XXXI Les Bottes

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Il faisait nuit lorsqu'ils arrivèrent devant la demeure de la sorcière. Elle paraissait sinistre alors qu'en réalité elle était semblable à la moitié des habitations de Strépy. Et pourtant, elle avait l'air si différente. Encore une fois, l'impression venait de la propriétaire. Feue la propriétaire. Les images du bûcher revinrent à Richard et Catherine.

Un carreau était brisé juste au-dessus de la dernière empreinte qu'ils avaient mise à jour. Ils pénétrèrent en silence dans la maison. Aucun des trois n'était vraiment rassuré, malgré le fait qu'aucun ne croyait vraiment aux pouvoirs de la sorcière. Cependant, il était difficile d'oublier toutes les histoires qu'ils avaient entendues depuis leur plus jeune âge dans cette atmosphère lourde et lugubre. Agnès avait pourtant décoré sa demeure avec beaucoup de goût mais toutes les plantes étaient mortes depuis et la poussière recouvrait les meubles et le parquet. Une légère brise pénétrait dans la maison. On pouvait clairement entendre son souffle à travers la bâtisse. Sur une table, se trouvaient diverses bouteilles et plantes disposées dans le désordre le plus total. Elles témoignaient de l'activité connue et de celle présumée de la sorcière. Ils entrèrent lentement, chacun se demandait intérieurement s'il ne valait pas mieux attendre la journée pour revenir fouiner dans le coin.

Richard se remémorait l'histoire tragique des noces funestes que la jeune mariée avait dû endurer, de sa fuite, de ces mois passés ici et de sa seconde fuite qui fut aussi la dernière. Le malheur de cette femme semblait être encore gravé dans les murs de cette maison qu'elle avait occupée. Il ne pouvait s'empêcher de trouver toute cette affaire aussi triste qu'effrayante.

Il ne croyait pas aux fantômes malgré toutes les histoires qu'on avait pu lui raconter depuis sa plus tendre enfance. Mais d'un autre côté, ce n'était pas non plus le genre d'homme à se balader dans un cimetière au beau milieu de la nuit. Il vit des empreintes sur le sol et arrêta ses deux compagnons.

- Attendez ! dit Richard

- Qu'y a-t-il ?

- Les empreintes sont encore distinguables dans la poussière. Nous devons éviter de marcher dessus pour pouvoir suivre les actions de nos prédécesseurs.

- Mais nous n'avons qu'une seule lanterne, fit remarquer Jean.

- Je vais chercher des bougies, restez-là.

- Il tenait la lanterne assez basse pour discerner les traces.

Ils se dispersèrent. Jean découvrit que la porte avait été fracturée et que deux empreintes distinctes en venaient. Ils en déduisirent que l'assassin était passé par la fenêtre comme eux et que Letisserand et son acolyte avaient emprunté la porte comme Madame Bocquée en avait informé Richard. Étant donné que les traces menaient au carreau brisé, le meurtrier devait donc être une tierce personne, l'avocat et son sbire étant hors de cause. Catherine découvrit un cagibi contenant différentes bottes et souliers mais une paire de bottes attira son attention plus que les autres.

- Richard !

Il accourut pour la trouver choquée devant des bottes recouvertes de sang. Ce sang, elle le savait, appartenait à son père. Sa mère et elle n'avaient pas pu voir son cadavre car leur entourage avait préféré les ménager. Malheureusement, cette découverte lui montra clairement la violence avec laquelle le vieux Maïeur avait été attaqué. Sur le moment, elle regretta d'être venue avec eux.

- Vous allez bien ?

- Ce sont les bottes de l'assassin. Je parie qu'il les a déposées là dans le but de nous faire croire à l'intervention du fantôme de la sorcière et détourner l'attention. Les gens dans le village sont déjà en très grande partie convaincus que toute cette triste histoire n'est pas une simple coïncidence.

Le Bûcher de la SorcièreWhere stories live. Discover now