Chapitre 3 {III}

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 Dès le lendemain, Olympe se sentit étrangement apaisée. Prête à commencer une nouvelle vie.
 Elle avait suffisamment pleuré. Trois rencontres pour trois crises de larmes l'avaient épuisées. Toute son énergie, elle devait la dépenser dans la course. Elle n'avait plus le temps de se fatiguer à penser à son ex petit-ami ! Même s'il s'amusait à la provoquer en s'affichant avec une fille jusque devant son lieu de travail, ça n'avait plus d'importance. Après tout, ils ne sortaient plus ensemble, il avait bien le droit de coucher avec qui il voulait. Le fait qu'Olympe soit restée seule toutes ces années, sans oser reconstruire quoi que ce soit avec quelqu'un, il n'avait pas à le savoir non plus. C'était sa vie privée. Elle ne voulait pas lui faire ce cadeau. En plus, ça n'avait rien à voir avec lui.
 Olympe avait voulu envoyer un message à Hyun pour s'excuser une fois rentrée, mais elle n'avait pas osé. La jeune femme s'en voulait de la façon dont elle l'avait repoussé, mais sur le moment elle n'avait pas été capable de lui expliquer. Elle ne le serait probablement pas plus maintenant, d'ailleurs. Mais elle ne voulait pas rester sur un malentendu. Elle se promit de lui parler la prochaine fois qu'ils travailleraient au café tous les deux. En face, ce serait plus facile.
 Olympe avait un peu froid, mais quelques tours de pistes suffiraient certainement à la réchauffer. La différence avec son état de la veille était frappant ; il n'était plus question de déprimer, au contraire, elle se sentait galvanisée. Comme si elle avait bu un million de cafés. Pour éviter au froid d'engourdir ses mains, elle sautillait sur place, faisant de grands gestes avec les bras. Un groupe de collégien passa devant elle. Il était déjà dix-huit heures passé mais apparemment, un professeur agacé par des remarques sur son manque de muscles avait décidé de rajouter quelques tours de piste supplémentaires. A chaque fois qu'ils passaient devant elle, Olympe percevait leurs râles et plaintes agacées, tout juste entrecoupés par quelques coups de sifflet.
 La jeune femme préférait attendre qu'ils soient partis pour commencer. Avoir tout le terrain d'athlétisme pour elle toute seule, c'était ce qu'elle préférait. De tous les clubs, elle avait vraiment bien choisi. Elle évitait désormais de venir le matin, lorsqu'il y avait toutes les personnes âgées et les collégiens, et privilégiait le soir où, à l'exception de quelques personnes venant courir après le boulot, elle était tranquille. Avec le travail au café, ce n'était pas toujours évident, mais elle arrivait de plus en plus à trouver de bons moments pour venir courir. Et, plus ses horaires étaient devenus réguliers, plus les occasions de croiser Rayan augmentaient. A l'université, c'était professeur Zaidi, mais sur le terrain d'athlétisme, ça restait Rayan. Après tout, même l'homme d'accueil les avait corrigé lorsqu'ils avaient recommencé à se vouvoyer. Ah non ici, pas de vouvoiement qui tienne !avait-il dit en les entendant discuter. Olympe et Rayan avaient échangé un regard gêné, sans insister ni expliquer la raison pour laquelle ils avaient recommencé à se vouvoyer. Au fond, se tutoyer, ça leur convenait très bien à tous les deux.
 Ce soir aussi, il devait venir. C'était stupide de l'attendre, mais elle ne pouvait s'en empêcher. Sautillant sur place comme une petite fille surexcitée à l'idée de se rendre dans son parc d'attraction préféré, la jeune femme guettait l'entrée du coin de l'œil. Les lundis, il venait même avant dix-huit heures, mais pas ce soir apparemment. Déçue, Olympe hésita même à rentrer avant de se gifler mentalement à cette idée. Ce n'est pas un mec qui va perturber ton entraînement quand même ! pensa-t-elle. Pas après qu'un autre ait déjà perturbé ses nuits. Il y avait définitivement trop d'hommes parasites dans sa vie.

