Le Bûcher de la Sorcière

XXXV Le Réveil

La porte fut défoncée brusquement. Le bruit les réveilla en sursaut, ils imaginaient le pire. Quelle ne fut pas leur surprise quand ils découvrirent Gondry suivi de près par Secquegneau. Quelle ne fut pas la surprise des deux fermiers lorsqu'ils les virent allongés l'un à côté de l'autre ! Gondry fut le premier à briser le silence.

- Pincez-moi, je rêve ! Ne me dites pas que vous êtes venus, tous les deux, jusqu'ici, dans la demeure d'un mort, pour...

- Non, l'interrompirent-ils à l'unisson.

Les deux vieux se regardèrent, ils avaient l'air réellement amusés par leur embarrassante situation et un peu rassurés aussi.

- Que faites-vous ici ?

- Dolliet s'est pointé au village pour vérifier que vous aviez arrêté Delplanche. Quand nous lui avons répondu que vous n'étiez pas rentrés, il a demandé que nous fouillions les environs. Il nous a appris pour le cordonnier alors Gondry et moi avons pensé que, dans cette situation et par un temps pareil, nous nous serions abrités ici. La seule différence est que nous aurions dormi séparés, dit Secquegneau avec un sourire qui s'étirait tellement que Richard s'attendait à ce que ses lèvres craquent.

- Faut ce qui faut pour se tenir au chaud ! Renchérit Gondry en leur lançant un clin d'œil complice et en gardant son sourire dévoilant tous ses chicots cariés.

Catherine ne savait plus où se mettre, Richard n'était qu'à moitié ennuyé mais il prit un air indigné quand même et finit par les remettre à leur place. Il savait des choses sur eux deux. Ils reprirent leur calme rapidement. À ce moment, l'enquêteur eut une vision d'horreur, il agissait en tous points comme Letisserand, utilisant des moyens de pression pour rester en paix. Il laissa cette pensée de côté et bricola une civière pour le transport du cordonnier vers Strépy pour son inhumation.

Le voyage fut long car la couche neigeuse était épaisse. Cependant, il n'était pas si désagréable que cela car le ciel était maintenant d'un bleu limpide et le paysage d'un blanc immaculé. N'eut été le corps sans vie qu'ils transportaient, cela aurait été une belle balade. Arrivés à Strépy, ils reçurent la visite de la sœur du défunt, elle était déjà en larmes mais voir le faciès de son frère aussi déformé la détruisit complètement. Catherine la prit dans les bras, elles se connaissaient à peine mais, venant de traverser la même épreuve, elle savait qu'elle en avait besoin.

Richard et Catherine rejoignirent ensuite Dolliet qui interrogeait Delplanche où il l'avait trouvé : à la taverne. L'ancien assistant d'Ursmer ne semblait pas comprendre ce qui se passait et clamait haut et fort son innocence.

- Comment cela avance-t-il ?

- Pas dans le sens que vous espériez. Des témoins l'ont vu hier pendant toute la matinée. En ce qui concerne le meurtre de monsieur Soupart, il prétend qu'il était avec son cousin au Roeulx en train de boire une bière à la taverne. J'ai envoyé un de mes hommes vérifier. Mais, à dire vrai, je commence à avoir de sérieux doutes quant à sa culpabilité pour l'un ou l'autre meurtre.

- Je le crois, dit Catherine.

- Vous êtes sérieuse ? Vous le croyez ? Vous savez que nous ne sommes pas partiaux envers ces gens que nous connaissons si bien. Ne vous rappelez-vous donc déjà plus de notre conversation d'hier ?

- Si et je me rappelle également que les bottes étaient plus petites que celles de Delplanche. Voyez par vous-même.

Richard demanda à Delplanche d'ôter ses bottes, au cas où il aurait chaussé une taille plus grande pour dissiper les soupçons. Mais il n'y avait pas de doute, ses pieds ne seraient jamais entrés dans les bottes du meurtrier. Il connaissait ce type depuis des années et il n'avait jamais remarqué ce détail mais maintenant il ne voyait plus que la taille monstrueuse de ses pieds. Il ne pouvait en détacher le regard. Il finit par se rendre compte que les trois autres personnes dans la pièce l'observaient et qu'il devait avoir l'air d'un crétin fini. Il confirma l'avis de Catherine.