8.2. Égalité, fraternité et Mikorne en liberté

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— Un... deux... trois... go !

Je raffermis ma prise sur le bois, contracte mes biceps et soulève mon côté de l'estrade, le souffle coupé.

Holy shiste.

OK, première chose à la limite traumatisante, une estrade en bois, ce n'est pas une botte de foin. C'est quarante-douze fois plus lourd, cinquante-treize fois plus épais, trente dix-huit fois plus gros et mes capacités brachiales ne sont CLAIREMENT pas à la hauteur.

— Mon... Dieu... articulé-je en avançant à petits pas.

Je sens presque mes tongs s'enfoncer dans la punaise de roche tellement c'est lourd. 

— Allez, ce n'est rien du tout ! fait Colin, un grand sourire sur le visage.

— Mais qu'est-ce que tu chies... ronchonne Isabelle, les dents serrées. C'est comme si on soulevait un immeuble.

— Arf, allez, faites pas vos meufs, se moque Thomas en reculant, sans sembler souffrir autant que nous.

Punaise, mais il sort d'où, ce gars ?!

— Si tu ne veux pas qu'on fasse les meufs, on fait quoi alors ? Le dauphin ? l'apostrophe Laurel, le visage crispé par l'effort.

Et là, il n'y a même pas de vaudou dans l'atmosphère, même si les biceps et pectoraux de Thomas sont vachement brillants de sueur.

C'est comme les veines gonflées ça, moche, mais pas moche en même temps.

Perturbant. There you go.

Nous déplaçons le meuble de quelques mètres, puis le reposons bruyamment sur le sol rocheux.

— C'est la partie que je hais le plus, putain, ronchonne Isabelle. Nettoyer la piste de danse et le bar.

J'acquiesce en agitant mes bras tendus :

— Merde ouais. J'viens d'arriver, mais ça, c'est vraiment horrible en ce moment.

— Et encore, maugrée Lau, ce n'est pas fini. Faut passer le balai dans le bar et ramasser tous les déchets qu'il y a en-dessous de l'estrade.

Je fais volte-face pour évaluer l'étendue des dégâts. Du papier s'est transformé en pâte à cause de la pluie. Des emballages de bonbons, des pailles, des mini-parasols de cocktails et des vestiges de verres en plastique jonchent le sol. Nous avons tout ça à arranger et deux jours encore pour le faire.

À la plage, c'est nickel. Nous avons retourné le sable, nettoyé les tables de pique-nique et désinfecté les salles de bain et les vestiaires. Maintenant, c'est la partie au-dessus du fameux rocher plat qui a besoin de notre coup de patte : le bar à cocktails et la piste de danse.

Étonnamment, faire le ménage de la plage a été assez rapide. Nous étions cinq personnes motivées – plus ou moins – ça s'est passé comme un charme !... Si on ne parle pas de mes courbatures tout à fait charmantes aux épaules.

— Bon, allez, on s'y met, annonce Colin avant de se frotter les mains.

— J'vais aller chercher mes lunettes de soleil, je meurs.

La main en visière sur les yeux, Isabelle tourne les talons et descend les escaliers pierreux avec rapidité. Cinq minutes plus tard, elle a disparu de l'autre côté de la passerelle. Thomas me tend un balai aux poils noirs.

— Tu peux exterminer la poussière là-dedans ?

Il me pointe le bar de plage, rectangulaire avec un toit recouvert de paille. J'arrive à distinguer à l'intérieur des tabourets blancs empilés.

— Je sors les tabourets d'abord, hein ?

— Ouaip.

— Tous ? Seule ? N'oublie pas que j'ai des bras de poulet. Ça ne va pas survivre ces trucs-là.

— T'es une licorne, un cupcake ou un poulet là ?

— Je suis un pouletcornecake.

Je pointe mes biceps en les agitant un peu, pour qu'il voie la petite graisse qui remue. Il faut qu'il comprenne bien que s'il m'arrive quoi que ce soit, ce sera de son entière responsabilité. Son nez fin se retrousse et il rit.

— Je suis désolé, poulette, mais je dois filer un coup de main à Laurel qui ramasse SEULE. Parce que COLIN, commence-t-il à hurler, est trop OCCUPÉ à TEXTER LES MEUFS de la fac pour organiser UNE PARTOUZE.

Un doigt d'honneur fièrement dressé est la seule réponse à sa provocation, suivi du rire de Laurel.

— Va aider Mika, Colin, et lâche les filles.

— Chuuuuut.

— Allez Coliiin, geins-je, j'peux pas faire ça seule.

— 'Tain c'est bon j'arrive.

J'arrache le balai des mains de Thomas et gambade joyeusement jusqu'au bar, suivie de près par Colin qui maugrée :

— Mika, explique-moi comment tu peux être aussi heureuse alors qu'on doit encore nettoyer ?

— Ce n'est pas toi qui disais, il y a trois secondes « Gneugneu mais qu'est-ce que vous dites, ce n'est absolument rien » ?

Il rit dans mon dos.

— OK, je l'ai mérité. Mais cette bonne humeur, please ?

— Les paillettes et les arcs-en-ciel, répondis-je, très sérieuse. Ça fait des miracles.

— Ouais, mais disons que toi et moi, on n'a pas été fabriqués avec le même mélange spécial qui permet d'avoir ces choses-là.

— Alors il suffit de les imaginer ! J'ai fait ça pendant looongtemps.

Je pousse la porte – pas très grande d'ailleurs – pour accéder au bar. Dès que je mets un pied à l'intérieur, un nuage de poussière aveuglant se soulève. Comment je suis censée éradiquer toute cette poussière hein ? Phoque you, Thomas.

Des quintes de toux et des yeux larmoyants plus tard, nous finissons de débarrasser la brasserie des tabourets beige et blanc que nous nettoyons un à un avec des lingettes et que nous disposons le long du comptoir en bois. Isabelle, qui nous rejoint un peu plus tard, s'occupe de dépoussiérer le comptoir et le laver. Je passe le balai du mieux que je le peux tandis que Colin installe un mini-réfrigérateur.

— Mais... Thomas avait dit qu'il n'y avait pas d'électricité ici... murmuré-je, mon regard allant de la prise électrique au balai.

Du balai à la prise électrique.

— Thomas, je te hais ! hurlé-je, par la fenêtre qui donne vers la piste de danse qu'il est en train de désencrasser.

Il lève la tête, les sourcils froncés avant de remarquer Colin avec le réfrigérateur derrière moi et le balai que je serre à m'en faire mal.

Un sourire énorme lui fend le visage.

— Oups !

— Je me demandais aussi pourquoi tu utilisais un balai, fait Isabelle avant d'éclater de rire.

— Arrêtez de vous foutre de moi, ce n'est même pas drôle !

Elle fait la moue en lâchant son chiffon.

— Oh, ça va, bichette. On a quasiment terminé.

Bon, dit comme ça...

Je me vengerai plus tard.

 

Fifty Shades of a Unicorn - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant