J'espérais qu'ils utiliseraient pour me juger un être réellement capable de sonder le coeur des gens.Ils m'emmenèrent dans les couloirs de la cave sans même prendre la peine de répondre à mes questions.J'ai constaté qu'après,j'ai patienté en silence dans une salle d'attente avec des magazines jusqu'à 20H30.Moi qui avait toujours été ponctuelle et gentille,je ne trouvais pas ça très juste.J'avais été témoin d'horreur et c"était moi qu'on accusait.
Comme par hasard,les juges n'acceptaient pas d'être autre chose que des camarades.C'est bien simple,d'autres appellations seraient considérées comme de grosses fautes de grammaire.Pas grave,quand je serais mère,je le dirais à mes enfants,comment on appelait les Sombraliens avant.
Ils avaient l'air d'être d'humeur plus sadique que de coutume.Je m'attendais à un jugement en bonne et dûe forme,entre professionnels.Mais la victime était une femme,une très belle femme pauvre,et une sorcière.Ce ne fut pas dans un bureau de jugement qu'ils me passèrent le savon du millénaire,la seule forme de jugement possible qui se termina de manière inattendue à mon avantage,mais devant une quarantaine d'ouvrières survivantes.Sans doute me croyaient-elles coupables,parce que je participais à la conversation.
-D'abord,vous reprochez de nous donner votre nom.Ensuite,vous êtes la seule survivante.
-Et vous imaginez le traumatisme?ai-je répondu trop honnêtement.
-Ouais,j'imagine bien.
J'espérais que j'allais l'hypnotiser,et que tout rentrera dans l'ordre grâce à des pouvoirs que j'avaius découvert y a un an.Mais je laissais tomber.Pas maintenant,c'est marrant.
-Vous avez autre chose à dire pour votre défense?
-Je peux vous faire la description du bonhomme.Si j'ai réussi à capturer son image...Peut-être retrouverai-je les allées parcourues de touristes du château de Ningovia!
-Hm,hm,mais quelle imagination vous avez!a fait la juge en agitant la tête.
Elle avait un air strict de directrice d'école primaire,la juge.
-Montre moi le tueur,miroir!ai-je crié tout d'un coup,comme si j'avais gilles de la Tourette.
On l'a vu cinq secondes et après il a juste disparu,complètement.Les cris ont été réduits au silence,les fluides ont séché,c'était visqueux.Après,tout s'est éteint dans la salle.On a à peine eu le temps de rassembler toutes les preuves que quelqu'un est violemment entré dans la salle.De grands yeux tristes m'observèrent un long moment,mais j'ai décidé de rompre ce contact visuel,baissant la tête pour me recroqueviller sur moi même dans une coque protectrice.J'attrapai mon sac magique laissé au sol,traversai la salle à toute allure pour me frayer un chemin dehors,poussant les gardes à coup d'épaule comme une vraie brute.Je n'ai pas levé les yeux de tout mon parcours,c'était là la vraie justice:que j'ai réussi à m'en sortir aussi facilement.Je jetai un dernier coup d'oeil à tout ceux là,et à ces deux enfants tétanisés qui regardaient la prétendue grande méchante avec d'énormes yeux.Il m'était impossible de me faire à l'idée que c'était avec cette réputation que j'allais vivre,que c'était ça que le monde allait penser de moi.J'avais souhaité plus que tout que les gens me reconnaissent,maintenant,je ne le voulais plus.J'avais été naïve d'espérer une reconnaissance positive.
Je repensais à Zowie et Knegna.Je n'avais,au final,pas grand-chose en commun avec elles,et pourtant nous étions les meilleures amies du monde.Ce qui nous rapprochait tellement,c'était notre jeunesse.Quand j'étais petite,on m'avait présenté mes dames de compagnie,et à la base,je m'en souviens maintenant,une gêne s'étaient installées entre nous.Knegna était la plus bavarde et active de nous trois et pourtant elle fut la première à être réduite au silence.
J'ai couru pendant plus de deux heures.C'était réellement le temps que je m'étais prévue avant de m'arrêter.Voler serait prendre le risque de me faire repérer et tirer à l'arbalète.Pendant tout ce temps je n'ai fait que penser à leurs mères.
La mère de Zowie s'appelait Yva.Elle venait de la communauté sombralienne des Clouths.Celle de Knegna,Ragninka.Après ce souvenir,de la brune et de la blonde,je me suis demandée:
-Et maintenant?en rigolant.
