30 - La magie noire

Magsimula sa umpisa
                                    

— Gabriel...

— Vas-t-en, grogne-t-il.

— Qu'est-qu'il se passe ?

Je tente, malgré moi, d'oublier le fait qu'il soit entièrement nu. Son corps est strié de muscles dessinés et bandés. Je ressens une tension inquiétante, c'est bien la première fois venant de lui.

— J'en sais rien, bordel...

Il grogne, ne parle pas fort. Il se contient.

— Tu devrais couper l'eau, tu vas te brûler la peau à force de la laisser couler comme ça.

Sa peau devient rouge tant l'eau est froide. Il n'en fait rien, je le vois qui semble se tenir le bras, il respire fort, pousse des râles qu'il veut maîtriser. Alors je m'avance, doucement, sur mes gardes. Gabriel est imprévisible, Zerre a raison. Il reste dangereux avant tout. Je tends doucement le bras lorsque je me trouve près de lui et je coupe l'eau qui cesse aussitôt de couler. Il ne reste plus que quelques gouttes, qui tombent les unes après les autres et de plus en plus lentement.

Ensuite, je pose ma main sur son bras glacé, alors il tourne la tête vers moi. Ses cheveux sont trempés, et son visage froncé par une inquiétude certaine. J'en suis surprise. Gabriel n'a pas d'émotions en temps normal.

— Que s'est-il passé ? insisté-je.

— J'en sais rien, je t'ai dit ! Je... je ne comprends pas ce que se passe.

Ses lèvres sont devenues légèrement violettes à cause du froid et c'est comme si de la condensation sortait par les pores de sa peau, à cause de la différence de température.

— Mon cœur, explique-t-il en posant sa main sur sa poitrine. Il bat beaucoup trop fort, ça me fait mal... bon sang, ça me fait mal...

Je baisse les yeux et fronce les sourcils. La main de Gabriel arbore des veines gonflées et on dirait que quelque chose de noir se déplace à l'intérieur, comme des vers. Cette étrange couleur disparaît dans son avant bras et les pulsations semblent aller au rythme de son cœur.

— Qu'est-ce qui est arrivé à ta main ?

— C'est de la magie noire, c'est ce qui recouvre l'Arbre.

Je relève mes yeux vers lui.

— Et cette foutue magie vient m'infliger le sentiment de peur.

Je peux comprendre son désarroi, s'il n'a pas ressenti cela depuis plus de quinze ans. Je décide de prendre lentement sa main, celle qu'il garde crispée contre sa poitrine, celle touchée par la magie noire. Je le regarde droit dans les yeux et je me laisse guider par mon instinct, par ce que je ressens, là, tout de suite : la compassion.

— C'est normal d'avoir peur, Gabriel. C'est normal de douter, d'être angoissé. Tu as le droit de craindre cette magie. Tu as le droit de ressentir des choses.

Il retire aussitôt sa main de la mienne et secoue la tête.

— Arrêtes de tenter de me rendre humain, tu n'as toujours pas compris que ça n'arrivera jamais ?

— J'essaie simplement de t'aider et de te rassurer ! Si seulement tu acceptais simplement d'écouter quelqu'un d'autre que toi.

Il se rapproche de moi, les lèvres retroussées, le torse bombé. Je me colle contre la paroi mais ne baisse pas les yeux, parce que je n'ai pas envie de le craindre ni même de me rabaisser face à lui ni face à qui que ce soit d'autre. Il pose sa main empoisonnée contre le mur, juste à côté de mon visage. Il rapproche le sien, me regarde droit dans les yeux. Je me perds dans les ténèbres de ses prunelles mais qu'il le veuille ou non, il y a une étincelle d'humanité en lui, même s'il la refuse. Gabriel a simplement peur de ressentir la vie.

TENEBRIS LUMINA : L'Arbre de Vie [INTÉGRALE]Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon