XLI Le Hameau

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Les gens étaient revenus à Bracquegnies, le hameau perché sur la colline Ste-Anne. Celle-ci se trouvait maintenant dans le brouillard le plus épais. Ces deux derniers jours avaient permis à la population de faire des provisions. Les maisons étaient à moitié remplies de bois pour que l'humidité de l'extérieur ne le rende pas trop difficile d'utilisation et pour se prémunir contre les larcins des voisins moins bien fournis. Richard et Catherine furent particulièrement bien accueillis chez les différentes personnes qu'ils interrogèrent, là-bas. Toutes voulaient aider à disculper ce malheureux cordonnier. La théorie de Dolliet ne comptait pas beaucoup d'adeptes parmi eux, c'était plus que certain. Richard était donc aux anges, il en oubliait presque son horrible mal de crâne.

Ils se rassuraient en voyant que tout le monde se portait bien. Mais aucun des habitants ne se trouvait en présence du cordonnier au moment fatidique. Il ne leur restait plus qu'une seule personne à interroger. Madame Bastin accepta leur venue avec un grand plaisir. Elle n'avait pas souvent de visiteurs.

- Attendez, j'ai justement préparé du thé pour votre prédécesseur, j'ai à peine eu le temps de sortir pour prendre du bois pour le feu qu'il avait décampé sans en boire mais ne vous inquiétez pas, il y en a bien assez pour nous trois. Je reviens.

Elle était à peine sortie de la pièce que Catherine se tournait vers Richard.

- Vous pensez à ce que je pense ?

- Si vous pensez que ce prédécesseur pourrait être notre tueur en train d'enquêter en parallèle alors oui. Sinon, pas du tout.

- Et voilà, dit-elle en servant trois tasses.

- Madame Bastin, pourriez-vous nous dire qui est venu avant nous?

- Oui, c'était... oh j'ai oublié son nom, je perds la mémoire voyez-vous, quand vous aurez mon âge, vous saurez ce que c'est.

Elle but une gorgée de thé et mit sa main sur son front comme pour mieux se concentrer sur le nom de son précédent visiteur.

- Oh, je pourrais vous le dire cent fois, c'est incroyable tout de même, ah oui, c'est...

Elle s'arrêta, elle regardait derrière Catherine et Richard.

- Robert, tu es revenu !

Ils se retournèrent tous les deux en sachant pertinemment bien que ce n'était pas la peine, Robert Bastin était mort à la guerre, quinze ans plus tôt.

- Vous sentez-vous bien, madame Bastin ? Demanda Catherine qui commençait à s'inquiéter pour la santé mentale de la vieille femme.

- Oh, Robert !

Elle avait les larmes aux yeux, elle tenta de se lever mais n'y parvint pas, elle transpirait, son visage était devenu rouge. Sa respiration se fit de plus en plus haletante. Elle s'écroula. Richard et Catherine se précipitèrent vers elle mais ils ne pouvaient plus rien faire, madame Bastin était morte. Ils restèrent un moment dans une stase profonde. Ils avaient vu des cadavres dans cette horrible affaire mais ils n'avaient jamais assisté au moment où la vie abandonnait quelqu'un. Ils se regardèrent mais la panique qu'ils voyaient dans les yeux de l'autre ne les aidaient pas. Catherine sentit une vague d'angoisse monter en elle. Elle n'en pouvait plus, elle essayait de faire le deuil de son père mais la mort l'entourait chaque jour. Elle perdait tous ses repères, elle ne savait plus quoi faire dans un monde qui semblait s'écrouler tout autour d'elle sans qu'elle ne puisse rien y faire. Elle se blottit contre Richard et se mit à pleurer. Elle était forte, elle tentait de réprimer toutes ses émotions depuis plusieurs jours mais ce n'était plus possible, maintenant.

Le Bûcher de la SorcièreWhere stories live. Discover now