IX La Confrontation

5 1 0
                                    


On lui indiqua l'étage et elle grimpa les escaliers vers la chambre où l'attendait son passé et peut-être son avenir. Chaque marche la rapprochait un peu plus de lui. Elle n'avait réellement connu la peur qu'une fois dans sa vie jusqu'ici et il en avait déjà été la cause. Elle sentait son cœur battre à tout rompre. Elle faillit redescendre et s'enfuir dans la nuit mais elle tenait peut-être là, la seule opportunité d'en finir avec les cauchemars qu'il lui inspirait. Elle ouvrit la porte.

Il se leva à son arrivée. Pour le commun des mortels, il avait de la classe, une assurance certaine et respirait l'intelligence. Elle ne le voyait pas comme cela du tout. Pour elle, il avait beau avoir énormément maigri, il était toujours cet être vil, suant et rouge comme sa veste qu'elle trouvait trop petite pour lui. Il avait une mèche de cheveux qui revenait sur le devant de son visage comme pour rajouter encore du ridicule à son allure qu'elle aurait qualifiée de grotesque. Pour elle, sa folie se voyait clairement dans son regard. Elle resta parfaitement calme.

- Madame, je vois que votre beauté est restée intacte malgré la vie que vous avez menée dans de si basses conditions. Je vous demande de revenir à mes côtés. Vous avez ma parole d'honneur que plus aucun tourment ne vous sera infligé.

Elle le méprisait de tout son être, le détestait au-delà de toute commune mesure. Lui non plus n'avait pas du tout changé, il la dégoûtait toujours autant. Elle savait pertinemment que ce n'était pas elle qu'il voulait. Ce qu'il recherchait vraiment, jamais il ne l'obtiendrait.

- Je suis venue à vous pour que cette situation se clarifie et qu'enfin nous n'ayons plus jamais à avoir affaire. Je ne reviendrai pas à vous quelles que soient les promesses que vous puissiez me donner ou les bijoux que vous puissiez m'offrir. Je préférerais cent fois la mort et la damnation éternelle que de devoir partager votre lit et votre vie.

- Toujours aussi orgueilleuse et prompte à réciter de grandes phrases élaborées bien avant leur usage.

- Et combien de temps, vous a-t-il fallu pour composer votre pitoyable offre, maître ? Rien en ce monde ne me fera revenir à vous, alors disparaissez de ma vie et choisissez-en une autre. Une que votre malfaisance n'effrayera pas.

- Vous semblez oublier que nous sommes liés jusqu'à ce la mort nous sépare. Je ne vous demande qu'un fils, après vous pourrez continuer à vous vautrer dans la fange avec ces gueux qui sont devenus votre seule compagnie, dit-il de plus en plus hors de lui. Il s'était levé et sa respiration devenait rapide et sifflante.

- Je préfère me vautrer dans la fange que partager la couche d'un porc !

Il empoigna sa canne et entreprit de l'assommer ou de la tuer, il n'était lui-même pas sûr de son dessein. Elle l'évita en se réfugiant de l'autre côté de la grande table au milieu de la pièce. Il courait autour mais elle était bien plus habile et rapide que lui. Il gardait tout le temps à l'esprit cependant qu'il devait bloquer l'accès à la porte.

- Vous avez encore le choix, Agnès. Vous n'êtes pas obligée de disparaître aussi tristement. Venez avec moi, vous vivrez dans le confort, le luxe. Vous oublierez bien vite vos petits tracas. Allons, laissez tomber.

Elle se demanda s'il était fou ou juste malhonnête. Sa situation était claire, elle était prise, elle voulut prendre la belladone pour qu'il ne puisse pas disposer d'elle, elle l'arracha d'un coup sec. Il se jeta sur elle, lui attrapa le bras et lui fit lâcher prise. Tout à coup, alors qu'il allait porter un coup, il lâcha sa canne, se toucha le bras puis le torse, son visage avait changé de couleur. Son cœur lâchait. Il s'écroula de tout son long. Il toussait sans arrêt, sur le plancher de la chambre.

Elle saisit sa chance et quitta la chambre en vitesse. Avant de sortir de l'auberge, elle avertit le tenancier que l'un de ses clients avait des problèmes, pour ne pas paraître trop suspecte lorsqu'il découvrirait le cadavre et s'enfuit en courant vers Strépy dans la nuit. Elle ne voulait pas perdre de temps à retrouver Delplanche. Une fois au village, elle avertirait tout de suite son très cher qui aviserait.

L'aubergiste fit transporter l'homme à l'hôpital St-Jacques au plus vite. Le médecin n'était pas totalement incompétent et on lui avait amené l'homme à temps pour qu'il puisse avoir une chance de survivre.

Un gendarme, Dolliet,vint ensuite inspecter les lieux de la tragédie et remarqua la petite fioleparterre. Il renifla le contenu puis descendit questionner l'aubergiste. Aprèsl'avoir entendu, il n'y avait pas de doute dans son esprit, l'homme avait étéempoisonné par la mystérieuse étrangère qui avait disparu après son méfait. Ildevait tout mettre en œuvre pour retrouver cette femme et envoyer quérir unfrère inquisiteur. Il n'y connaissait pas grand-chose mais l'empoisonnementrelevait du domaine de la sorcellerie. Les superstitions étaient fortes danscette contrée. Il allait donc falloir faire vite avant que la population neprenne peur. La capture d'une sorcière pourrait lui valoir de monter en grade,il ne voulait donc pas rater sa chance.

Le Bûcher de la SorcièreWhere stories live. Discover now