4.1. I'm leavin', beaches

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Je réussis à arrêter un camion.

Alléluia.

— Quelle gare ? demande le vieux barbu, les yeux légèrement vitreux.

Je pose une main sur la poignée de la portière, hésitante, légèrement fébrile.
Je ne sais même pas s'il est en état de conduire. Je ne sais même pas s'il est un serial killer ambulant. Mais la gare est à une heure d'ici et mon train passe dans une heure et vingt minutes. Alors je prends, même si je ne suis pas sûre de m'en sortir vivante.

Phoque.

Je grimpe dans le camion et m'installe sur le siège en cuir gris et usé puis, jette mon bagage à mes pieds.

Et puis je réalise qu'en guise de tapis, une espèce de collection de bouteilles vides de toutes sortes m'attend sagement.

Mon regard bloque un instant sur le carnage à mes pieds tandis que ma bonne humeur vacille dangereusement.

À la limite, il mettra les bouteilles en plastique au recyclage en s'arrêtant à une station d'essence. Mais je remarque ensuite les deux bouteilles de bière BudWeiser enfouies en-dessous.

S'il met ces bouteilles au recyclage aussi, je jure sur la vie de ma maman je saute du camion.

La pollution c'est mal.

— Toledo Amtrak, l'informé-je, au final, d'une voix que je veux enthousiaste.

Il renifle avec bruit puis tousse, sa moustache poivre et sel s'agitant frénétiquement.

Les vestiges de mon sourire heureux s'évanouissent au complet.

Charmant.

Il me jette un coup d'œil dédaigneux d'abord. Et pendant un long moment de silence, il me fixe comme si j'étais un animal exotique. Ou alors un animal stupide, au choix.
Je force un lent sourire pour tenter de l'amadouer et pour masquer mon malaise. En posant ses grandes mains sur le volant, il reporte — enfin — son attention sur la route en levant son pied du frein.

— C'est sur mon ch'min. Accroche-toé ma grande.

Et j'ai à peine le temps d'attacher ma ceinture qu'il pèse sur l'accélérateur, fort, nous faisant décoller vers l'autoroute à une vitesse de plus de quatre-vingt-dix kilomètres à l'heure.

Inutile de mentionner que c'est largement au-dessus de la limite de vitesse.

***

— On est bientôt arrivés ? demandé-je d'une petite voix excitée.

C'est au moins la sixième fois depuis notre départ.

Je n'arrive plus à me contenir. Chaque fois que l'on passe devant un supermarché, un centre commercial, que je vois un chien sortir la langue par la fenêtre, je dois m'extasier. J'ai toujours été comme ça, même lorsqu'on allait dans une véritable ville avec mes parents, pour vendre nos récoltes.

Je regardais de loin, enviais en silence. Je n'avais pas le droit de m'éloigner de notre stand ou, au pire, j'avais le droit de flatter un ou deux chiens. Mais je n'avais pas le droit d'aller explorer.

Fifty Shades of a Unicorn - T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant