On a frappé à la porte de cette caverne grise et brune où nous étions censés nous cacher.Deux coups retentirent à la porte à quelques secondes d'intervalles.J'étais dans une grotte où mon corps amaigri se ratatinait facilement,laissant un arche de rouille et d'os au-dessus des têtes des leprechauns.
Je les autorisais à ouvrir et une fée mexicaine entra tandis qu'une silhouette immense resta sur le pas de la porte.
-Vous pouvez pas vous miniaturiser ?
-Je sais pas si ça vient de l'endroit mais je n'y arrive pas du tout.
-Je vais vous aider,ai-je dit sur un ton neutre et professionnel.Il m'a rappelé les super héros dont on me parlait dans les livres d'Histoire,qui vivaient sur Terre à l'époque de la Rome Antique.
-Ow,ai-je fait en voyant l'intéressée.
Morgana était une fée terrestre exilée à Tir Na Nog,qui porte le nom de l'ancien royaume des fées terrestres,aujourd'hui l'Irlande.Il n'existe pas vraiment de différences entre les anciennes fées terrestres et les fées du continent de Dodinoronjuffol.Les anciennes fées terrestres n'ont pas vraiment de pouvoirs différents,pas de physique différent non plus.Morgana avait la peau blanche et les cheveux noirs,un physique de sorcière,des ailes d'un vert sombre comme celui des sorcières des marécages de la désespérance.La différence,c'est qu'elles ont été privées d'enfance.Une guerre entre fées et sorciers a dû avoir lieu là-bas il y a des siècles,et selon la croyance populaire,l'Irlande actuelle ne serait plus qu'un rassemblement de miséreux.En revanche,il existe une immense différences entre les fées et les petites fées des bois de Smäland.Les fées de Smäland étaient minuscules,attachées à un élément naturel,et vivaient beaucoup moins longtemps.
Ainsi,j'ai travaillé pour eux.J'espérais travailler,récupérer de l'argent.Cela ne m'apporta aucune joie,mais mon père ne cessait de me répéter que je pourrais m'en prévaloir pour un mariage,et cela permettrait d'acheter de quoi me garantir un confort qui amenuiserait la douleur physique.Même quand c'est le travail et le manque de sommeil qui en sont à l'origine.Les rares espoirs licites qui me restaient,ne pas connaître le déshonneur et vivre jusqu'à trente ans,se sont arrêtés eux aussi.Je vivais dans la situation absurde qui était celle de servir de loin une guerre dont je devais être à l'origine,commendée par ceux qui ont abandonné leurs anciens compatriotes.Je ne pouvais pas faire confiance à ces créatures,mais il est vrai que je ne pouvais faire confiance à personne.
Jusqu'à ce que l'impensable arrive.
-Loony,a crié une fée à la voix fluette et à la peau orange et verte.Cache-toi.
J'ai tourné la tête,et posée comme une araignée contre la pierre je me suis rendue invisible.
-Loony de Sombralia?a fait le leprechaun à l'entrée de la grotte.Il n'y a pas de Loony de Sombralia ici.C'est sans doute une voisine.
Puis il s'est mis à appeler un des lutin Baudelaire,des lutins blonds habillés en bleu cousins des elfes.
-Nojérôme!Nojérôme !
Smälland est vraiment un pays fascinant.Le petit elfe a relevé ses manches pour faire une démonstration d'art martial,excité comme un lapin boxeur,contre lui.L'amitié entre Smälland et Sombralia,entourant la grande forêt des elfes,a de beaux jours devant elle.Quand il est venu me chercher,j'ai détaillé ses bras et il en a fait de même.Chacun regardait sur le corps de l'autre des traces de contusion.Lui n'avait rien,et c'est vrai,un elfe blond et souriant contusionné ça serait bizarre.On ne peut pas en dire autant de moi.
-Pourquoi tu t'inquiètes tant pour lui?a demandé une blondasse aîlée,qui n'est sûrement même pas de la dimension.
-Pourquoi cette question débile?
-Hé ho du calme,t'es amoureuse de lui ou quoi?
-Je ne vois pas pourquoi je serais amoureuse de lui,mais j'ai de bonnes raisons de penser que toi t'es amoureuse de l'elfe,ai-je dit avec un visage des plus sereins qui a dû décupler chez elle l'envie de me gifler.Et ça n'a pas loupé.
Je ne sais pas d'où venait cette fille mais elle eût raison de ma présence ici,dans la rébellion.Elle m'avait d'abord proposé de marcher un peu pour qu'elle me raconte,mais il s'agissait uniquement d'une ruse facile pour me balancer dans le vide.
Ainsi personne ne put plus rien pour moi.Il faut croire que celle qui avait menacé l'équilibre c'est celle qui s'est faite attaquer.J'étais pourchassée par des révolutions qui s'étaient faites en mon nom.Je n'ai même pas tapé quelqu'un.Même moi qui avait le pouvoir du mensonge je n'en avais jamais usé et encore moins abusé.Je ne connaissais vraiment personne pour m'accueillir,heureusement qu'on était en faicho.J'ai voué une amitié incroyable à plusieurs personnes,mais deux sont mortes et je suis sans nouvelles des autres.Je ne m'étais jamais sentie aussi seule avant.La chair animée de magie pouvait elle aussi se consumer.
