Chapitre 13 {II}

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 — Non mais là, Tashibana, ce n'est plus possible. C'est illisible ! tonna une voix dans la salle des professeurs, cassant ainsi le silence dans laquelle celle-ci était plongée depuis au moins une heure.

 Tachi, la tête plongée dans ses copies à corriger, releva le nez vers la personne qui l'avait interpellé, interloqué. Tous les autres professeurs assis, occupés comme lui, firent de même, leurs visages se dirigeant vers Michelle Legranier qui, une copie double dans une main et ses lunettes dans l'autre, paraissait désespérée.

 — Il y a une faute à chaque mot. Vous n'avez pas honte d'écrire un torchon pareil, à votre âge ?

 La professeur de français la plus réputée du lycée – dans le mauvais sens du terme – rendit sa feuille à Tachi en la faisant glisser d'un bout à l'autre de la table.

 — J'ai fait attention, se justifia simplement Tachi en récupérant la feuille, trop surpris pour répondre autrement.

 Legranier lui avait toujours reproché les fautes dans ses copies mais, après tout, c'était bien pour cela qu'il lui avait demandé de l'aider à les corriger avant de les passer aux élèves. Se faire reprendre par des gamins de dix-sept ans en plein cours dès que le jeune professeur se trompait en écrivant au tableau était une chose, mais être le larron de la foire devant une table de professeurs était encore plus gênant. Ceux-ci en avaient même immédiatement cessé toutes leurs activités pour écouter leur accrochage.

 Au début, c'était Legranier qui avait proposé de l'aider, lorsque Tachi avait commencé à travailler dans ce lycée et exprimé ses difficultés à la machine à café. Il avait ignoré les avertissements des autres professeurs qui l'avaient bien vite prévenu du sans-pitié légendaire de la prof de français la plus détestée du lycée, sachant qu'il n'avait pas beaucoup le choix. Ses fautes, c'était bien ce qui lui avait fait rater le CAPES deux fois d'affilée, alors ce n'était pas comme s'il pouvait se permettre d'être difficile.

 Tachi observa la copie-double. Les commentaires en rouge de Legranier coloraient la première page d'un bout à l'autre, avant de s'arrêter brusquement au début de la seconde. Lors des premiers mois, les corrections de sa collègue ne concernaient que les fautes d'orthographe, permettant au professeur de philosophie de donner des devoirs et des corrigés de contrôle propres aux élèves, mais plus le temps avançait et plus les corrections s'intensifiaient. Désormais, ce n'était plus seulement les mots en eux-mêmes qui étaient visés, mais des phrases complètes, voire des paragraphes. Legranier déplaçait des mots, restructurait ses phrases, changeait ses formulations. À tel point que le résultat final ne ressemblait en rien à ce qu'il avait écrit de base.

 — Je ne comprends pas le problème, dit Tachi en parcourant vaguement la copie des yeux.

 C'était un corrigé de BAC blanc tout ce qu'il y avait de plus normal. Le sujet n'était pas très difficile. Certes, il devait y avoir des fautes pour justifier un tel usage du stylo rouge, mais que son niveau se soit à ce point dégradé en à peine quelques mois ? Sans aucune raison ? Non, ça n'avait aucun sens. Tachi n'était pas bon en orthographe, ni en grammaire, et il le savait. Mais c'était un bon professeur dans sa matière.

 Ça aussi, il le savait.

 — Alors là... si vous ne voyez même pas le problème ! s'énerva Legranier en croisant les bras, se drapant de toute sa condescendance. Non mais, même ma fille de huit ans écrit mieux que vous !

 Tachi eut un rire cynique.

 — Je devrais peut-être lui demander un coup de main à elle, alors, répondit-il en la fusillant du regard.

Fallen {Amour Sucré Campus Life}Where stories live. Discover now