XXVII La Ville

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Mons était une ville charmante le jour, mais vraiment effrayante une fois le soleil couché. Catherine commençait à le réaliser comme elle sortait, seule, dans les ténèbres. Au début, le silence l'avait tétanisée même si elle n'était pas d'ordinaire facilement impressionnable. Une fois, qu'elle avança avec le chariot, ce fut pire car on n'entendait plus que le bruit des sabots et des roues cerclées sur les pavés qui résonnait dans les rues étroites qu'elle empruntait à une lieue à la ronde.

Plus d'une fois elle croisa des silhouettes sombres dans les ruelles adjacentes à celles qu'elle empruntait. Elle n'en menait pas large, elle gardait sa main près du mousquet que Jean lui avait prêté, plus tôt. Son contact la rasséréna un peu mais pas suffisamment. La neige tombait toujours doucement. Trop doucement au goût de Catherine qui aurait aimé qu'elle recouvre les traces du chariot. À bien y réfléchir, étant donné le potin qu'elle faisait, personne n'aurait besoin de suivre sa piste au sol pour la retrouver mais elle se serait sentie un tout petit peu plus rassurée.

Cette fois-ci, elle en était sûre il y avait bien quelqu'un d'autre qui arpentait également les rues de Mons à cette heure tardive. Elle ignorait s'il savait qu'elle l'avait remarqué mais elle ne tenait pas en avoir le cœur net, elle voulait juste quitter cette satanée ville au plus vite et retourner dormir dans son lit à Strépy qu'elle n'aurait jamais dû quitter. Le village lui paraissait tellement loin, maintenant.

Plus elle y réfléchissait, plus elle se demandait pourquoi Jean lui avait demandé de traverser la ville avec le chariot alors qu'une porte se situait près de leur auberge. Elle ne mit pas longtemps à comprendre qu'il se servait d'elle comme d'un appât pour attirer les hommes du magistrat loin de sa taverne. L'amertume commençait à prendre le pas sur la peur. Elle pouvait concevoir qu'elle n'était peut-être pas de première utilité dans leur plan pour la taverne mais ce n'était pas une raison pour lui donner un rôle aussi ingrat et dangereux, tout de même.

Le nombre de ses suiveurs silencieux était passé à trois, son mousquet ne lui serait pas d'une grande aide et elle ne pouvait pas rejoindre les deux autres car cela pourrait faire échouer le plan de ce diable d'Honoré. Elle ne pouvait pas s'y résoudre même si celui-ci impliquait qu'elle soit capturée ou tuée. Elle savait que ces deux hommes étaient sans doute les seuls à pouvoir venger la mort de son père. Et peut-être la sienne.

Elle ne renonçait pour autant pas à la vie. Elle se souvint de la Grand-Place que Richard lui avait permis de découvrir et s'y dirigea. Elle savait qu'elle se rapprocherait immanquablement de la demeure de son ennemi mais elle espérait gagner un peu de terrain face à ses poursuivants qui, s'ils voulaient rester inaperçus, comme ils pensaient l'être, devraient prendre des passages connexes pour ne pas s'avancer en terrain découvert. Encore une fois, ses pensées voguèrent vers ses compagnons d'infortune qu'elle espérait revoir rapidement. La solitude dans une telle situation lui était devenue insupportable. La Grand-Place était en vue, elle allait bientôt découvrir si elle avait bien appréhendé la réaction de ses sinistres suiveurs.

Richard était monté avec peine sur le premier toit mais, maintenant, il commençait à se mouvoir avec un peu plus d'aisance sur les faîtières de la ville. Jean et lui se déplaçaient sans faire de bruit et se rapprochaient de la taverne.

- Mais que fait-elle ? Elle va attirer tous les hommes de Letisserand avec ce tintamarre, grogna Richard.

- C'est un peu l'idée, admit Jean.

- Quoi ? Comment avez-vous pu faire cela ? Elle va se faire massacrer, il faut que je la rejoigne, tout de suite.

- Restez, j'ai besoin de vous. Ne vous inquiétez pas, il ne lui arrivera rien.

- Comment pouvez-vous en être sûr ?

- Il n'est pas aussi malin qu'il le croit. Il va la faire suivre pour nous avoir tous les trois d'un coup. Seulement nous allons en profiter pour prendre de quoi nous débarrasser des nouveaux compagnons de votre amie. Maintenant taisez-vous ou ils vont nous repérer. Et faites attention, ce passage est très glissant.

Le Bûcher de la SorcièreWhere stories live. Discover now