 — Bonsoir.

 Toujours occupée à sautiller, Olympe sursauta si fort qu'elle manqua de trébucher. Rayan rit et la retint par les bras.

 — Pardon, je voulais pas te faire peur.

 Décidément elle n'en loupait pas une. La jeune femme se redressa, un sourire aux lèvres pour cacher son embarras et ses pensées stupides, et le salua.

 — Non c'est rien. Bonsoir ! Tu es venu finalement.

 Olympe se mordit la lèvre. « Finalement » ? Plus évident, tu meurs. Pourtant Rayan sourit, comme si la réflexion lui avait fait plaisir. Taquin, il demanda :

 — Tu m'attendais ?
 — Pff ! Non, mentit très mal Olympe.
 — Ah oui ? Tu es là depuis combien de temps ?
 — A peine cinq minutes.
 — Plutôt vingt-cinq, lança un adolescent qui passait à côté d'eux.
 — Espèce de... !

 Rayan riait tandis qu'Olympe rougissait jusqu'aux oreilles.

 — Tu te la racontes un peu beaucoup pour un mec qui s'est fait coller par son prof parce qu'il faisait semblant de courir ! s'énerva-t-elle, comme un prétexte à ses joues rouges. Ouais, ouais, j'ai tout vu pendant ces cinq minutes, hein !

 Les amis de l'adolescent commencèrent à le charrier et le spectacle semblait tout particulièrement amuser Rayan.

 — La jeunesse de nos jours, je te jure, plaisanta-t-elle maladroitement, toujours rougissante.
 — Ah ça, pas de respect pour les aînés, c'est triste.

 Et il posa la main sur sa tête dans un geste amical, toujours le sourire aux lèvres. Olympe ne l'avait pas rencontré tant de fois que ça à l'université, mais quand elle le voyait, il était si sérieux. Même lors de ses cours aux débats animés et passionnés, même en plaisantant avec ses collègues, même en souriant aux élèves, il n'était pas comme il était sur ce terrain. Là-bas, il y avait cette sorte d'aura étrange qui l'entourait. Tout le monde cherchait à lui parler, être apprécié de lui ; il correspondait parfaitement à l'image du professeur que tous les élèves rêvaient d'avoir. Intelligent, créatif, impliqué. Les gens lui imaginaient un passé d'artiste torturé, un présent d'amant fougueux enchaînant les conquêtes et un avenir tragique comme un héros de roman.
 Mais lorsqu'il venait ici, habillé d'un jogging et d'un simple t-shirt, entouré de gens qui ne connaissaient même pas son métier pour la plupart, il semblait seulement heureux. Presque insouciant, comme si sa vie à l'extérieur n'existait pas. Cette sensation de liberté, d'échappatoire à une réalité qui n'était pas ce qu'on espérait, Olympe connaissait ça par cœur. D'avoir rencontré le professeur Zaidi à l'université, elle comprenait alors seulement pourquoi Rayan venait ici pour s'aérer l'esprit et ne pas songer à son travail. Quelles pensées devaient bien lui traverser l'esprit toutes ces journées pour qu'il vienne ainsi aussi souvent les évacuer avec elle ? Pas une seule fois depuis qu'ils s'entraînaient ici, ils n'avaient évoqué le sujet de l'université. Ce club, c'était leur bulle.

 — Tu n'as pas froid ?

 Non, elle avait chaud.

 — Si un peu. J'ai attendu un peu, avoua-t-elle.
 — Je suis désolé de t'avoir fait attendre.

 Ils échangèrent un regard, en silence, sans qu'aucun n'osa le briser. Puis, Rayan posa son sac sur le banc à côté du sien.

 — On commence par l'échauffement ?
 — Ça me semble parfait.

