Chapitre 6 {III}

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 Le portable d'Olympe vibra au bord du lavabo. Son cœur manqua un battement en croyant savoir de qui venait le message, mais la jeune femme soupira en voyant le nom s'afficher à l'écran.

   De : Ada
   Envoyé à 20:06 le 23/11/20XX
   « Bah alors, on donne plus de nouvelles ? »

 Ça ne faisait pas si longtemps que ça qu'elles s'étaient parlées pour la dernière fois, si ? Le ton accusateur de son amie ne lui plaisait pas même si elle savait, au fond, qu'elle avait raison. Entre Ada qui était allé travailler en Espagne pendant les huit mois de sa dernière année et Olympe qui avait carrément changé de ville depuis, il n'était pas dit que les deux jeunes femmes se revoient de si tôt.
 Ada avait été un immense soutien pour elle, son roc même, pendant toutes ces années difficiles de tentatives d'acceptation de sa nouvelle condition. Elle ne l'avait jamais vu marcher sur ses deux jambes, sans béquille. C'était comme si elle appartenait à cette ancienne vie qu'elle n'assumait pas et dont Olympe ne voulait plus. Son amie était la première à se réjouir de ses progrès mais lui parler de tout ça était plus fort qu'elle.
 Olympe supprima le message et reposa son portable sur le bord du lavabo. Elle finit de s'attacher les cheveux dans un chignon coiffé-décoiffé et sortit un tube de rouge à lèvre de son sac, assorti à sa robe. C'était d'ailleurs Ada qui l'avait convaincue de l'acheter, après avoir vu les étoiles dans les yeux de son amie qui l'observait dans la vitrine. C'était trois ans auparavant. À cette époque, l'idée de montrer ses jambes était inenvisageable. Pendant presque quatre ans ça l'avait été, malgré toute sa bonne volonté, alors elle ne l'avait jamais portée. Cette robe était sublime ; moulante, proche du corps, légèrement fendue sur la cuisse et remontée en col roulé. Le parfait mélange entre classe et sexy. Le miroir des toilettes de la galerie avait l'avantage de ne pas montrer ce qui se situait en dessous de son bassin. Olympe sentait qu'un seul coup d'œil à ses jambes trop maigres, pas assez musclées, pas assez fortes, la ferait s'éclater en sanglots. La jeune femme, sans baisser les yeux, tira légèrement sur le bas de la robe. C'était idiot. Elle avait toujours voulu mettre cette robe, elle avait seulement attendu le moment parfait. Elle ne devait surtout pas craquer maintenant.
 Olympe était enfermée dans les toilettes depuis vingt heures, seulement parce qu'elle savait que c'était l'heure à laquelle Rayan devait arriver. Et s'il la trouvait laide, dans cette tenue ? Et s'il la trouvait ridicule, elle qui n'osait plus porter ce genre de choses ? L'Olympe du lycée n'aurait jamais eu peur de mettre une robe courte ou des talons hauts ; elle n'aurait jamais douté de pouvoir s'habiller comme elle le souhaitait. Pourtant, encore aujourd'hui, c'était difficile... cette Olympe-là n'existait plus.
 Ada aurait été fière d'elle, peut-être. L'idée de se prendre une photo et de la lui envoyer lui traversa l'esprit. La main tremblante, elle prit son portable et le rangea finalement dans son sac. Se forçant à se pas baisser les yeux vers ses jambes, elle prit de longues inspirations, comme celles qu'elle prenait au sport, les yeux fermés. Le cœur battant, elle sortit des toilettes et rejoignit l'exposition dont elle avait déjà fait le tour.
 Olympe avait assisté au discours de Kat-een à l'ouverture de la galerie vers dix-huit heures. Elle avait même pu discuter avec l'artiste, s'étant fait remarquer avec son total look rouge, Kat-een elle-même habillée en blanc de la tête aux pieds. Pouvoir rencontrer une artiste dont elle suivait le travail depuis des années sur les réseaux sociaux était exceptionnel et elle était émue rien qu'à y repenser. Rien que pour ça, elle ne remercierait jamais assez Rayan - même en temps que professeur Zaidi.
 Olympe s'arrêta devant son œuvre préférée. Il s'agissait de la reproduction d'une couverture d'un Batman de 1988 dont le genre des personnages avait été changé, la spécialité de Kat-een, pour dénoncer les stéréotypes de genre dans les comics. Outre le message, cette couverture-là était magnifique dans sa reproduction du style de l'époque avec des méthodes contemporaines. Un travail titanesque, là où certains ne voyaient qu'une pâle contrefaçon et un manque d'originalité.

Fallen {Amour Sucré Campus Life}Where stories live. Discover now