Chapitre 2 {I}

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 La rentrée arriva trop vite, comme le froid du début d'automne. Assise au deuxième rang de l'amphithéâtre, Olympe se frotta les mains et les bras pour se réchauffer, hésitant à remettre ses gants et écharpe. À sa gauche, des étudiants s'énervaient sur les chauffages, visiblement défectueux.

 — J'en peux plus de cette fac ! hurla l'un deux. Tous les ans c'est pareil ! On se les gèle encore plus à l'intérieur qu'à l'extérieur, c'est pas possible.
 — Je commence à croire qu'ils se roulent des joints avec l'argent de notre inscription au lieu de l'utiliser pour chauffer ces foutus amphis.

 Olympe soupira et une faible fumée se forma à l'orée de ses lèvres. À peine arrivée et elle avait déjà hâte de rentrer. Pourtant elle savait que ce cours ne pourrait être qu'intéressant puisqu'il s'agissait de celui de son futur directeur de recherche. Il était par ailleurs la raison pour laquelle elle était revenue dans cette région. Avoir été acceptée sous la direction d'un éminent professeur, référence dans le domaine de l'art contemporain qui l'intéressait, c'était inespéré. Elle avait échangé quelques mails avec lui mais ne l'avait jamais rencontré en vrai avant. Mais, même si elle avait hâte de le rencontrer, Olympe, avec les années, était devenue très solitaire dans ses études et ses recherches. Assister aux cours lui semblait parfois être du temps perdu ; temps qu'elle pourrait consacrer à étudier les sujets qui l'intéressaient vraiment. Mais, lorsque l'on est étudiant, on n'a pas toujours le choix ; elle le savait. Poursuivre ses études, c'était aussi accepter d'assister à des conférences et écrire des papiers sur des sujets inintéressants car imposés.
 Olympe était devenue comme un cheval indompté.
 « C'est ce que j'ai apprécié dans votre travail. » lui avait alors écrit ce professeur dans un courriel. « Vous êtes libre. » Peu importait ce que cela pouvait bien signifier, Olympe s'y était beaucoup identifiée. Oui, elle était libre, plus que jamais. C'était en tout cas ce dont elle se persuadait.

 — Olympe ? C'est bien toi ?

 La voix venait du seul rang libre devant elle. Une jeune femme brune et au maquillage discret lui faisait face. Olympe, elle, n'eut aucun doute sur son identité.

 — Mélody ? Ça alors...

 Un rictus déforma son visage malgré elle.

 — T'as pas changé, laissa-t-elle échapper.

 À la mine sévère de Mélody, Olympe comprit que la remarque ne lui avait pas fait plaisir.

 — Euh si, quand même, en quatre ans, encore heureux.

 Ouais, OK, très bien, pensa-t-elle en se retenant de lever les yeux au ciel. Décidément, si leurs échanges étaient devenus plus cordiaux lors de leur première année commune d'étude, le courant ne passait définitivement pas entre elles. À croire que, malgré ce qu'elle en disait à l'époque, Mélody ne lui avait toujours pas pardonné de lui avoir « volé » Nathaniel ; sans tenir compte du fait que celui-ci ne l'avait jamais aimée. En vérité, lors de leur relation, Olympe avait souvent reproché l'attitude de son petit-ami à l'égard de Mélody. Continuer à traîner aussi régulièrement avec une fille qui était clairement folle amoureuse de lui, tout en sachant que cela l'empêchait visiblement de passer à autre chose, n'était pas correct selon elle. Pour preuve, même à l'université, les sourires qu'elle lui faisait ne trompaient personne. Il aurait dû s'éloigner un peu d'elle, juste le temps qu'elle puisse rencontrer d'autres personnes que lui ; mais Nathaniel, qui avait pris les remarques d'Olympe pour de la jalousie mal placée, ne l'avait pas écoutée. Il continuait à sortir en sa compagnie, lui disant seulement parfois qu'il ne l'aimerait jamais, qu'il ne l'avait jamais aimée.
 Mais une personne amoureuse n'entendait pas ce genre de mots ; elle ne voulait pas voir ce genre de maux. Même rejetée encore et encore, elle cherchait sa compagnie, encore et encore ; et lui acceptait de la revoir, encore et encore. Nathaniel pouvait être cruel, déjà à cette époque, même s'il n'en avait probablement pas conscience. Est-ce que le Nath qu'elle avait croisé quelques jours plus tôt n'avait pas puisé toute son amertume envers les autres de ces quelques années ? Est-ce que le Nath du présent n'avait pas toujours existé ?
 Mélody serait certainement hors d'elle si elle avait à quel point Olympe éprouvait de la pitié pour elle, comme elle avait essayé de protéger son cœur brisé de son propre petit ami plusieurs années auparavant. « Mêle toi de tes affaires ! » lui aurait-elle certainement dit. Malgré tout ce que Mélody lui avait fait, personne ne méritait de souffrir d'un amour à sens unique pendant aussi longtemps.