 Ils se sourirent et, comme presque un jour sur deux, commencèrent à s'entraîner ensemble.


 Il était déjà vingt-et-une heure trente passé mais Olympe et Rayan restaient sur le banc, à discuter. C'était la première fois qu'ils prenaient le temps de converser après un entraînement. Une fois les étirements terminés, Rayan s'était seulement assis en déplorant le chemin à faire jusqu'à chez lui et Olympe s'était assise à côté de lui. C'était une heure auparavant.

 — La montagne me manque, dit la jeune femme en regardant l'horizon. En hiver c'est vraiment difficile, mais quand même ! Le grand air, je ne connais rien de mieux. Dès que j'avais une décision à prendre, j'allais seulement marcher dehors, et je respirais cet air... après ça j'avais les idées plus claires.
 — Je comprends. J'adore la montagne aussi. Si j'avais pu choisir, j'aurais adoré y vivre. Quand j'ai cherché un poste en Espagne, j'ai eu de l'espoir, mais à place j'ai atterri juste à côté d'un plage, plaisanta-t-il. Non pas que la plage ce soit mal.
 — Tu as travaillé en Espagne ?

 Rayan pencha la tête vers elle.

 — Oui. Tu l'ignorais ? Je croyais que tout le monde se passait le mot dans ma classe.

 Probablement, mais Olympe avait du mal à nouer avec ses camarades de classe. Puis, parler de Rayan avec les autres, ça ne l'enchantait pas plus que ça.

 — J'y ai travaillé pendant cinq ans, mais je suis rentré il y a quelques mois.
 — Pourquoi ?

 C'était une question bête. Le genre de question qu'on ne devait pas poser à quelqu'un qui revenait. Une question qu'elle détestait elle-même qu'on lui pose. Pourtant, ça lui avait échappé. Rayan sourit.

 — Il était temps que je rentre, c'est tout.

 Olympe ne pouvait pas lui en vouloir d'éluder la question.
 A cette heure avancée du soir, la nuit dominait le stade. Dans ce terrain au budget limité, seuls deux lampadaires marchaient encore, d'une lumière faible et clignotante. Olympe et Rayan étaient assis juste en dessous de l'un d'eux. Enveloppés par la nuit toute entière, c'était comme s'ils étaient seuls au monde. La jeune femme, qui voyait à peine ce qu'il y avait devant elle, se sentait comme dans un cocon. Personne pour les déranger, personne pour interrompre ce moment. Olympe ne ressentait pas le froid, même s'il ne tarderait probablement pas à se rappeler à elle bientôt. Elle voulait seulement profiter de cet instant, sans penser au retour à la maison.

 — Et toi ?

 Olympe tourna la tête dans sa direction, sans comprendre.

 — Pourquoi tu es revenue ?
 — Je... je te l'ai déjà dit. Parce qu'un certain M. Zaidi a accepté de diriger mes recherches. Pas très sérieux ce monsieur d'ailleurs, il traîne dehors au lieu de répondre à ses mails, de ce que j'en sais.
 — Oh, je pense que même s'il était chez lui il n'y répondrait probablement pas.

 Olympe lui donna un petit coup sur le bras en riant. Après une seconde, Rayan renchérit, sérieux.

 — Il n'y a pas d'autres raisons ?
 — Pourquoi il y en aurait ?
 — Et bien...

 Il l'observait, un peu gêné.

 — Je ne sais pas... mais à la fac tu es tellement... différente. Renfermée, hésita-t-il. Même lorsque tu es avec tes amis.

 C'était la première fois qu'ils parlaient ainsi de l'université tous les deux. C'était la première fois qu'il laissait entendre qu'il faisait attention à elle sur le campus.

 — Un peu comme si tu n'avais pas envie d'y être. Et tu viens ici, dit-il en désignant le stade, t'entraîner presque tous les jours, dans un club à une heure de bus du campus, alors que tu en aurais un juste en sortant de ta chambre.

