Chapitre 15 {III}

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 Rosalya étudia la queue une nouvelle fois. Deux filles et un groupe de quatre garçons qui semblaient à peine sortis du lycée se tenaient devant elle, attendant l’approbation du videur pour entrer. La jeune femme fronça les sourcils, remontant encore un peu plus le bas de sa robe sur ses cuisses. Les cheveux lisses, un maquillage sans défaut - tel qu’elle savait les faire - et un manteau en fourrure offert par sa mère sur les épaules, elle avait mis toutes les chances de son côté. Sa robe était en élasthanne noire, lui collant le corps comme une seconde peau, et dévoilait de ses jambes et sa poitrine ce qu’il fallait pour se faire accepter sans broncher dans ce genre de club. Malgré les températures négatives à cette heure déjà avancée de la nuit, approchant les une heure du matin, Rosalya avait gardé son manteau volumineux ouvert exprès. Hors de question de se faire refuser l’accès après tous ces efforts.
 Elle sortit son téléphone de son sac à main et vérifia de nouveau ses messages. Castiel lui avait envoyé l’adresse une heure auparavant et n’avait pas donné de signe de vie depuis. Auraient-ils pu changer de boîte entre-temps sans le lui informer ? Non, ce n’était pas son genre. Il était même censé avoir donné son nom au videur, au cas où. Aucune raison que l’accès lui soit refusé.
 Sa main se serra sur son téléphone de rage.
 Ce connard est à l’intérieur, pensa-t-elle. Elle l’avait évité pendant toutes ces dernières semaines par honte mais l’altercation avec Lysandre lui avait donné de la force. “Le seul coupable, c’est cet homme qui s’est moqué de toi et t’a fait du chantage”, c’était bien ce qu’il lui avait dit, pas vrai ? Même si l’entendre l’avait fait sortir de ses gonds sur le moment, une part d’elle savait qu’il avait raison. Lysandre, Olympe ou même Alexy, ils n’étaient coupables que d’être de mauvais amis. Comme elle. Rosalya aussi était une mauvaise amie.
Ce n’était pas un crime.
 Mais Éric, c’était différent. Pendant tout ce temps, elle avait eu cette peur irrationnelle de le confronter alors qu’elle savait exactement où le trouver. Il avait fait sa vie joyeusement en se moquant bien d’avoir détruit la sienne. Au contraire, ça devait beaucoup l’exciter de savoir qu’il avait eu un tel impact sur sa vie. Que devait-elle faire pour combattre une ordure comme lui ? Le dénoncer à la police ? Peut-être, mais les démarches lui faisaient peur. Devoir tout dire l’effrayait. L’idée de ne pas être crue ou d’être blâmée lui coupait les jambes. Après tout, elle avait trompé son petit-ami avec ce type. Est-ce qu’elle ne méritait pas un peu ce retour de bâton ?
 Non.
 Non.
 Ses mains se serrèrent encore plus fort, jusqu’à brûler ses jointures. Leigh l’avait quittée, c’était la punition qu’elle méritait. Mais le reste… ça n’avait rien à voir.
 C’était entre elle et lui.
 Les deux filles en bout de file réussirent à entrer et les quatre garçons se firent recaler. C’était au tour de Rosalya de se présenter. Elle rangea son téléphone, réajusta son sac sur son épaule et jeta les pans de son manteau en arrière pour mettre les mains sur ses hanches, dévoilant ainsi tout son corps mordu par le froid de l’hiver. D’une marche assurée et le torse bombé, elle s’avança jusqu’au videur. Celui-ci la détailla de toute sa hauteur. L’espace d’un instant, Rosalya se sentit perdre de sa superbe, intimidée par ce regard qui avait le pouvoir de la faire partir sans avoir à donner d’explication. Se reprenant, elle leva haut le menton et dit froidement, comme ayant été attendue :

 — De Meilhan.

 Le videur lança un regard approbateur à son collègue près de la porte, chacun hochant la tête.

 — Allez-y.

 Rosalya retint son sourire de victoire du mieux qu’elle put, souhaitant conserver son assurance, et marcha dramatiquement vers l’entrée du club, le videur ouvrant la porte pour elle. À peine celles-ci s’ouvrirent qu’une musique électro vint agresser ses tympans, tranchant avec le silence presque surréaliste de la rue. La jeune femme, qui n’était jamais venue dans ce club avant, tenta de trouver son chemin dans ce couloir à la lumière rouge semblable à celle d’un studio de photographie. Rosalya tomba bien vite sur le vestiaire. Elle retira son long manteau, ne conservant que son sac à main, et le déposa sur le comptoir.

Fallen {Amour Sucré Campus Life}Where stories live. Discover now