39.1. Mister Sweet Booty

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TROIS SEMAINES PLUS TARD

Je trace un autre trait de crayon en coinçant mon téléphone entre ma joue et mon épaule.

— Et du coup, il est capable de bouger ses jambes ?

Je me concentre pour reproduire exactement la même courbe de lèvres que j'ai en tête.

— Il est capable de les plier et les déplier, mais avec aide. L'air motrice, tout ça tout ça.

— Mmh.

J'estompe du bout de l'index les commissures et remonte pour m'occuper des sourcils en y allant à petits traits fins et rapprochés.

— Laurel s'en sort bien ?

Isabelle soupire dans le combiné et garde le silence quelques instants. Je l'imagine presque réfléchir en se curant un ongle.

— Elle a repris les cours, elle et Colin. Donc ça l'occupe et le soir elle lui rend visite une ou deux heures.

— Et toi ?

— Moi ? Bah j'ai repris le boulot au salon d'esthétique.

Je fronce les sourcils en modifiant ma posture, croisant mes jambes et les décroisant sur les matelas, cherchant la position la plus confortable pour dessiner.

— Tu ne vas plus en cours ?

Elle rit doucement.

— L'esthétique, c'est seulement un an d'études.

— Oh ! Et t'as quel âge déjà ?

— Vingt-trois.

— Ah, oui. Pardon, j'suis stupide.

Elle glousse et je l'entends se mouvoir avant que sa voix ne se fasse plus claire dans le combiné.

— OK, Mika, c'est l'heure des confessions déchirantes et gênantes.

— Ouuuhhh, gloussé-je. Je suis tout ouïe, mon enfant.

Elle marque un petit temps de silence durant lequel je termine le premier sourcil et que je passe au second. Je commence à faire de petits traits verticaux, très fins, foncés à la base et plus pâle en remontant.

— J'aurais jamais cru que je dirais ça un jour, mais reviens, meuf. Tu nous manques. La maison est en dépression.

Je m'immobilise.

— Est-ce qu'Isabella Sierra Velóz vient vraiment de me dire que je lui manque ?

— Non, non, non, c'est Isabelle.

— Sur ton permis de conduire c'est écrit Isabella, protesté-je effrontément.

— Tu vas me faire revenir sur ce que j'ai dit, hein.

— OK, pardon, madame.

Je commence la courbe du nez en pinçant les lèvres dans ma concentration.

— Tu fais quoi de tes journées ? demande-t-elle, curieuse.

— Mmh ? Bah on cueille, on lave, on remplit des boîtes et on vend. Pis en fin de semaine, on fait des tartes et des gâteaux avec les fruits récoltés et la farine du blé qu'on a moulu. Et de la confiture aussi.

— Waouh, bah dis donc, ça ne s'ennuie pas chez vous. Et vous vendez bien cette année ?

Je soupire en dessinant légèrement les ombres et les lumières.

— Ouais. Mais seulement parce que les gens sont envahissants.

— Comment ça ?

— « Gneugneu à quand le mariage ? », « Gneugneu il est où ton copain ? » et « Gneugneu tu danseras avec qui au bal d'automne ? ».

Fifty Shades of a Unicorn - T1Where stories live. Discover now