XLII L'Orteil Cassé

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Richard avait récupéré une épée fine et deux mousquets venant de la taverne de Jean et les cachait sous son manteau. Si le tueur voulait l'attaquer par surprise, il lui en réserverait également une. Il fit un saut aux Embuscades où il était sûr de retrouver Gondry. Il emmena le vieux fermier à l'extérieur.

- Je ne voulais pas le dire devant les autres mais vous êtes un des derniers en qui j'ai confiance. J'ai besoin de vous pour aller récupérer une preuve, chez la sorcière. J'aimerais que vous m'accompagniez, j'ai peur que l'assassin ne s'en prenne à moi. Prenez ce mousquet, vous savez vous en servir, n'est-ce pas ?

- J'ai fait la guerre contrairement à certaines personnes.

- J'avais à peine neuf ans quand elle s'est terminée.

- Ce n'est pas une excuse !

- Bon, si vous le dites. Allons-y. Il fait nuit, si la chance est avec nous, l'obscurité nous dissimulera du meurtrier.

Ils se faufilèrent dans les rues de Strépy comme des ombres parmi les ombres et arrivèrent devant la demeure de la sorcière. Richard savait que le meurtrier était près de lui, aussi il sentait son cœur battre de plus en plus rapidement. Le moment de l'action approchait. Ils entrèrent dans la maison, le plancher craquait sous leurs pas mais ils ne pouvaient l'empêcher. Richard décida donc que rien ne l'empêchait d'allumer la lanterne que Catherine avait laissée là la première fois qu'ils avaient pénétré dans l'antre de la condamnée.

- Venez, c'est de ce côté ; dit-il à Gondry qui de toute manière ne le quittait pas d'une semelle et se demandait ce que Richard pouvait bien avoir trouvé de si important pour le faire se déplacer à cette heure-ci.

Ils se dirigèrent vers le petit cagibi où ils avaient trouvé les fameuses bottes marquées des initiales du défunt cordonnier.

- Regardez cette trace, c'est la plus importante, je ne l'avais pas remarquée la première fois, cela aurait pourtant permis d'empêcher deux meurtres. C'est la trace du pied de l'assassin après qu'il ait enlevé les bottes.

- Et bien.

- Gondry, c'est la vôtre!

- Que me chantes-tu là, gamin ?

- Ne faites pas semblant. Vous me l'avez dit vous-même, vous avez fait la guerre et tout le monde dans ce village a déjà entendu au moins une bonne centaine de fois, l'histoire de la bataille au cours de laquelle votre doigt de pied fut mutilé. Cette empreinte moins marquée à l'extrémité droite est caractéristique d'un orteil cassé. C'est vous, Gondry. Ces bottes ne sont pas à votre pointure, c'est pourquoi vous m'avez encouragé à les faire essayer à tous les habitants du village, vous vouliez être disculpé.

- Effectivement, j'ai fait la guerre. Et je te l'ai dit juste après que tu m'aies donné un mousquet. Dommage de ne pas t'être rendu compte de tout cela plus tôt, lui répondit Gondry, en braquant son mousquet vers Richard.

- Vous allez m'assassiner à mon tour comme les trois autres ?

- Il n'y a que le cordonnier dont je voulais la mort. Ce pauvre Maïeur, ce n'était tout simplement qu'un accident.

-Vous l'avez accidentellement tabassé, lui avez ouvert le crâne, puis l'avez abandonné sur la route, c'est ce que vous essayez de me dire ?

- Écoute-moi ! Ma femme me trompait avec Joseph. Je les ai surpris de loin le mois dernier. J'étais allé lui voler ses bottes, j'avais élaboré tout un plan pour qu'elle se trahisse. J'ai pris un détour pour revenir sans qu'on m'aperçoive avec les bottes. Je suis tombé sur Ursmer. Il était pitoyable, il se lamentait, pleurait cette immonde petite sorcière avec qui il avait trahi sa femme. Je vivais la même situation que Julie alors je pouvais comprendre à quel point cela devait être horrible pour elle d'apprendre que son mari la trompait et de le voir tous les jours rongé par la perte de sa catin.

Le Bûcher de la SorcièreWhere stories live. Discover now