63 - Retour

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Tom


Bien que depuis mon déménagement, mes journées avaient toutes été plus chargées les unes que les autres, ce dernier week-end avait tout dépassé en terme d'émotions. J'avais retrouvé mes amis, on s'était éclatés, on avait découvert de nouveaux paysages et de nouvelles choses, et j'avais joué au psy pour amoureuses. Les retrouvailles m'avaient ramené à une situation de confort dans laquelle je n'avais plus l'habitude de me reposer, et cela m'avait fait énormément de bien. Pour souffler. Même si je n'avais pas voulu embêter mes amis avec ça, il fallait avouer que Paris n'était pas si facile que ça. Qui plus est de passer d'une petite ville tranquille à la grande capitale. J'avais du faire preuve d'énormément d'énergie et de volonté. C'est en relâchant tout ça à la mer que je m'étais rendu compte d'à quel point j'étais fatigué. Mais je savais à présent que j'avais aussi le droit de souffler, et alors mon retour à mon nouveau chez moi ne m'effrayait plus. J'avais quand même réussi à m'installer et à me faire un nid là-bas. Je n'avais pas l'impression d'être un intrus, et voulais profiter de tout ce que cette nouvelle vie avait à m'offrir. Bien que ces trois énergumènes n'y étaient pas, j'avais tout de même de l'espoir en mes rencontres. Les temps avaient été durs mais je sentais l'espoir revenir en courant.

Cependant c'était la fin du week-end et il fallait laisser ces incroyables personnes. C'était un déchirement. Je les avais vus évoluer de loin pendant ces derniers mois, à travers des écrans de téléphone. J'avais essayé d'être le plus présent possible, mais, c'était différent. Les voir si changés m'avait fait bizarre. Une impression d'avoir loupé beaucoup de choses, de ne plus faire partie de leur vie réelle. Mais j'avais compris que c'était bien faux. Ils tenaient à moi autant que je tenais à eux, et on ne pouvait rien faire contre la distance alors, pas la peine de la combattre, il fallait juste l'accepter. Et puis, je me disais que j'avais bien réussi à rattraper le coup.

Dans le bus, je m'étais mis à côté d'Andromède et on riait doucement en se racontant des histoires, tandis qu'Ophélia et Ric somnolaient devant nous. Elle n'avait toujours pas eu de conversation digne de ce nom avec Ophélia, mais il n'y avait aucun doute à avoir. J'étais si fier d'elles, qu'elles se l'avouent enfin à elles-mêmes. C'était déjà un pas immense. Et elles étaient si mignonnes ensemble. Qui aurait cru qu'Ophélia pouvait rougir autant ? Sûrement pas moi. Et qui aurait cru qu'Andromède pouvait être si libre ? Hum, peut-être moi en fait. J'avais aussi de l'espoir pour elles. Pour nous tous finalement. On était tous un peu perdus, un peu incertains, quant à notre avenir. C'était un moment charnière. Que faire après le lycée ? Pouvait-on y arriver ?

J'étais sûr qu'on trouverait tous quelque chose. Ric, qui était toujours désespéré par toute cette pression, semblait se raccrocher à son rêve. Aujourd'hui plus que jamais. Il sillonnerait la mer un jour et personne n'allait l'en empêcher. Je l'admirais beaucoup. Le mot « routine » pour lui n'avait aucun sens. Il trouvait toujours un moyen de la briser, et quand il ne trouverait plus, il partirait. Je ne me faisais aucun soucis pour lui, il était tellement imaginatif. Et cela me réconfortait un peu. Il n'allait pas rester dans notre petite ville alors que moi j'étais déjà parti. Il irait à l'aventure et dieu seul sait où il serait dans un an. Andromède s'était elle aussi endormie à son tour, mais je ne pouvais m'y résoudre. Même si l'on avait dormi qu'une poignée d'infimes heures. J'avais tellement de choses à penser. Je me reposerai chez mes grands parents avant mon retour à Paris. Je regardais défiler le paysage en me disant que c'était comme ça que je voulais vivre toute ma vie. Je voulais être entouré de personnes extraordinaires et avoir toujours, toujours de l'espoir.


_____

Ric


Tom était parti. Le lycée reprenait dans une nuit. Je savais qu'il ne fallait pas que je retombe dans ma spirale de routine, mais ce soir-là en rentrant je pesais mille tonnes. J'étais content de pousser la porte et de retrouver Aski, mais les bruits de la maison m'ont alors semblé superflus, vides. Le chant des vagues résonnait encore inlassablement dans ma tête, mais je ne sentais plus le sel, plus la grandeur de la mer, plus l'humidité marine. J'avais déjà envie de partir. J'avais pourtant une multitude de choses à faire ici, mais j'avais peur de m'ennuyer. Je ne savais pas pourquoi cette peur était si grande. Ce n'est pas bien grave, s'ennuyer. Fixer un peu le plafond ou regarder des émissions stériles à la télé. Mais pour moi c'était infaisable, à la moindre minute non productive écoulée, j'avais l'impression de gâcher toute ma vie. Il y a tellement de choses à découvrir, à apprendre, à vivre dans une seule vie, que de ne pas investir exactement chaque moment à ça était un immense gaspillage. On m'avait souvent dit que la vie c'était aussi des petits moments de rien. Que c'était normal de se reposer, prendre du temps pour soi à rien faire. Mais cela me mettait moi dans un inconfort absolu. Il fallait que je fasse tout avant de mourir demain.

Car si un bus me fauchait demain, je n'aurais jamais vogué sur mon propre bateau, je n'aurais jamais su par cœur la deuxième partie de la Marche Turque au piano, je n'aurais jamais ressenti ce que ça faisait de faire sourire la personne dont on est fou amoureux. Et tout ça était d'une fatalité accablante.

Je n'étais donc pas très heureux de rentrer chez moi, ni très heureux de faire mon sac de cours pour le lendemain. Tom me manquait déjà, je n'avais pas envie d'arpenter les couloirs du lycée sans me disputer toutes les cinq minutes avec lui. Il y avait bien Andromède et Ophélia, mais leur idylle ne me laisserait plus autant de place qu'avant. En réalité j'étais un peu jaloux d'elles. Content mais jaloux. Je ne cherchais plus désespérément une moitié, mais je me disais que la source de leur bonheur était si proche d'elles. Alors qu'il me faudrait une boussole et un peu plus de certitudes pour trouver la mienne.

Après le dîné pendant lequel j'avais du raconter avec une nostalgie prématurée mon voyage à la mer, je me mis au piano et commençai à déchiffrer avec difficulté la partition du 3ème mouvement de la sonate n°11 de Mozart.


CollisionsDär berättelser lever. Upptäck nu