VII La Passion

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Il la revit quelques jours plus tard. Il était sorti pour une petite promenade après le repas du soir. Il s'était d'abord assuré que sa tenue soit en ordre et avait pesté contre son ventre rebondi que la bière avait entretenu depuis des années. Il la rencontra alors qu'elle récoltait diverses plantes dont les noms lui étaient totalement inconnus et pour être complètement honnête, il n'en avait cure. Mais elle était tellement sublime, éclairée par les derniers rayons du soleil qu'il lui demanda :

- Quelle est cette plante qui mérite que vous la cueilliez ?

- Oh ! Ce n'est qu'une Bourse-à-pasteur, elle ne sert à rien dans mes préparations mais je l'adore.

- Ah, mais en quoi vous attire-t-elle alors ?

- Qui peut se targuer de comprendre pourquoi nous sommes attirés par une chose et pas par une autre ? L'attirance ne s'explique pas. C'est peut-être en cela qu'elle est intéressante. Trop de gens ont besoin de justifier leurs goûts. C'est un non-sens selon moi.

- Nous ne parlons plus de la plante, n'est-ce pas ?

Il avait à peine osé prononcer cette phrase, il avait peur de la réponse, quelle qu'elle fût. Mais elle se releva et dit :

- En effet.

- Cela tombe bien, ce n'est pas vraiment de cela dont je voulais vous parler.

- Ah ? J'aurais juré que vous vouliez savoir pourquoi de toutes les plantes du village, c'est la bourse-à-pasteur que j'avais choisie.

- C'est vrai qu'il y avait un peu de cela mais vous y avez répondu d'une manière qui me convient tout à fait.

- Peut-être vouliez-vous savoir si j'étais disponible pour une nouvelle... cueillette ?

- Eh, bien, voilà le problème. Vous le savez, je suis marié.

- Oh, vous voulez rester fidèle...

- J'ai essayé. Voilà des jours que je ne viens plus à proximité de votre demeure afin de ne pas vous rencontrer et de ne pas être tenté à nouveau. Non pas que la cueillette n'était pas satisfaisante. Au contraire, je ne m'étais jamais fait cueillir ainsi de toute mon existence. Mais je ne pense pas que ce soit très bien vis-à-vis de ma femme. Après tout, elle m'a épaulé durant toutes ces années. Et même s'il faut bien admettre qu'à la maison la cueillette se fait de plus en plus rare, je continue à croire que ce n'est pas tout à fait correct. C'est même mal à tous points de vue.

- Je comprends, c'est très noble de votre part. Cela dit, sachez que je suis totalement disponible pour une nouvelle récolte si vous changez d'avis.

- Quoi ? Ce soir, par exemple ?

Elle lui sourit. Cela la rendit encore plus époustouflante. Il réfléchit à sa situation, à la morale, à ses vœux de mariage. Comment pouvait-il aller à la messe le dimanche et retrouver cette femme le lendemain pour tromper la sienne. Mais Dieu, qu'elle était belle, il reprit :

- Après tout, le mal est fait. Je veux dire qu'il serait hypocrite de...

- Que vous ai-je dit à propos des justificateurs excessifs ?

- Désolé, c'est une habitude que j'ai de toujours donner des raisons plus ou moins bonnes quand je fais quelque chose de mal.

- Mais vous ne le faisiez pas mal, ne soyez pas modeste, Ursmer, rectifia-t-elle coquinement.

- Ce n'est pas ce que je voulais dire...

- Je sais ce que vous vouliez dire. J'essayais de détourner la conversation de vos problèmes de conscience.

Le Bûcher de la SorcièreWhere stories live. Discover now