Chapitre 19 {III}

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 Rosalya tendit la main et des gouttes de pluie s'écrasèrent contre sa paume. Posée à la terrasse du café depuis plus d'une heure, la jeune femme s'était demandée à quel moment l'eau des nuages finirait par déborder. Le parasol bleu et blanc au dessus de sa table la protégeait encore, lui offrant une retraite, un coin tranquille où attendre paisiblement, protégée du ciel.

 Mais Rosalya n'était pas paisible.

 Elle rétracta son bras et le posa de l'autre côté de sa tasse fumante, la deuxième déjà. Leigh lui avait dit qu'il serait là à vingt heures trente et il était vingt-et-une heures passées. Sa boutique fermait à dix-huit heures le jeudi et, pourtant, il n'arrivait pas, ne l'appelait pas pour s'excuser.

 Leurs contacts étaient sporadiques, étranges. Si froids pour deux personnes qui dormaient encore dans les mêmes draps quelques mois auparavant. Ni l'un ni l'autre ne savaient plus comment se parler. Aujourd'hui, c'était Rosalya qui lui avait demandé de venir, pour crever l'abcès. Discuter. Se mettre d'accord, enfin.

 Rompre définitivement ou se remettre ensemble. L'indécision de Leigh lui devenait insupportable. Il la faisait quitter leur appartement mais téléphonait à sa mère presque tous les jours pour s'assurer qu'elle allait bien. Il lui demandait de revenir avant de changer d'avis dans la minute suivante. Il n'arrivait pas à lui pardonner mais ne parvenait pas non plus à vivre sans elle. Aucun d'eux n'était heureux dans cette situation.

 Soit ils essayaient de recoller les morceaux, soit ils se disaient adieu. C'était ce dont elle souhaitait parler, mais Leigh ne venait pas.

 Il ne pouvait pas avoir oublié. Son retard était intentionnel. Elle le connaissait trop bien. Elle l'imaginait assis dans la réserve de la boutique, dans un silence de plomb tout juste perturbé par les rouages dans son cerveau. À la seconde où il apparaîtrait, sa décision serait déjà prise. C'était maintenant ou jamais. Le mettre au pied du mur était la seule solution qu'elle avait trouvée. Vu son retard, aucun doute qu'elle était parvenue à le convaincre d'y réfléchir.

 Sa poitrine lui faisait mal. Elle essuya sur sa joue une goutte de pluie qui avait volé jusqu'à elle.

 — Mademoiselle.

 Rosalya tourna la tête vers le serveur qui l'avait interpellée, la porte entrouverte. Sous ce temps et ces températures, la jeune femme était la seule à être assise à l'extérieur.

 — C'est la fin du service. Vous voulez quelque chose ?

 Ce n'était pas la première fois qu'elle le rencontrait. Elle se souvenait de lui les rares occasions où elle était venue voir Olympe sur son lieu de travail, ainsi que de l'avoir croisé quelques fois sur le campus. Mais elle ne se rappelait plus de son prénom.

 — Non merci, répondit-elle froidement.

 Le jeune homme sourit.

 — Hyun, mon chou, ferme la porte ! Il fait froid ! le héla une voix depuis l'intérieur.

 Hyun. C'était ça, son prénom. Elle s'en rappelait à présent. Et la femme qui l'avait interpellé devait être sa patronne. Celle avec les bottes de cowboy et les cheveux blonds aux racines noires.

 Olympe n'était pas là aujourd'hui. Quelque part, elle en était rassurée. Elle ne souhaitait pas particulièrement à ce qu'elle assiste à sa discussion avec Leigh. Même si ce dernier ne se décidait toujours pas à arriver.

 Le serveur nommé Hyun ferma la porte et débarrassa les autres tables. La nuit était tombée profondément depuis trois heures au moins. Tous les autres clients étaient déjà partis. Rosalya était la dernière. La pluie s'intensifia autour d'elle, tambourinant sur l'asphalte.

Fallen {Amour Sucré Campus Life}Where stories live. Discover now