6.3. Chie-ka-go

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Mes yeux se plissent sous une frustration subite et j'assène :

— Tu vois ce que je veux dire par blasé et taciturne ? Laisse-moi contempler ma première boisson Starbucks à vie en paix, d'accord ?

Je réalise trop tard que j'ai crié.

Mince.

Un lourd silence s'abat sur le magasin. Tous les regards se braquent sur nous.

On n'entend plus que l'une des caissières qui tente d'enregistrer la commande d'un client malgré le malaise. Je sers un sourire crispé à toutes les personnes agacées et me recroqueville sur mon siège sous les yeux colériques de Thomas. Puis, je prends une gorgée de ma mixture froide, coupable.

— Tout le monde a entendu, hein ? interrogé-je, l'explosion de saveurs du café, de la glace, de la crème et du sucre m'empêchant de parler correctement.

— Non, mais toi alors, grogne-t-il.

J'essaie – et j'ai bien dit j'essaie – de ne plus attirer l'attention pendant tout le reste de notre court séjour dans le café. Je pose quelques questions et écoute attentivement ses réponses en sirotant aussi lentement que je peux mon cappuccino. Ce truc est bon et si monstrueusement addictif que j'en descends deux en l'espace d'une heure.

— Pourquoi c'est toi en particulier qui es venu me chercher ? demandé-je, la bouche pleine.

Il soupire en agitant son café d'un mouvement circulaire du poignet.

— On a un certain système à la coloc'. Chaque semaine, une personne est nommée responsable des différentes tâches générales à effectuer.

— Et cette semaine, c'était toi, j'imagine.

Il hoche la tête.

— Donc c'est moi qui m'occupe de venir te chercher et du tour guidé aussi.

— C'est cool tout ça.

Je soustrais ma paille de la boisson et cueille un peu de crémage avec le bout. Ma langue s'enroule autour de la substance sucrée et je ferme les paupières à moitié, extatique.

— C'est divin.

— Abuses-en pas aussi, hein.

— Tu dois toujours briser mes délires comme ça ?

Il roule des yeux et prend une gorgée de son breuvage brûlant.

— Tu sais que je peux me tirer à tout moment et te planter là ?

— Pourquoi ?

Une moue boudeuse se peint sur mon visage en réponse à son éternel air blasé.

Si je pouvais juste lui faire ravaler son... blasage.

— Parce que tu fais chier.

Je prends une énorme inspiration et abats dramatiquement mon poing sur la table.

— Si je fais autant chier, très cher, tu peux partir. Je prendrai un taxi jusqu'à l'adresse que j'ai.

Il me défie du regard.
En réponse, je lui fais une grimace moche en sirotant les dernières gouttes de mon deuxième cappuccino. Il finit par détourner les pupilles en se levant pour aller porter sa tasse vide de café. Repue et victorieuse, je repousse le contenant avant de me redresser sur mon banc, de nouveau pleine d'énergie.

Et, sans savoir pourquoi, je me mets à observer sa silhouette longiligne se mouvoir un instant.

Un constat me fait alors froncer les sourcils : ce mec est quand même assez bien bâti.

Fifty Shades of a Unicorn - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant