Chapitre 89 : Yoongi - 75%

Start from the beginning
                                    

— Je fais une pause.

— T'as dormi ?

— Non, et toi ?

— Ouais, un peu.

— Ça va mieux, ton bras ?

— Au contraire, j'ai l'épaule en feu...

— Il y a pas été de main morte.

— Je te le fais pas dire.

— T'as quand même essayé de soigner ça ?

— Non.

— Viens. »

Jimin lui adressa un signe de tête pour l'inviter à le suivre, Yoongi ne répliqua pas, il s'exécuta. Avec toutes les douleurs et blessures auxquelles le jeune danseur avait si souvent fait face, il savait comment s'y prendre, et si l'annonce de la tricherie de Jungkook et sa mort précipitée lui avaient fait oublier la souffrance qu'il avait lue sur le visage de son amant, il comptait à présent s'assurer que celle-ci ne s'accentue pas.

Ils se rendirent à la salle de bains.

« T'arrives à bouger le bras ?

— Je peux, mais je douille.

— On va commencer par mettre du froid dessus. »

Yoongi se contenta d'acquiescer, et Jimin quitta la pièce qu'il regagna quelques instants plus tard, avec entre les mains une poche de gel froid.

« Je savais même pas qu'on avait ça.

— Je l'utilise beaucoup, je la laisse toujours dans le frigo. Tu pourrais me dire où t'as mal exactement ?

— Ici, plutôt sur l'omoplate, » indiqua Yoongi en posant sa paume à l'endroit de ses douleurs.

Jimin opina et se posta derrière lui. Tous deux debout au centre du studio, ils restèrent silencieux. Le rappeur retint un grognement quand la poche fut placée contre son épaule abîmée, et il se mordit la lèvre pour éviter d'échapper le moindre son. Il demeura, en apparence, stoïque. Il gardait à l'esprit leurs deux bracelets allumés de sorte à ne pas déraper. Parce qu'il risquait de déraper, et de bien déraper. Jimin l'attirait, certes, mais le voir prendre ainsi soin de lui rendait l'aîné fou de bonheur et d'amour. Jamais on n'avait fait attention à sa santé, jamais on n'avait posé les mains sur lui avec une telle prudence. Il se sentait choyé alors même que Jimin se contentait de presser avec délicatesse une poche froide sur son épaule blessée.

« Tu peux la tenir contre toi ? s'enquit le cadet.

— Ouais. »

Jimin se dirigea vers l'armoire à pharmacie qu'il ouvrit et dans laquelle il fouilla quelques instants. Il en tira des comprimés. De retour auprès de son amant, il appuya sur le sachet bleu afin de libérer l'autre main de Yoongi qui prit la boîte.

« C'est effervescent, indiqua Jimin, prends-en un comprimé. Si la douleur persiste d'ici une heure, tu pourras en prendre un second, mais pas plus pour aujourd'hui. »

Le rappeur obéit, et une fois qu'il put replacer la poche froide sur son épaule, il fut abandonné de plus belle par son danseur qui quitta la pièce en déclarant revenir au plus vite. Quelques secondes plus tard, effectivement, il se trouvait de nouveau à son chevet, avec entre les mains une attelle.

« Tu sors ça d'où ? demanda Yoongi avant même que l'autre ne prononce le moindre mot.

— Je l'ai apporté en venant à l'émission. C'était dans mon armoire.

— Ah carrément...

— J'ai souvent eu des blessures.

— Parce que tu t'entraînais trop ?

— Je préfère dire que c'était parce que j'étais trop passionné.

— Rester plus longtemps à l'école pour éviter des parents violents, c'était pas la plus jolie base pour une passion.

— J'avoue, mais j'aime vraiment danser. La douleur est la preuve que la danse me rentre dans la peau.

— Et qu'elle te broie les muscles, compléta Yoongi.

— Non, elle les renforce. Je suis plus fort quand je danse.

— Tu n'es jamais aussi faible que quand tu danses. La danse dévoile tout de tes émotions, révéla le rappeur.

— Je ne me sens jamais aussi fort que quand j'arrive enfin à libérer mes émotions. La vraie faiblesse, c'est de se cacher comme je le fais. »

Yoongi demeura coi : il n'avait pas imaginé que Jimin considère son habituel détachement comme une faiblesse, au contraire il avait cru que le jeune garçon y voyait un puissant bouclier. Or, un bouclier servait à ceux qui savaient qu'ils ne pourraient pas encaisser les coups portés. Ils protégeaient d'une faiblesse.

Assumer ses sentiments, accepter de les montrer, Jimin n'en était pas capable. Son traumatisme avait tout enfoui au fond de son être, et c'était en ça que la danse lui apparaissait comme une échappatoire autant que comme une force : quand il bougeait avec la grâce du cygne, Jimin n'était plus Jimin. Il n'était plus qu'une pelote d'émotions brouillonnes qui se disputaient dans ses yeux et ses gestes.

Yoongi enfila l'attelle sans oser regarder son amant. Lorsqu'il s'exprimait de cette manière, Jimin l'intimidait. Il paraissait à la fois mature, innocent et brisé – drôle de mélange. Il devenait plus fascinant encore qu'à l'accoutumée, plus grandiose que jamais.

« Mais quand tu danses, osa enfin le rappeur, tu libères ses émotions sans t'en rendre vraiment compte, non ?

— Oui. Elles sortent, c'est tout.

— Et ça te fait pas peur ?

— Si, mais ça m'intrigue aussi, je crois. C'est étrange, les émotions. C'est ça qui les rend terrifiantes.

— Tu les trouves terrifiantes ?

— Dangereuses, donc terrifiantes.

— Je comprends.

— D'une certaine manière, aujourd'hui, tout le monde cache ses émotions. Ne rien montrer pour ne rien risquer. Toujours acquiescer et sourire devant ceux qui dirigent.

— Jimin...

— Les émotions nous rendent humains dans un monde où l'être humain n'a plus sa place.

— Tu crois ?

— On ment tous. »

Yoongi opina ; oui, ils mentaient tous.

Rookie Games [Yoonmin]Where stories live. Discover now