 — Depuis quand tu es revenue ? demanda Mélody.
 — Ce mois-ci. Je commence juste mon Master. Mais d'ailleurs, tu es en première année de Master toi aussi ?
 — Houla, non pas du tout... moi je suis en deuxième année.

 Elle ne pouvait définitivement pas s'empêcher d'être aussi prétentieuse.

 — Mais je suis l'assistance de M. Zaidi, alors j'assiste à tous ses séminaires.
 — Ah oui ? C'est cool, c'est cool, répondit Olympe d'une voix neutre. Et il est sympa ?

 Mélody eut un sourire que la jeune femme reconnut tout de suite. C'était ce sourire, celui qui ne trompait pas.

 — Il est génial. C'est le meilleur professeur de toute cette université. Il vient juste d'arriver mais j'ai déjà eu l'occasion de lui parler quelques fois. Je lui ai aussi fait la visite de l'établissement. J'ai vraiment hâte d'assister à une de ses conférences. Même si le niveau est inférieur en quatrième année, je suis sûre qu'avec lui, ce sera passionnant.

 Cette fois-ci, Olympe, ne pouvant s'en empêcher, leva les yeux au ciel. Cette façon qu'elle avait de la rabaisser l'air de rien commençait à lui taper sur le système. Le niveau en quatrième et cinquième année était sensiblement le même et elle le savait.

 — Ouais, j'en doute pas, lâcha Olympe en se forçant à sourire. C'est mon directeur de recherche, tu sais ?
 — Ah oui ? Ah... c'est bien, tant mieux pour toi. Je suis sûre que vous ferez un super travail ensemble.

 Même si le compliment semblait légèrement forcé, Olympe y décela une petite nuance de sincérité ; comme si elle savait que c'était la vérité, mais que l'admettre lui faisait un peu mal au cœur.

 — En fait, j'ai lu ce que tu as écrit sur les personnages de Poison Ivy et Harley Quinn, c'était vraiment intéressant. Ça ne m'étonne pas que M. Zaidi ait accepté de te diriger, il a dû sentir ton potentiel, dit-elle avec un sourire discret.
 — Tu as lu ce que j'ai fait ? J'aurais jamais cru que tu t'intéresses aux Comics, s'étonna Olympe, cachant difficilement sa surprise.
 — Oui je... on ne peut pas dire que ça m'intéresse, mais quand j'ai vu passer tes articles par hasard, et que j'ai reconnu ton nom, je me suis dit... voilà. C'est impressionnant d'avoir écrit tout ça alors que tu étais encore qu'en troisième année... mais bon, je suppose que ça demande moins de recherches que de faire une étude comparative sur l'exposition du travail des femmes dans tous les plus grands musées d'Europe et d'Amérique Nord du début des années 1900 à aujourd'hui, en même temps. Enfin je suppose.

Fallen {Amour Sucré Campus Life}Where stories live. Discover now