XI Le Procès

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Elle se réveilla péniblement. Quand elle essaya de bouger, elle s'aperçut que ses mouvements étaient restreints par des liens solidement attachés. Elle se souvint alors de l'adieu, des gendarmes, de la poursuite et de la chute. Elle était restée longtemps évanouie : il faisait jour. Elle entendait le bruit d'une foule dans une pièce attenante mais ne pouvait rien comprendre. La porte grinça, la clameur populaire augmenta puis revint à son niveau normal dès que le nouvel arrivant eut pénétré dans la pièce et décida de les isoler.

- Que me voulez-vous ?

- Vous le savez très bien, des aveux.

L'homme qui lui avait répondu était un prévôt âgé, à la mine dure et qui devait avoir souri quinze fois dans sa vie au grand maximum. Et certainement en bas âge. Elle était pétrifiée, une goutte de sueur lui coula le long de l'échine.

- Je ne comprends pas.

- Je pense que si, sorcière.

Elle tressaillit : elle savait ce qui arrivait aux femmes qui, un jour, étaient appelées sorcière par ce genre d'hommes. Si le malaise de cet être infâme au Roeulx lui avait été fatal, elle serait condamnée, elle le savait.

- Vous n'allez tout de même pas croire...

- Croire, c'est mon métier, sorcière. Toute la matinée, nous l'avons passée à recueillir des témoignages. Une vingtaine de témoins affirment vous avoir vue, à de nombreuses reprises, vous faufiler dans la nuit à des fins inconnues ou bien vous adonner à la cueillette de bien étranges plantes. De plus, il y a cet homme au Roeulx et le maïeur du présent village qui sont tous deux de précieuses pièces à convictions mais également...

Elle n'écoutait plus. Une vingtaine de personnes ? Comment pouvait-elle s'être fait autant d'ennemis ? Comment pouvaient-ils témoigner d'actes aussi douteux quand ils savaient où cela la mènerait ? Elle se mit à trembler.

- Je ne comprends pas.

- Vous comprendrez vite, faites-moi confiance. J'ai instruit bien des procès de ce genre. Vous partiez tard le soir dans le but de vous donner à Verdelot, cela ne fait aucun doute.

- Cette accusation est fausse.

- Je savais que vous n'avoueriez pas si facilement. Le Malin vous protège pour l'instant mais une fois que vous serez... mise en condition, je suis sûre que vous nous direz toute la vérité.

Le sinistre prévôt s'en alla rejoindre le tribunal pour faire part de la déclaration de l'accusée. Le tribunal décida d'interroger la sorcière avant toute décision. En entrant dans la pièce, elle vit une assemblée de gens à la mine grave faisant place à la moitié de la population de Strépy. Des cris retentirent à sa vue. Le bailli de Binche, l'un des principaux représentants de la justice s'était déplacé pour l'occasion et présidait le procès. Bien, pensa-t-elle, il n'avait pas droit de prononcer les peines capitales. Le prévôt vint lui glisser à l'oreille :

- N'ayez pas l'espoir de trouver votre salut en l'absence du châtelain. Il viendra quand le procès sera plus avancé.

Le bailli ouvrit le Mallens Maleficarum, l'ouvrage de référence pour interroger et identifier les sorcières. Il commença de manière simple :

-Veuillez décliner vos nom et prénom.

-Melin, Agnès.

Ils enchaînèrent avec l'adresse, le lieu et la date de naissance.

- Quand vous-êtes vous confessé pour la dernière fois ?

- Il y a six jours.

Le curé de la paroisse hocha un assentiment.

Le Bûcher de la SorcièreWhere stories live. Discover now