XX La Rumeur

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Le village était en ébullition. Les gens ne parlaient que de cela : la sorcière avait lancé une malédiction qui avait mis fin aux jours du Maïeur. Après tout, n'avait-elle pas prononcé son nom sur le bûcher ? Personne ne pensait un seul instant qu'il puisse s'agir d'un meurtre commis par un humain totalement normal. Ils avaient vu Ursmer être démoli moralement dans un premier temps, la langueur était un envoûtement bien connu des servantes de Satan, la mort l'avait ensuite rattrapé de manière plus que brutale. La foule prenait peur : peut-être que la malédiction ne s'arrêterait pas là. Chacun se remémorait la nuit de l'exécution et leur propre comportement vis-à-vis de la suppliciée. Quatre ans plus tard, la présence de la sorcière hantait encore les lieux.

Dans ce genre de situation, certaines personnes trouvent toujours un moyen de tirer avantage de la crédulité des gens. C'était le cas de Gondry. Il en profita pour tenter de revendre les quatre fers de feu son cheval adoré. Ils étaient censés servir de protections contre le Malin. Secquegneau avait fait capoter la vente en rappelant le sort du cheval et des deux personnes qui s'en étaient approchées juste avant sa mort.

Richard était écœuré, il avait toujours supporté de voir ces deux-là se chamailler mais dans un contexte aussi tragique, il trouvait cela extrêmement déplacé. Il était rentré chez lui pour faire le point et se reposer. Personne n'était plus venu depuis son départ. La poussière recouvrait les moindres recoins. Il s'apprêtait à arrêter Letisserand et son mystérieux acolyte qu'ils savaient responsables de la mort de Soupart. Seulement, il n'avait aucune idée de la façon dont il pourrait y parvenir. Il prit la décision d'en parler à Julie et Catherine dès que Dolliet aurait fini de les interroger. Celui-ci avait au moins un point commun avec Richard : Il savait que le meurtre n'était pas dû à un phénomène surnaturel. Il s'agissait maintenant que son enquête le mène à l'avocat. Il doutait que cela puisse arriver, Dolliet n'était pas très fin et il ne disposait pas, en outre, de tous les éléments pour y parvenir.

L'interrogatoire de Julie et Catherine n'avait pas apporté grand-chose, les seules certitudes dans l'affaire étaient qu'Ursmer Soupart avait quitté son domicile peu après dix heures du matin pour faire une promenade qui l'avait mené par-delà la colline Sainte-Anne selon des témoins et ensuite à la Moronie sur les flancs de laquelle on avait retrouvé son cadavre. Catherine était ensuite allée acheter de quoi manger pendant que Julie était restée à la maison.

Quand Dolliet sortit de chez les Soupart, il n'était pas seul. Richard n'en crut pas ses yeux, il interpela Dolliet.

- Que faites-vous ? demanda Richard

- J'emmène Madame Soupart avec moi au Roeulx, elle est la suspecte avec le mobile le plus sérieux jusqu'ici.

- Vous délirez, mon vieux, jamais elle...

Dolliet l'arrêta net, il n'était vraiment pas d'humeur pour jouer à cela. Il se retourna vers Richard et lui dit :

- Voilà pourquoi je ne veux pas de vous dans cette enquête : vous convoitez la fille de la victime et de la présumée coupable, vous n'êtes, en aucun cas, objectif. Cette femme a découvert l'infidélité de son époux. Il n'a eu de cesse de pleurer sa maîtresse depuis son exécution et lorsqu'il décède, vous ne considérez pas son épouse comme suspecte alors que c'est la piste la plus plausible.

- Vous ne la connaissez pas.

- Justement, c'est là tout l'avantage. Allez réconforter la fille, vous ne perdrez pas totalement votre temps. Laissez-moi faire mon boulot.

- Mon boulot !

Mais Dolliet n'écoutait déjà plus. Il repartait avec Julie. Décidément, même lui savait pour Catherine, pensa Richard. Il arrêta de se regarder le nombril et entra chez Catherine. Elle était dans le salon, en état de choc. Une larme se détacha de sa paupière et roula le long de sa joue. Elle avait exactement la même pose que son père, des années auparavant. Elle était superbe, le temps avait transformé la jeune fille en une femme rayonnante. Il approcha doucement, délicatement. Il ne savait pas vraiment quoi dire dans une pareille situation. Il se contenta de signaler sa présence.

Le Bûcher de la SorcièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant