Chapitre 11 {II}

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 — Tu peux activer la poignée ?

 Mélody, assise sur le siège du milieu, engoncée dans sa robe de bal encombrante, se pencha pour tourner la poignée et coincer le pan du t-shirt que Tachi tenait contre la vitre.

 — Nickel ! s'exclama-t-il, visiblement fier de lui. On voit rien du tout. Tu peux prendre ton temps.

 Un remerciement se perdit dans sa gorge tandis qu'elle se rasseyait, le ventre noué. Tachi était gentil. Ses parents ne cessaient jamais de parler de lui, de l'inviter à dîner – Mélody inventait alors une invitation imaginaire de la part d'amie tout aussi imaginaire pour l'éviter et réviser dans un café jusqu'à vingt-et-une heures – et de chanter ses louanges. C'était probablement assez ridicule mais la jalousie de voir ses parents le traiter avec autant d'estime l'avait toujours fait le déprécier d'une certaine façon. Elle s'était persuadée que c'était une racaille en qui on ne pouvait pas avoir confiance, compte tenu son casier judiciaire, mais, en réalité, il était gentil.

 Mélody baissa les yeux sur ses genoux, n'ayant pas réalisé qu'elle était en train de triturer un haut qui n'était pas à elle. La jeune fille s'était réveillée dès leur arrivée sur le parking, les spots lumineux de ceux-ci agressant ses pupilles jusque sous ses paupières. Elle n'avait pas vu le temps passer, ayant dormi curieusement profondément alors même qu'elle ne s'était pas sentie si fatiguée. Gênée à la vue des personnes qui marchaient à quelques mètres de la voiture lorsque Tachi s'était garé, la lycéenne n'avait pas eu le courage de sortir dans sa robe volumineuse. Le libraire, qui était allé à la laverie plus tôt dans la journée en oubliant de ranger son linge dans son appartement, avait alors utilisé ses affaires pour couvrir toutes les fenêtres. Il lui avait aussi passé un t-shirt, un short et une ceinture pour qu'elle puisse se changer si elle le souhaitait. Pourquoi faisait-il tout ça ?

 Mélody se frotta frénétiquement les yeux comme pour essuyer sa fatigue mentale. Tachi devait être en train de l'attendre mais elle était incapable de bouger. Elle aurait seulement voulu se mettre en position foetale et se cacher sur cette banquette toute la nuit. Les exclamations de joie et la musique à l'extérieur lui donnaient la nausée. De longues minutes passèrent avant qu'elle ne se décide enfin à enlever cette robe, qu'elle avait enfilée quelques heures auparavant avec un enthousiasme qui lui paraissait ridicule désormais. Et dire qu'elle avait pleuré devant Nathaniel, Olympe, tous les autres ! Elle qui ne pleurait jamais ! Comment pourrait-elle les affronter après ça ? Que ferait-elle lorsqu'elle les verrait à la fac, à la rentrée ?

 Se forçant à ne pas y penser, Mélody tira sur la fermeture éclair de sa robe, sentant un soulagement immédiat à l'enlever. Elle s'était battue pendant des heures avec sa mère pour la convaincre de la laisser choisir celle-là, plutôt qu'une autre plus « moderne » et, maintenant, tout ce qu'elle aurait souhaité, c'était la voir brûler.

 La lycéenne jeta la robe dans le coffre derrière elle et enfila les vêtements de Tachi qui, bien que froissés après une journée entière passée dans un sac, sentaient encore bon la lessive. Mélody coinça le t-shirt noir dans le short si grand pour elle qu'il tombait à mi-mollet. La ceinture aida à maintenir le tout attaché et, curieusement indifférente à l'allure horrible qu'elle devait avoir dans ces vêtements, Mélody ouvrit la portière. Tachi, qui se tenait juste à côté, se pencha vers l'habitacle.

 — Tu vas réussir à marcher avec ça ? questionna-t-il, son regard vers le bas. T'es vraiment allée à fond dans le look de Cendrillon !

 Mélody sentit sa poitrine se serrer par la honte. Elle avait économisé des mois pour s'acheter cette paire de talons transparents, persuadés qu'ils iraient parfaitement avec sa tenue. Elle n'avait pas pensé au fait que la transparence de la chaussure ne rendrait plus qu'apparente sa transpiration, se condensant sur le plastique entre ses orteils ; les voir à ses pieds lui donnait littéralement l'impression de porter les accessoires d'un costume pour enfant. Elle avait décidément tout raté de a à z.

Fallen {Amour Sucré Campus Life}Where stories live. Discover now