à force d'en admirer leurs formes. J'aimais voir qui était plus grand que moi, je me disais que le monde, au final -malgré toutes les critiques qu'on peut lui faire- était beau et extrêmement bien fait. Beau à admirer, un peu plus chaque jour.

J'aimais prendre de la hauteur, mais pas aujourd'hui car aujourd'hui la hauteur me séparait un peu plus chaque seconde de ce qui était devenu mon monde depuis quelques mois.

Retour en arrière (la veille au soir):

-"Appelle les maintenant en visio et dis tout. Leur match est fini à cette heure là donc tu n'as aucunes excuses."

C'est Jaejin qui décrocha et il appela aussitôt Jun qui se jeta à plat ventre sur le lit, près de son ami. On demanda d'abord comment leur match s'était passé et Jun, tout excité, raconta qu'ils avaient gagné et que les patins qu'on lui avait offert pour son anniversaire en était sûrement pour quelque chose.

-"Vous devinerez jamais?!" continua-t'il

Il était tellement heureux et fier quand il nous annonça que 3 personnes de son équipe dont Jaejin et lui avaient été repéré lors du match d'aujourd'hui par un ancien joueur de l'équipe national de Corée et qu'ils auraient le droit à un entraînement personnalisé pendant les vacances qui précèdaient leur entrée à l'université.

-"Sinon quoi de neuf chez vous?" Jaejin s'adressa à nous à travers l'écran
-"Je dois vous dire quelque chose."
J'évitais le regard de Jun malgré le fait qu'il ne soit pas véritablement face à moi. Gayoung m'encouragea au moins trois fois avant que je ne lâche le morceau une bonne fois pour toute.

-"Je rentre en France demain."

Le visage de Jun se crispa et pas un mot ne sortit d'entre ses lèvres.
-"Pourquoi si soudainement?" s'exclamait Jaejin
-"Ma mère m'a réservé ce vol pour que je rentre avant les fêtes de fin d'année. Elle veut que je pense à ce que je veux faire plus tard et en France les inscriptions dans le supèrieur approchent. Jun,..."

Jun me coupa, sans même avoir besoin de le faire par la parole. Sans écouter la suite du message, il se leva d'un bond et sortit en claquant très violemment la porte de leur chambre d'hôtel derrière lui. La façon dont il m'ignora me brisa le coeur et la façon dont il était énervé me le brisa une seconde fois.

-"Ça y'est, il me déteste." éclatais-je en sanglots

Jaejin et Gayoung essayaient de me réconforter comme ils le pouvaient mais ils savaient tout aussi bien que moi que Jun venait de tirer un trait noir et épais sur moi. Gayoung et Jaejin avaient exprimé leur tristesse face à mon départ mais nos trois pensées s'en allaient sur Jun. Sur Jun et moi. Sur cette association de prénoms qui venait d'étre réduite en poussière en un instant. Gayoung, qui n'avait pas tort, m'acheva de nouveau en me disant que c'était peut-être mieux comme ça. Elle disait que c'était mieux qu'il apprenne à me haïr à partir de maintenant, plutôt qu'il ne garde encore espoir; c'était mieux qu'il n'y ait plus aucune chose qui puisse le retenir à moi. Gayoung insista aussi sur le fait que, au moins, nos derniers moments passés ensembles à son anniversaire lui laisseraient peut-être un bon souvenir.

Le lendemain matin, j'avais décidé de me lever tôt afin d'aller chez Jun pour voir sa mère. Toute la nuit j'avais pensé que je devais aller la voir pour me justifier à elle puisque Jun ne voulait pas m'écouter. J'avais besoin de lui expliquer mes choix...

Quand j'arriva dans le jardin, elle ouvrit la porte aussitôt comme si qu'elle avait attendu que je vienne la voir.
-"Iris, tu es venue me parler?"

Elle aurait pu m'en vouloir, mais elle comprenait ce qu'il se passait dans ma tête.
Elle me prit la main jusqu'au canapé et avant qu'elle ne me prenne dans ses bras, assise à mes côtés, elle alla chercher un bouquin et le laissa sur mes genous.

-"Lis à haute voix la première phrase du résumé de mon livre et imprime la dans ton esprit."
C'est avec des sanglots que j'essaya tant bien que mal de lire cette phrase.

》Tu es la plus belle fleur qui n'ait jamais poussée. Chérie, tu dois te souvenir de ça quand la météo changera.《

Ces mots étaient beaux mais je n'avais pas pleuré, au contraire, cette phrase me donna le courage de lui avouer, sans sangloter:
-"Je suis désolé, je sais que ça fait du mal à votre fils mais..."
-"C'est toi qui souffre le plus dans l'histoire, crois moi Iris."
-"J'ai pas pu faire autrement, et je regrette..."
-"On regrette seulement quand aurait pu faire autrement ma puce. Tu me fais penser à moi quand j'étais jeune."
-"À vous? "
-"J'ai rencontré Josh pendant que je faisais mes études en Australie. Mais après 2 ans, j'ai dû revenir ici afin de travailler pour une entreprise côtée du pays. J'ai pas pu refuser et Josh avait aussi de belles opportunités qui le retenait à Sydney."

J'écoutais attentivement son histoire tout en feuilletant son livre.

-"Pendant deux ans on ne s'est pas vu, même pas pendant les vacances, juste par video et tu vois où on en est maintenant? Mariés, trois beaux enfants, une jolie maison, des amis géniaux... C'est avec les mots qu'on entretient une relation ma puce, c'est comme ça qu'on a fait pendant ces deux ans; avec des lettres."

-"Sauf que Jun me hait. Et ça pour toujours." , je me retournais vers elle finalement les yeux remplis de larmes

IL FALLAIT QUE JE TE RENCONTREWhere stories live. Discover now