Je ne supportais plus leur absence.Mon père m'a déjà fait souffrir,mais jamais autant que quand il était mort.Le roi immortel.Mes lobes.Je le revois encore près à me déposer un baiser sur le front et à dire qu'il sera toujours là pour ses enfants,et déjà rompue au cynisme du pouvoir,j'ai cru que c'était une métaphore du Royaume en général.
J'avais cessé de me débattre.Alors que d'habitude,quand j'avais une idée en tête,c'était la croix et la bannière pour que je m'en sépare.C'est alors que je vis derrière moi un garçon.Du groupe des rebelles.Il ressemblait à Peter Pan.
-Tu le savais?
Ma voix le sortir de ses réflexions.
Il répondit par un non concret.Alors que j'espérais trouver un nouvel allié,il partit.Il se demandait simplement ce qu'il pouvait bien faire de sa vie avec une fugitive.Empocher le fric de la récompense ou vivre des aventures poisseuses?
J'ai repensé au garçon aux yeux noirs,Luke.La première fois que je l'ai vu,je l'ai simplement trouvé très beau.Mais très vite,je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas que ça.Juste en croisant son regard de gitan,j'eus l'impression qu'il me poursuivait dans mes solitudes côtières.Au total,je n'ai pourtant passé que cinq heures en sa compagnie.Un jour viendra,je me le promets,où nous nous parlerons comme si on se connaissait depuis toujours.
Je ne compris pas ce qui se passa par la suite.J'ai soupiré et j'ai posé ma main sur mon ventre.Une sensation désagréable s'empara de moi,qui alla jusqu'à me plier en deux,et à me projeter contre un tapis de feuille d'émeraude.Je relevai ensuite la tête,brusquement,et j'eus la même impression que celle que l'on a lorsque l'on est projeté en arrière comme par enchantement,sauf que je ne bougeais pas.
Les mains de Ponno quittèrent les miennes auxquelles elles étaient étrangement et solidement accrochées.J'aurais voulu articuler quelques mots de plus,mais elle me tut et elle me passa autour des épaules une écharpe aux couleurs de Sombralia,noir et violet,les couleurs de la nuit.
-Vous êtes Sombralienne?
Elle fit un drôle de signe,étonnamment jeune et enthousiaste,un genre de « hinhin ».
-Comment avez-vous rencontré Panne et Penne?
-La rencontre de trois âmes complémentaires qui fut définitive.Elles viennent des royaumes ankarkéens dont sont originaires les ancêtres Sara et Lana.
J'allais dire que j'espérais que ce soit surtout ma relation avec Luke qui s'élève au plus haut point du firmament et qu'elle dure pour l'éternité.Mais elle avait tout saisi:j'avais tant besoin qu'elles deviennent mes amies.
-Elles viennent d'où?
-L'arrière-grand-mère de Sara vient d'Arendelle,la grand-mère de Lana,de Tir Na Nog,mais je ne peux pas t'en dire plus.
Si elles deviennent tes meilleures amies elles te le diront.
Je pourrais être flattée de son optimisme,mais prallag de szriluzug (bordel de merde),j'avais envie qu'on me dise ce qui se passe entre moi et les terrestres.Mais Ponno avait accepté de consacrer tout un après-midi au déballage du récit de la vérité ankarkéenne.C'était bien la première fois qu'on m'écoutait sans me hurler dessus,ou alors de terreur.
-Ponno,dîtes-moi,est-ce que si je retourne à Sombralia je verrais encore les rebelles?
-Cela fait plus d'une année qu'ils ont été détruits.
C'est fini depuis un an...déclara Ponno à voix basse mais assez fort pour que je l'entende.C'est fini.Loony....
-Je les hais!ai-je ris avec une cadence démentielle.Je les hais tous autant qu'ils sont!
Le malheur des salauds ne devrait faire le bonheur de personne.Du moins c'est ce que je m'étais juré.Mais toutes les promesses ne sont pas tenables.Ma mère avait promis de toujours veiller sur moi.La présence de son souvenir quelque part entre l'âme et la poitrine ne m'as pas sauvé.C'est juste la vérité sur elle,qu'elle n'a jamais eu l'intention de révéler dans aucune interwiew aussi secrète soit-elle.Je me souviens de sa gouvernante débile-soumise,Nolwenn,Combien de gens ne lui adressaient la parole que pour connaître le secret de la reine?C'était ça,leur cible de base,le fruit de leur récompense,le secret de la reine!Je suis la gardienne du secret de Kétan!
-Ma mère m'en voudra-t-elle d'avoir révéler son secret?me suis-je interrogée à voix haute.
Ponno réfléchit avant de dire.
-Le véritable secret,c'est que tes parents n'ont jamais éprouvé d'amours l'un pour l'autre.