Chapitre 14 {I}

119 9 0
                                    

Le chapitre 14 contient un passage Lemon (explicite).
Si vous souhaitez lire la version Lime (non explicite), ça se passe sur mon blog :

https://thecaffeinepost.blogspot.com/2022/07/fallen-chapitre-14-version-non-explicite.html

TW pour cette partie : dépression, pensées suicidaires.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------


 Ambre regardait la neige tomber par delà la fenêtre de sa chambre d’hôpital.
 Légèrement entrouverte, un vent léger et frais s’engouffrait dans la pièce à l’air étouffant et synthétique. L’infirmière s’était plainte du froid mais la jeune femme avait réussi à la convaincre de laisser la fenêtre ouverte encore un petit peu. Ambre, elle, la tête posée sur ses genoux, appréciait ce froid d’hiver glisser sur ses pieds nus par-dessus les couvertures.
 Elle aurait aimé que la neige tienne mais quelque chose lui disait que celle-ci disparaîtrait dans les heures à venir. De quand datait son dernier Noël blanc ? Des souvenirs fugaces d’elle et Nathaniel jouant dans leur jardin jusqu’à ce que leurs mains s’engourdissent de sculpter des bonhommes de neige les uns après les autres lui revenaient en tête. Ils devaient alors avoir dix ou onze ans, pas plus. Depuis, tous les hivers passaient et se ressemblaient. Celui-ci ne ferait probablement pas exception. Les flocons étaient fins, à peine discernables d’une pluie normale. Tout le monde dans l’aile de l’hôpital était surexcité à l’arrivée de la neige, comme s’ils s’attendaient à la voir recouvrir les arbres et les routes de son manteau blanc dans les heures à venir, se préparant déjà à sortir en profiter à l’extérieur.
 Ambre n’était pas sortie depuis des semaines.
 Les médecins et les infirmiers avaient essayé de la convaincre, voire de la forcer, ne serait-ce qu’à aller se balader dans le parc de l’hôpital, mais Ambre avait toujours refusé. Apathique, l’envie de sortir de cette pièce avait totalement disparu. Les premiers jours, Ambre avait hurlé sur tout le personnel de la laisser partir, les menaçant avec tout ce qui lui passait sous la main, jusqu’à ce que son comportement la conduise à l’isolement. Pourtant, en moins d’une semaine, cette passion s’était évanouie jusqu’à ne plus se réveiller et, au contraire, provoquer la préoccupation de son entourage. Même ses parents s’inquiétaient pour elle. Si du moins, leur inquiétude avait quoi que ce soit de sincère, ce dont elle doutait sincèrement.
 Personne ne se souciait réellement d’elle. Les médecins, les infirmiers, c’était leur travail. Son père, c’était par honte d’avoir une fille hospitalisée en établissement spécialisé. Sa mère, c’était par peur que ce hiatus dans sa carrière n’en signe sa fin définitive. Ses amis ? Elle n’en avait pas. Elle n’en avait plus, ou n’en avait jamais eu.
 Ambre était seule dans cette chambre. Celle-ci était devenue son univers, son cocon. L’air frais et les rares flocons s’infiltrant dans le léger espace de la fenêtre ouverte lui suffisaient pour la faire mieux respirer. Même si elle se trompait et que la neige finissait réellement par tenir au sol, la jeune femme n’avait aucune raison de sortir pour s’y aventurer.
 Elle n’avait personne avec qui construire des bonhommes de neige, cette fois-ci.
 Ambre ferma les yeux, enfouissant son visage entre ses genoux. Ce jour-là, elle avait fait l’effort de prendre une douche, sous les encouragements mielleux de son infirmière. Elle portait un pantalon en faux jean élastique et un sweater noir. Néanmoins, elle n’était pas allée jusqu’à laver ses longs cheveux, n’en ayant pas le courage. Attachés en une queue de cheval improvisée, ils tombaient lourdement sur son dos, le crâne huileux. L’épilation n’était pas une question non plus depuis ces dernières semaines, ses sourcils en particulier ayant repris leur forme désordonnée originelle. Lorsque sa mère la verrait de nouveau avec les cheveux sales et le visage dans un tel état, elle ne manquerait pas de s’emporter et de lui rappeler qu’une mannequin se devait d’être présentable en toute circonstance. Ambre savait qu’elle avait raison mais s’en moquait ouvertement.
 Plus rien n’avait d’importance pour elle désormais.
 Ses bras autour de ses jambes, elle les serra fortement contre sa poitrine, les yeux fermés. Même sans les voir, elle entendait encore les flocons frapper doucement contre la fenêtre, comme une invitation à savourer l’hiver tel qu’il arrivait. À une époque, Ambre aimait l’hiver, car il lui permettait d’exhiber ses plus beaux manteaux. Elle en avait toute une collection. Désormais, tout cela lui semblait totalement stupide. Personne ne l’avait jamais complimentée pour ses manteaux ; ses collègues en avaient toutes des plus beaux ou plus chers et les photographes ne s’intéressaient qu’à ce qu’il y avait en dessous.
 Les regretterait-elle si elle décidait de tous les vendre sur un coup de tête ? Et tous ses autres vêtements si serrés qu’ils laissaient sur sa peau des marques brûlantes et douloureuses ? Tous ces vêtements-là, devrait-elle les porter de nouveau une fois sortie ? Serait-elle forcée de reprendre sa carrière là où elle l’avait abandonnée ? À écouter sa mère, ce ne serait pas possible. Passer des semaines sans mettre à jour ses réseaux sociaux et répondre à ses e-mails était une faute professionnelle qu’on ne lui pardonnerait jamais dans ce milieu. Il lui faudrait tout reprendre depuis le début.
 Les régimes, les castings, les photos, les soirées, l’alcool, la drogue, le « networking ».
 Tout recommencer à partir de zéro. Sa mère préparait déjà le terrain pour cela. Ambre, elle, n’envisageait même pas de quitter cette chambre.
 Lentement, elle déplia ses jambes, s’adossant au mur derrière elle. Son regard se perdit sur sa table de chevet où reposait une trousse de maquillage apportée par ses parents, abandonnée telle quelle. Et juste à côté, une boule à neige. Sans réfléchir, sa main alla chercher la décoration et la secoua, comme on se devait de le faire. C’était encore une fois ses parents, les seuls à venir la voir, qui la lui avait donnée, expliquant que ça lui rappellerait Noël à la maison puisqu'ils ne pourraient pas le fêter ensemble cette année. Ils n’auraient jamais sacrifié leur réveillon pour le passer avec elle dans une chambre d’hôpital.
 La boule à neige, dans les tons blancs et bleus, représentait une petite maison enneigée avec un sapin de Noël et des loups jouant avec des guirlandes.
 C’était Nathaniel qui la lui avait offerte mais ça, leur père ne s’en souvenait pas.
 Comment aurait-il pu ? Il lui avait confisqué ce cadeau après que Nathaniel soit allé contre leur interdiction de rapporter un souvenir de leurs vacances au ski, l’ayant acheté avec son propre argent pour l’offrir à sa sœur. Ambre l’avait repérée dans une boutique et avait supplié ses parents pendant les deux semaines de leur voyage de la lui acheter, s’écrasant à un refus sans appel. Les souvenirs, c’étaient pour les enfants, et ils étaient déjà collégiens à l’époque.
 En comprenant que Nathaniel était allé acheter la boule à neige dans le dos de son père, celui-ci l’avait confisquée et était allé « corriger » le jeune garçon dans une autre pièce, où Ambre n’avait pas accès.

Fallen {Amour Sucré Campus Life}Where stories live. Discover now