XXIX L'enterrement

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La neige s'était enfin arrêtée de tomber, le ciel était dégagé et il faisait froid et sec. Catherine demeura calme pendant la cérémonie, elle tenait la main de sa mère que Dolliet venait de libérer. Il était enfin arrivé à la conclusion que cette femme ne pouvait en aucun cas avoir eu la force de causer les terribles blessures de son mari.

Elles furent moins sereines lorsque le Maïeur rejoignit son ultime demeure. Le vent rabattait leur voile de deuil sur leur visage et dévoilait leurs larmes. Richard se tenait en retrait du groupe. Cet instant lui rappelait pourquoi il s'était lancé dans cette histoire. Il aurait tellement voulu réconforter Catherine mais il comprit qu'il valait mieux qu'elle passe ce moment avec sa mère. Et puis, après la nuit dernière, il ne pensait vraiment pas qu'elle voudrait lui adresser la parole.

Il y eut une réception chez les Soupart par la suite. Le village entier s'y était rendu après avoir quitté le cimetière. Richard ne cessait de s'étonner de la gamme de réactions des gens présents. Certains restaient silencieux, d'autres pleuraient, mangeaient ou buvaient tandis que d'autres racontaient des histoires à propos du défunt et riaient aux éclats. Richard alla les écouter et ne put résister. Il faut dire que Secquegneau savait les conter comme personne. On entendit des récits de cuites légendaires, de farces faites aux dépens de certains qui n'étaient également plus de ce monde ou bien venant d'autres villages ou bien même encore de certains présents dans l'assistance qui souriaient maintenant que le temps avait effacé leur rancœur. Mais à chaque fois que les rires s'estompaient, le silence revenait pendant un petit moment, laissant l'audience mélancolique. Richard était sur le point de partir lorsque madame Bocquée l'appela. Il tenta de se retourner et chercha vainement après une conversation à prendre au vol mais trop tard. L'aigle avait saisi sa proie, l'étau s'était resserré, il allait devoir lui parler :

- Bonjour, mon petit, quelle tragédie tout ceci... et cette pauvre Julie... quelle histoire, mon Dieu, quelle histoire.

- Oui, c'est...

- Vous n'êtes pas venu pour que je vous raconte mon histoire, l'autre jour. Je vous ai attendu pourtant, vous savez.

- Écoutez, je suis désolé, j'ai complètement oublié et je...

- Cela importe peu, vous êtes là maintenant. Voilà, ce qui s'est passé. Je croyais que vous deviez en être informé. Après tout c'est de votre ressort, non ? Bon, voilà : le jour où ce pauvre Ursmer nous a quitté, j'ai surpris deux individus qui s'introduisaient dans la demeure de cette sale petite sorcière qui a apporté tant de malheur sur ce village.

Elle se signa trois fois après avoir prononcé ces mots. Il semblait que, durant la traque à Mons, la crainte de la sorcière s'était amplifiée. Tout cela intéressait prodigieusement Richard ainsi que Jean qui s'était approché pour surprendre la conversation. Le malheureux ne connaissait visiblement pas madame Bocquée.

- Madame Bocquée, pourriez-vous me les décrire ?

- Ils n'étaient pas du village, voilà qui est certain et je peux aussi vous assurer que je ne les y avais jamais vus. C'était une drôle de paire : l'un était très grand et musclé, tandis que l'autre était hautain et semblait malade.

- Merci, madame, vous souvenez-vous plus ou moins à quel moment de la journée, cet incident est arrivé ?

- Oh oui, c'était quelques minutes avant que la nouvelle de la mort de ce pauvre Ursmer n'arrive au village.

- Merci beaucoup.

Il aurait bien espéré en finir là mais c'était madame Bocquée. Ils restèrent donc une bonne vingtaine de minutes à discuter. Après avoir senti un certain agacement de la part du jeune homme, Madame Bocquée partit enfin, son esprit soulagé d'un poids qu'elle venait de transmettre à Richard. Jean prit la parole le premier :

- Ce sont eux, il n'y a pas de doute.

- Oui, c'est bien ce qui me fait peur.

- Comment ? N'est-ce pas une preuve supplémentaire ?

- Au contraire, le délai est trop court pour qu'ils soient entrés dans la maison avant de tuer Soupart, ce qui veut dire qu'ils ont dû le faire après, voire pendant.

- Qu'es-tu en train d'insinuer ?

- Que même si ce type n'a pas froid aux yeux, cela m'étonnerait fort qu'il ait assez de tripes pour venir retourner la demeure de feue sa femme accusée de sorcellerie sans doute pour trouver les titres de propriétés à l'origine de toute cette histoire juste après avoir tué un homme à quelques centaines de mètres de là. À moins que...

- Quoi ?

- Lorsque je suis arrivé à l'endroit où le meurtre a eu lieu, j'ai remarqué, dans la boue, des traces de pas qui quittaient l'endroit en se dirigeant vers Strépy, à travers champs.

- Si cela peut aider il faut s'y rendre tout de suite. Pour l'instant la neige n'a peut-être fait que remplir les empreintes mais lorsqu'elle fondra, ce sera fini.

- Allons-y, alors, mais n'en parlons à personne pour l'instant.

- Je n'en avais pas l'intention.

Le Bûcher de la SorcièreWhere stories live. Discover now