J'étais émerveillée par la taille de l'étendue d'eau au bord de laquelle je m'étais arrêtée.Tout me ramenait à l'eau.J'étais si petite par rapport à elle,si fragile.Elle était comme mon pouvoir,trop grande pour moi.C'est alors qu'on me vendit du rêve.Qu'on me fit une proposition géniale.
C'était un homme du pôle Sud.Un de ces mignons chasseurs au visage rond et aux yeux bridés,au teint sombre,aux cheveux noirs.J'étais attendrie par son visage et par ces mots,mais j'étais déçue par ce poste qu'on m'imposait.Je n'avais pas envie de chasser du poisson dans des eaux froides.
Mais j'avais terriblement envie de voir ces eaux froides,pleines de dieux difformes mangeurs de fruits de mer.Je lui ai donc dit:
-Hé bien,je descenderais au pôle Sud avec vous.
-Ah merci!Hé bien ça fait deux semaines que je cherche un équipage...
-J'ai gagné le droit de m'abrutir avec l'alcool pour oublier le fait que j'ai une vie pourrie,une vie moisie?
-Il me reste pas mal de bonnes bouteilles,je serais ravi de les partager avec toi...
Evidemment,les premiers jours en mer seule avec un beau garçon en manque de compagnie s'accompagnèrent d'un moment prématuré et inattendu.J'aurais préféré qu'il ait lieu avec Luke.Chaque fois que j'allais dans la cave et la cuisine,en bois et délicieusement vide,je repensais aux mots de ma tante,qui disaient qu'il ne fallait pas le faire trop tôt.Elle l'avait fait à 13 ans,après sa nuisance avec le roi des Zintelligents.
Quelque part,je voulais savoir,je devais savoir.Il ne m'avait pas rendu malheureuse,ce garçon qui était comme le dieu du crépuscule virginal,mais il avait brisé un but.Il avait menti un temps,pour que je m'accroche à lui.J'aurais dû décliner sa proposition d'un mouvement de tête,mais je n'en pouvais plus d'une errance monotone.Je préférais l'errance picaresque.
J'avais l'impression qu'on était un petit couple sur son bateau,qui mange sur une petite table en carré en tête à tête.Mais devant la poubelle-télé,je prenais place à l'autre bout du canapé,le plus loin possible de lui.J'étais avec quelqu'un,il m'avait volé la fleur virginale si importante pour les princesses célibataires,et pourtant,je n'avais pas fait l'effort de m'intéresser à lui.
-Dis-moi,c'est quoi ton nom de famille?
-Jang,et toi?
-Je ne sais plus.Avec toutes les horreurs que j'ai vécu,j'ai perdu ma capacité à penser.C'est pour ça qu'on a fait cette connerie ensemble.
Et j'ai tout déballé comme si je voulais évacuer ça une fois pour toute.Pour chasser la honte qui m'habitait.J'ai ouvert la bouche pour poser une question qui me démangeait.Mais j'ai fait du bruit avec du sucre et ma cuillère au lieu de prononcer un seul mot.J'ai fini par la déposer sur la table,porter la tasse à ma bouche,et boire dans un bruit désagréable.
-Est-ce qu'il y a un risque qu'on devienne parents?
-Tu veux pas d'enfants?
-Par pur instinct de survie au monde extérieur,un enfant me handicaperai dans ma fuite.
-Et moi,je t'handicap dans ta fuite?
-Au contraire,tu l'as facilité.
Il n'avait fait que profiter bêtement de ses sens,il a subit un mécanisme interne,moi j'ai subi la cruauté du monde.Donc tout ce que j'ai pu faire,c'était me réfugier sous un lit.Ce bateau,et son occupant en manque,permettaient juste de gagner du temps.Oui,j'étais devenue une calculatrice qui essayait de protéger sa carcasse.Sans parfaitement y réussir.Il est arrivé ce moment où j'étais trop détruite pour espérer réparer autres que moi même.Alors comment réparer les problèmes d'un enfant quand il aura 5 jours,5 mois,5 ans.
Je ne pourrais jamais faire éclater dans son regard la lueur qu'il y a dans celui des enfants heureux.Je devrais lever la main sur ce que je penserais être un petit con,comme lui.Je devrais me soucier de mon bébé,qui pleurait,que je devrais abandonner à un destin meilleur.Qu'il aille,qu'il vive et qu'il devienne.Ce que j'ai