VI La Fête

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Bam ! Bam ! Bam ! Qui pouvait venir le réveiller en menaçant de démolir sa porte et en lui donnant une migraine du Diable si ce n'était Delplanche accompagné de sa délicatesse habituelle ? Ce grand benêt n'y allait jamais par quatre chemins. Ursmer n'était vraiment pas d'humeur.

- Quoi ? se contenta-t-il de dire sèchement, espérant replonger dans le sommeil si doux qu'il venait de quitter si brutalement.

- Monsieur le Maïeur, votre épouse m'a dit qu'elle n'avait pas eu le temps ni la patience de vous réveiller. Mais elle a ajouté que quelqu'un devait s'en occuper si on voulait vous voir présider les festivités.

- Bon Dieu, quelle heure est-il ? Y-a-t-il beaucoup de monde ? Et ma fille ?

- Onze heures. La moitié de Strépy est déjà sur la place. Votre fille est arrivée avec madame. Tout va bien, monsieur ?

Apparemment, non. Le Maïeur venait de remettre les dernières bières de la veille dans son pot de chambre et se tenait à quatre pattes au-dessus de lui de peur qu'il ne s'agisse que d'un coup de semonce. Ce qui s'avéra être le cas.

- Je ne boirai plus jamais, Delplanche. Cela ne vaut pas le coup. Si c'est pour se retrouver dans un tel état et...

Troisième salve. Il ne devait plus rester grand-chose. Ce fut la dernière d'ailleurs. Il tenta de se relever.

- Bien d'accord avec vous.

Mais il savait très bien que, comme d'habitude, ces bonnes résolutions seraient abandonnées d'ici peu de temps pour un prétexte quelconque. S'il y en avait un, il connaissait la chanson par cœur.

- Je vous prépare quelque chose à manger, monsieur ?

- J'ai l'air d'avoir faim, à ton avis ? Prépare-moi plutôt des vêtements et magne-toi, je vais me servir de trois cruches d'eau.

Une demi-heure plus tard, il serrait des mains, demandait des nouvelles des enfants partis du village, s'étonnait de la vitesse à laquelle d'autres grandissaient et, enfin, des affaires quand il avait fait le tour de la conversation sur les mioches. La routine en somme. Il aperçut sa femme au loin mais sentit à son regard glacial qu'il valait mieux ne pas trop s'en approcher, pendant les quarante prochaines années !

La fête du village battait son plein avec son lot de musique, de danses et de bière qui coulait à flot. Toutes les générations étaient réunies. Cependant, des clans se faisaient vite et les conversations variaient de l'un à l'autre : des franches rigolades, des débats passionnés qui ne mèneraient nulle part, des regards nostalgiques vers un passé plus dur mais néanmoins meilleur que l'époque actuelle et les potins habituels. Certains naviguaient de groupes en groupes, d'autres en fuyaient alors que d'autres encore essayaient de s'insérer dans un échange qui relevait d'un quelconque intérêt. La température était douce et idéale, il y avait un parfum de cuisson de viande dans l'air. Des chansons à boire étaient entonnées et il était dès lors impossible de se dérober. C'était l'occasion de se changer les idées et de ne pas penser aux deux mois de labeurs qui arrivaient à grands pas.

Le Bûcher de la SorcièreWhere stories live. Discover now