Chapitre 33A:Au nom des disparus.

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-Comment l'être?Il s'agit de mon père.Je ne suis pas patiente!

-Eh bien tant pis!fit-elle d'un air déçu,parce qu'elle était sans doute très inquiète elle aussi.

Nous ne pouvions pas ouvrir cette fenêtre,car cet appartement devait sembler abandonné,caché par des planches de bois et de guingois.Nous ne pouvions pas le guetter,voir quand est-ce qu'il aura réussi à arriver en bas de chez nous,et quand est-ce que nous pourrions descendre l'aider à monter cet escalier qui nous semblait une falaise.Je soupirai fortement,j'avais si peur qu'il lui soit arrivé la même chose qu'à ma famille,et j'aurais du mal à l'idée de laisser Halina seule.

Nous étions terrés tous les six dans un coin,j'étais serrée contre Waldek et sa soeur dans une obscurité troublée par le chandelier de Grazena.Faute de mieux,je papotai avec Ania.Et soudain,trois petits coups discrets tapèrent à cette porte.Halina et Wladek se précipitèrent pour ouvrir,persuadés d'avoir affaire à Wladislaw,sûrement paniqué,ou effondré par la perte de ses amis.

Ils virent Jerzy,un des résistants,il avait juste 18 ans.Je crus chanceler moi aussi tant ma déception était grande.Il se mit à parler,avalant de temps en temps la grande bouteille d'alcool qu'il été parvenu à subtiliser à l'extérieur,bénissant le taux d'alcoolémie important du pays.Halina essayait de le contraindre  à parler,de le contraindre à dire ce qui s'était passé,et qu'en échange,elle laisserait ce garçon réduit à la mendicité passer la nuit chez nous.

-Halina,il faut que vous soyez forte.Ce que je vais vous dire....

Eh bien,Wladislaw a passé la journée à l'extérieur,et des soldats allemands sont passés selon des témoins à sa proximité sans le reconnaître plusieurs fois de suite,sans s'attarder sur sa maigreur ou sur le gris maladif de son teint,certains polonais n'étant pas en meilleur état.

-Alors où est-il?redemanda Halina.

-Halina...Je m'en veux tellement de vous avoir fait miroiter de faux espoirs...Il n'y en a plus aucun pour lui,excusez-moi.

Et il se tut,nous laissant sous le choc,nous laissant avec le goût puissamment amer de la frustration de ne pas en savoir plus.De savoir si il est réellement mort ou disparu.Mais je n'étais pas attirée par lui comme Halina l'était,je n'étais pas la prunelle de ses yeux,sa plus grande fierté,son enfant,sa fille,je ne l'aimais pas comme Wladek ou Ania l'aimaient.

-Il a été raflé,s'exclama Jerzy,finalement.

-Il a été démasqué à l'extérieur?

Je fus celle qui posa la première question.Les autres étaient encore trop sous le choc pour le faire.

-Vous oubliez tout ce que les nazis sont capables de faire.Il a été arrêté avec tout un groupe.

-Il a donc pu rentrer vivant à l'intérieur du ghetto,et à ce moment là il s'est trouvé dans une file qu'on emmenait à Treblinka,c'est cela?s'égosilla Ania,laissant tomber sur le plancher ses genoux dont les os sortaient.

Cette question mit fin pour longtemps à nos fuites nocturnes,même lorsqu'il s'agissait de récupérer les trésors organiques de Jablonski(non ce n'est pas ce à quoi tu penses petite vicieuse).Mais Halina eut beaucoup plus d'absences répétées,et j'ose avouer qu'elle était beaucoup plus heureuse ainsi,dans son désir de liberté,hommage vengeur à sa meilleure amie.

-Non,ma petite,il...Je vais tout vous expliquer.Ils l'ont arrêté sans savoir qu'il était juif.

Je n'ai pas immédiatement fait le lien avec la famille d'Irena.J'ai pris Ania dans mes bras,dans lesquels elle pleurait.

-Il se trouvait dans une rue de la Varsovie non-juive,fit-il un étrange sourire méprisant aux lèvres,j'espère que ce n'est pas par égard à sa ville en elle-même.Il était déjà en retard pour rentrer ici,je ne pense même pas qu'il aurait pu.Il avait avec lui une potion de lait et de miel pour vous,quand les nazis ont bloqué la rue,une rue bondée,où nageait un flot d'êtres inférieurs,qui n'étaient même pas juifs.Ils les ont repoussé vers un imposant bâtiment situé au bout de cette rue,où ils les ont tous enfermé.Ils se sont emparés du sac de certains d'entre eux,et ils les ont tous embarqué dans un camion militaire.

Comme pour me faire pardonner,je me suis approchée de Waldek,je lui collai un bisou sur le front et je lui caressai le bras,en lui murmurant:

-Ikh bin in dir farlibt...

-Halina,vous n'êtes en sécurité nul part.Si vous parvenez à fuir,vous pourrez toujours être démasqué,dénoncer,et même si ce n'est pas le cas,vous pourrez finir comme lui.

-Comment le savez-vous,demanda Halina,le visage déjà rougi d'eau dont restait le sel collant et irritant.

Il se racla la gorge et répondit:

-J'ai connu Wladislaw il y a quatres ans et nous étions ensemble,j'ai pu m'enfuir mais lui non.J'ai abandonné cet homme formidable de bonté et impressionnant d'intelligence.

-Mais nous ne savons pas si il est mort ou pas!cria soudain Waldek.Il n'y a rien de sûr!Mon père était un homme courageux,je pense qu'il est loin de nous mais qu'il est toujours vivant,loin,à fomenter une révolte.

Visiblement fier de l'homme qui l'avait porté dans ses couilles,il bomba ses côtés.

-Tu crois cela...murmura Jerzy...Pardon,je n'aurais peut-être pas dû vous raconter tout ça...

-Si,l'interrompit Halina.Tu as bien fait.

Je suis partie m'enfermer dans la salle de bain,où je restai un long moment,pensive,les yeux dans le vague,assaillie d'assauts d'épuisement.Au bout d'un long moment durant lequel j'eus tout le loisir de me calmer,je retournai voir Halina,longue figure féminine,mince,en grand deuil,douleur majestueuse,et je lui dit:

-J'ai une faveur à te demander.

-Je t'écoute,vas-y.

-Laisse nous partir tous les cinq,ou du moins,les enfants de Soshele,là où elle est elle pourra difficilement refuser.Après,cours et rejoins la résistance.Ils veilleront sur toi.Accepte-tu.

Elle continuais de pleurer,et sans doute parce qu'elle n'était pas capable de refuser,elle sortit cette phrase si compromettante:

-J'accepte.


Les bourgeons de la Haine [Between shades of gray fanfic]Wo Geschichten leben. Entdecke jetzt