XXXVI L'Essayage

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Tout le village était là. Delplanche avait amené une copie du registre communal et barrait le nom des personnes qui s'étaient soumises à l'essayage. Personne ne savait comment il l'avait su mais Dolliet était, lui aussi, de la partie. En réalité, il avait pris les choses en main et même obligé Richard et Catherine à se soumettre à l'épreuve très probablement en vue de les humilier. Elle était hors d'elle, et lui, il aurait bien aimé mettre la main sur la personne qui avait renseigné l'inspecteur du Roeulx. Il était sûr qu'il avait laissé un homme pour les surveiller. Ils enquêtaient pour lui ! Il n'avait même plus à se déplacer tous les jours jusqu'au village.

Catherine examinait maintenant le groupe de suspects qui grossissait. Il y avait une femme parmi eux. Elle avait un peu honte de la taille de ses pieds. Maintenant, tout le monde comprenait pourquoi elle portait des robes trop longues. Ils étaient six présumés coupables mais une bonne partie de la population devait encore passer devant Dolliet. Lorsque Gondry eut fini, il se dirigea directement vers Richard.

- Merci qui ?

- Merci, Gondry.

- Je n'ai aucun mérite, je suis né ainsi. D'un autre côté, c'est ce que n'importe qui de sensé aurait fait !

Richard leva les yeux vers le ciel. C'était toujours pareil avec lui. S'il débusquait l'assassin grâce à lui, il en entendrait parler jusqu'à sa mort. Il ne trouva rien d'autre à répondre que :

- Je parie que vous priez, en ce moment, pour que Secquegneau ait la même pointure que l'assassin, n'est-ce pas ?

- En latin ! Le seul truc que je connais c'est le Ave Maria. Cela fait une heure que je suis dessus mais j'ai enfin retrouvé toutes les paroles.

Richard ne put réprimer son rire. Lorsqu'il se retourna, il vit d'ailleurs que le fermier avait les yeux clos, les mains jointes et qu'il murmurait quelque chose en boucle.

- Tu peux rouvrir les yeux, il est passé.

À la surprise de Richard, Gondry parut soulagé que Secquegneau ne fût pas envoyé dans le groupe des suspects. Mais il ajouta très vite :

- Dommage, la corde lui aurait bien été.

Richard sourit, il savait qu'il ne le pensait pas. Ils étaient ennemis depuis tant de temps qu'ils en étaient devenus les meilleurs amis du monde. Il était soulagé aussi pour eux deux. Mais quand il regardait les huit suspects dont la pointure correspondait aux bottes, il avait quand même le cœur serré. Duriau, Coppée, Monoyer, Doutrelepont, Madame Boyer, Destrée, Dinant et Blaireau. Il s'agissait là de gens qui, tous, à un moment ou un autre, avaient joué un rôle dans sa vie.

Il essayait de déterminer qui avait le plus une allure d'assassin lorsque Dolliet, qui en avait fini avec l'essayage emmena toute la troupe pour un nouvel interrogatoire au Roeulx. Richard et Catherine leur emboîtèrent le pas. Ils furent directement écartés.

- Combien de fois allons-nous avoir cette conversation ? Je ne veux pas de vous dans cette enquête. C'est moi qui la dirige, vous n'avez rien à y faire. Comment faire pour que vous compreniez cela une fois pour toute ?

- C'est grâce à nous que vous en êtes arrivé là. Nous méritons d'assister aux interrogatoires de ces suspects, il me semble.

- Probablement. Mais ce n'est pas une question de mérite. Vous n'avez rien à faire au Roeulx, alors si vous y venez, je vous arrêterai pour un motif quelconque et je m'arrangerai pour que vous passiez la fin de l'enquête au frais, ai-je été assez clair ?

- Oui, répondirent-ils de l'air que prennent les élèves frustrés par le blâme que leur a infligé leur maître d'école.

Ils restèrent un moment comme figés devant la porte de la taverne. Raoul, le tenancier leur proposa de prendre un verre pour qu'ils se détendent. Mais il n'eut pas cet effet sur Richard.

- Je n'arrive pas à y croire. Ce type n'est pas foutu de retrouver ses chaussettes tout seul et maintenant il est le seul à pouvoir résoudre cette enquête ! Je...

- Calmez-vous, Richard. Il n'est quand même pas incompétent à ce point. Il va trouver le tueur et nous serons enfin soulagés.

- Cela ne vous fait rien d'être tenue à l'écart si près de la fin ?

- Non, justement parce que nous sommes près de la fin. Je veux que ce soit fini et je pense que Dolliet a maintenant tous les éléments en main. Venez prendre une tisane à la maison, cela vous détendra.

- Avec plaisir.

C'était la seulechose qui pouvait lui remonter le moral. Il n'avait cependant pas pensé qu'ilse retrouverait avec Julie. Elle accusait le coup mais ne se plaignait pas.Richard avait toujours apprécié cette femme et la voir dans une aussimalheureuse situation lui faisait de la peine. Il fut invité pour le repas demidi. Il se rendit vite compte qu'il servait de distractions aux deux femmes etassuma son rôle en les divertissant de son mieux.

Le Bûcher de la SorcièreWhere stories live. Discover now