 Rayan, ayant probablement conscience qu'il en disait trop, baissa les yeux. Mais c'était trop tard pour reprendre ce qu'il avait déjà dit.

 — La question c'est moins « Pourquoi je suis revenue » mais « Pourquoi je n'avais pas envie de revenir », hein ? Pourquoi quelqu'un qui a passé presque toute sa vie ici se sent aussi mal de revenir ? Aimer la montagne, c'est pas suffisant, pas vrai ?

 Olympe, les mains serrées sur le banc, n'osait plus le regarder non plus. Sa voix était devenue sèche malgré elle.

 — Il y a beaucoup de choses, murmura-t-elle. Une mauvaise rupture, en particulier.

 C'était la première fois qu'elle le disait. Et c'était à lui.

 — Vu ton âge, avoir peur de revenir quelque part comme ça à cause d'une rupture, ça doit te sembler stupide.

 Un silence s'installa, plus fort que les précédents. Olympe se sentait ridicule d'ainsi épancher ses problèmes d'adolescente sur un adulte.
 Pourtant, au bout d'un instant, il dit d'une voix étrangement calme.

 — J'étais censé me marier.
 — Quoi ?

 La surprise l'ayant emportée sur le reste, Olympe se tourna vers lui, choquée. Il souriait, mal à l'aise.

 — La semaine dernière. C'était censé être la semaine dernière.

 La jeune voulut lui demander ce qu'il s'était passé, qu'en était-il de sa fiancée, et tant d'autres choses, mais était incapable de les formuler. Rayan souriait tristement mais, sans la regarder, fixait droit devant lui.

 — J'aimerais dire que ça a été annulé parce qu'elle m'a trompée, ou parce qu'elle en voulait à mon argent, ou n'importe quelle autre question qui me ferait passer pour quelqu'un de bien, quelque chose qui me ferait passer la victime qui a le droit d'être triste.

 Il soupira.

 — La vérité c'est que je lui ai juste brisé le cœur.

 Il baissa les yeux, ce sourire mélancolique toujours suspendu aux lèvres.

 — Je n'étais plus amoureux d'elle mais comme j'étais engagé, je refusais de voir la vérité en face. Je me disais que les sentiments allaient revenir, que mes doutes finiraient par m'en aller. C'est vraiment une fille bien, mais j'étais juste...

 Il soupira.

 — Je ne l'aimais plus.

 Rayan avait dit ça comme si c'était mal. Comme si c'était odieux de ne plus aimer quelqu'un, alors qu'il n'y pouvait rien.

 — J'avais tellement honte d'annuler le mariage à peine quelques mois avant que j'ai cherché un poste le plus loin possible de là-bas, comme si naïvement fuir cette ville ça allait faire disparaître ma culpabilité. Mais ça n'a rien changé.

 Alors, enfin, il tourna la tête vers Olympe.

 — Tu penses qu'on a le droit d'être triste quand on est responsable de notre propre malheur ? Je me suis senti mal toute la semaine dernière, et le jour-même j'ai éteint mon téléphone, comme si j'avais peur qu'elle m'appelle. Alors que c'est stupide, elle ne veut plus me parler, et si elle voulait m'appeler pour me traiter de tous les noms elle en aurait le droit. Je la comprends. C'est moi qui ai provoqué tout ça... on ne peut pas vraiment dire que j'ai le droit de me plaindre.

 Olympe avait mis sa main sur la sienne, sans réfléchir. Elle était chaude, malgré les températures presque négatives.
 Puis, confuse, la jeune femme la retira, sous l'expression de surprise de Rayan.

 — Je... je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça... je...

 Elle serra ses genoux très forts l'un contre l'autre et posa ses paumes sur le banc, le regard dirigé vers le sol.

 — C'est juste que je comprends... je crois.

