XIII La Solitude

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Cinq jours durant, il ne parla à personne. Il était inconsolable. Il noyait son désespoir dans l'alcool. En fait, sa situation était assez similaire à un de ses lendemains de beuveries passées. Après avoir connu l'ivresse de cet amour parfait, il se retrouvait anéanti et déprimé. Il se demandait encore s'il avait été la proie d'un charme, d'un rêve ou si tout cela avait été réel. Il la revoyait encore et encore : d'abord belle et sereine dans ses bras puis dévorée par les flammes, hurlant son nom et mourant sur le bûcher. Tout cela n'avait pas de sens, il y a une semaine ils étaient si heureux puis tout s'était terminé aussi rapidement que cela avait commencé. La fin avait été si brusque qu'il avait d'abord tout simplement refusé d'y croire.

Il ne cessait de se poser des questions. Et s'il n'était pas intervenu ? Elle serait peut-être loin maintenant. Ils seraient séparés mais elle respirerait encore. Et, au contraire, que serait-il advenu d'elle, s'il était venu avec elle à la rencontre de l'homme qu'elle avait prétendument tenté d'assassiner ? Pourquoi n'était-il pas parti avec elle ?

Il était en colère contre lui-même, contre tous ceux qui avaient empêché leur passion, contre le genre humain, contre le monde en général.

Pendant ce temps, Richard enquêtait de son côté. Il n'était pas convaincu que l'enquête avait été suffisamment bien menée. Il était retourné au Roeulx dans l'espoir d'interroger la victime d'Agnès mais celui-ci était toujours inconscient. De plus, à son chevet, il y avait un homme à l'allure peu commode qui apparemment ne voulait pas que l'on dérange son employeur et qui semblait prêt à tout pour lui.

Il n'insista pas, il reviendrait quand la santé de l'homme qui avait déclenché cette folie serait rétablie. Tout ce qu'il avait obtenu au Roeulx, c'était que l'étranger n'était pas arrivé depuis longtemps, qu'il avait logé à l'auberge et qu'il était très désagréable et irascible. Autrement dit, il n'était pas du tout plus avancé. Un grand sentiment de frustration grandissait en lui, ce qui lui déplaisait au plus haut point.

Le mystère l'attirait d'autant plus. Strépy ne lui donnait pas beaucoup d'énigmes à résoudre et il ne comptait pas laisser s'échapper celle-là. Il savait qu'il avait une autre source d'informations mais il n'osait pas s'en servir. Le Maïeur en savait plus que tous les autres sur Agnès, il pourrait lui être très utile mais il craignait que venir l'importuner, dans un moment aussi dur, pourrait l'empêcher d'obtenir un jour la main de Catherine. Puis il se dit que son attention serait peut-être bienvenue et se décida à aller interroger Ursmer.

Il revint à Strépy, en prenant son temps. Il voulait être sûr de sa décision avant de frapper à la porte des Soupart. En chemin, il tomba sur Gondry. Il savait à l'avance vers quoi allait se tourner la conversation mais ne pouvait pas l'éviter. Cela aurait été encore pire et il le savait bien. Il alla donc à sa rencontre.

- Salut, gamin. Sale temps, hein ?

- Ne m'en parlez pas, je reviens du Roeulx et je suis trempé jusqu'aux os. Cette satanée pluie ne s'arrêtera-t-elle donc jamais ?

Ils se parlaient à l'abri d'un prolongement du toit d'une maison. Richard n'était pas contre cette conversation car c'était une occasion de reporter la suivante qui serait sans doute pénible.

- Qu'est-ce que t'as été faire par là-bas ?

- Je voulais interroger le bonhomme que la sorcière a tenté d'empoisonner. Il n'était malheureusement pas en état de m'être d'une quelconque utilité.

- T'interroges les victimes maintenant, t'as rien d'autre à faire ou quoi? J'ai du travail à revendre si cela t'intéresse.

- Merci, mais j'aimerais tirer toute cette affaire au clair. Enfin, si cela ne dérange pas outre mesure vos petits plans de travaux pour couper l'herbe sous le pied de ce malheureux Secquegneau, bien sûr.

Le Bûcher de la SorcièreWhere stories live. Discover now