Chapitre 11 {I}

182 10 2
                                    

 Tachi tapotait ses doigts sur le volant au rythme d'une musique qu'il n'entendait pas. Il aurait pu allumer l'autoradio mais, sur ce parking isolé, les ondes étaient trop mauvaises. Après d'interminables minutes à essayer de percevoir autre chose que du bruit et le jingle de la radio qui passait entre deux chansons, il avait abandonné. Déjà dix bonnes minutes qu'il était là, à attendre, mais aucune trace de Mélody. Pourtant, elle l'avait appelé plus de trente minutes auparavant et avait fait preuve d'un tel empressement dans la voix qu'il avait été bien surpris de ne pas la voir l'attendre directement à la porte du bâtiment. Quelques adolescents, tirés à quatre épingles, étaient sortis fumer sur le parking, s'échangeant une bouteille au contenu transparent qui n'était certainement pas de l'eau, mais la jeune fille n'était pas avec eux. Était-elle partie avec d'autres amis à elle en oubliant de le prévenir ? Tachi vérifia de nouveau son téléphone. Aucun message. Rien. Il regarda sa montre : vingt-deux heures dix-sept.

 Soupir.

 Il ne connaissait pas bien Mélody. Pas plus que ce que ses parents lui racontaient d'elle – travailleuse, intelligente, solitaire – et les rares discussions qu'ils avaient échangées lorsqu'ils se retrouvaient à travailler dans la librairie en même temps : « Tu vas bien ? » « Oui, et toi ? » « Oui » « Tant mieux, tant mieux... ». Outre le fait qu'ils n'avaient rien en commun, ce n'était pas franchement le genre de Tachi de discuter avec des gamines de seize ans. Ou dix-sept. Quelque chose dans ces eaux-là. Le fait que Mélody ait son numéro de portable n'était dû qu'au fait qu'elle le contactait parfois pour lui emprunter la clé de la boutique, ses parents ne souhaitant pas qu'elle ait la sienne et la perde au lycée. Surprise serait un faible mot pour décrire sa perplexité face à l'appel de la jeune fille.

 « Viens me chercher, s'il-te-plaît. Et ne préviens surtout pas mes parents ! »

 Est-ce que ce n'était pas un peu bizarre, de lui demander ça ? Ou c'était bizarre de sa part d'avoir accepté. Il avait failli refuser mais s'était dit qu'il pourrait toujours se rétracter plus tard et tout raconter à ses patrons, après avoir compris quel était le problème. C'était toujours mieux que de la laisser errer seule en pleine nuit pendant la fête de la musique.

 Qu'est-ce qu'elle pouvait bien cacher ? Un problème de drogue, d'alcool ? Pourtant, ça n'avait pas l'air d'être son genre. Ses parents lui reprochaient même plutôt de ne pas assez sortir avec ses amis. Et pourquoi le contacter, lui ?

 Tachi s'affaissa sur son siège, légèrement irrité de devoir l'attendre aussi longtemps. Si elle s'était barrée sans le prévenir, il n'aurait aucune pitié à la balancer à ses parents ! Cédant à l'ennui, le libraire décida de s'allumer une cigarette. Il était à peu près certain que la jeune fille ne supportait pas l'odeur, ne manquant jamais de faire des grimaces et de s'éventer à chaque fois que Tachi revenait d'une pause clope au travail. Si ça la dérangeait, elle n'avait qu'à arriver plus tôt ! Il l'alluma avec le briquet de sa boîte à gants, se persuadant que, de toute manière, l'odeur avait déjà imprégné les moquettes. Alors qu'il en était à la moitié et tapait des doigts un nouveau morceau de mémoire, sur le parking, une forme attira son attention.

 À travers la fenêtre opposée à la sienne, il discerna une personne courir vers lui. Il ne reconnut pas tout de suite la fille de ses patrons, engoncée dans une robe céruléenne et pailletée, volumineuse comme le serait une robe de mariée, et les cheveux bouclés à l'anglaise. Telle une Cendrillon s'enfuyant du château après minuit, Mélody courait à grandes enjambées vers lui, le visage dirigé vers le sol. Comprenant qu'il avait toujours sa cigarette dans la main, il la jeta sans réfléchir par la fenêtre, poussant un juron lorsque le mégot percuta la vitre fermée. In extremis, il déverrouilla la portière pour que Mélody, arrivée à son niveau, puisse entrer sans avoir à s'énerver sur la poignée.

Fallen {Amour Sucré Campus Life}Where stories live. Discover now