 Rayan ne répondait rien, comme lui laissant le temps de continuer d'elle-même.

 — Il y a quatre ans, j'ai déménagé. Et des choses se sont passées... c'est devenu trop compliqué avec mon copain de l'époque alors j'ai rompu. J'en avais besoin, je ne pouvais plus être avec lui, même si c'était égoïste. J'en avais besoin, pour moi, dit-elle en insistant sur ces derniers mois.

 Tout ça pour réatterrir au même endroit, dans cette même situation qu'elle avait à tout prix cherché à éviter. Tout ça pour ça.

 — Mais je sais qu'en faisant ça, et de la façon dont je l'ai fait, je lui ai brisé le cœur. Je ne me suis vraiment pas bien comportée, et je ne peux pas dire que je ne savais pas que ce que je faisais était mal à l'époque. C'est pour ça que je ne voulais pas revenir. Je ne voulais pas affronter la vérité en face.

 Et elle ne voulait toujours pas l'affronter.
 Elle n'était pas prête pour ça.

 — Je sais que je n'en ai pas le droit, mais je me sens toujours mal d'avoir fait ça. Et je me sens encore plus mal de récolter ce que j'ai semé, rit-elle amèrement, le regard perdu dans le vide. Mais moi non plus on ne peut pas dire que j'ai le droit de me plaindre.

 Rosalya qui ne lui faisait plus confiance pour lui dire ce qui n'allait pas.
 Nathaniel qui cherchait à la blesser à la moindre occasion.
 Ses amis pour qui elle était devenue une étrangère.
 Ceux qui essayaient d'entrer dans sa vie sans qu'elle leur fasse une place.
 Toutes ces occasions manquées, pendant quatre ans, de seulement être heureuse comme elle était.
 Est-ce qu'elle n'aurait pas pu éviter tout ça ?

 — Olympe.

 La sensation de ses doigts sur sa joue lui coupa la respiration. La jeune femme tourna la tête vers Rayan qui s'était penché vers elle. Les yeux grands ouverts, il l'observait avec un mélange de surprise et d'intensité, comme s'il venait de découvrir quelque chose en elle qu'il n'avait encore jamais remarqué. Ses doigts s'attardèrent sur la courbure de sa mâchoire avant de redescendre lentement sur son cou.
 Même s'il était trop loin pour supposer qu'il allait l'embrasser, Olympe paniqua et se releva brusquement.

 — Pardon, je... commença-t-il, la même expression de surprise sur le visage, comme réalisant ce qu'il venait de faire.
 — Hey les amoureux ! cria l'homme d'accueil depuis l'entrée des vestiaires. Il est presque vingt-deux heures là, vous avez pas vu l'heure ? Heureusement que j'ai vu que vous étiez encore là parce que sinon j'allais vous enfermer ici. C'est pas l'endroit pour papoter en privé hein. Vous êtes pires que des ados !

 L'homme d'accueil – dont Olympe ignorait le nom, l'ayant oublié lorsqu'il le lui avait dit et n'ayant plus osé le lui redemander depuis – leur désigna la montre à son poignet, même s'il était trop loin pour pouvoir lire l'heure dessus. La jeune femme qui était déjà debout reprit son sac en vitesse et se dirigea vers la sortie sans un regard en arrière.

 — On se voit en cours, dit-elle comme s'il s'agissait d'un simple étudiant.

 Rayan appela son nom mais elle ne se retourna pas. Honteuse. C'était elle qui avait mise sa main sur la sienne, et ce n'était pas comme si être touchée de cette manière par lui n'était pas agréable. Le passage de ses doigts sur sa peau lui laissait une impression fiévreuse.
 Mais elle ne pouvait pas. Pas encore.
 Et toute la semaine suivante, elle ne vint au club d'athlétisme que les jours où elle savait que Rayan n'y serait pas.

Fallen {Amour Sucré Campus Life}Where stories live. Discover now