55 - De la ville à la mer

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Ophélia


On a pris le bus. De la ville à la mer. Andromède a dormi tout le trajet. Sûrement les quelques heures qui avaient manquées à sa nuit. Elle ne m'avait pas envoyé de messages, mais j'étais persuadée qu'elle n'avait quasiment pas fermé l'œil. Sans aucun doute, ses yeux brillaient un peu trop la veille de notre départ. Je lui avais dit de tout laisser, même ses peurs. J'avais un peu redouté sa réponse, je l'avoue. Mais je savais qu'elle en avait grand besoin, et rien n'aurait pu me faire plus plaisir que les étoiles qui ont éclatées dans ses yeux quand nous nous étions tous retrouvés. Non, ça c'est ce que tout le monde dit à propos de tout le monde. Ce qu'on dit à tous les amants. Je ne vois pas de simples éclats dans ses yeux. Seulement parfois j'ai l'impression d'y voir toute une galaxie, une véritable galaxie, avec ses traînées de poussière et ses millions de couleurs. Comme si il y en avait une qui habitaient en elle.

Avant notre départ, j'étais allée rendre visite à sa mère pour qu'elle m'autorise à l'enlever. Je ne sais pas si elle avait compris mais elle a du sentir l'urgence dans ma voix. Elle semblait avoir confiance en moi, même si ce n'était pas gagné au début.

Dans le bus, Andromède n'avait pas osé s'endormir jusqu'à ce que je lui propose. La voyant calme et reposée, je me sentais alors dans un état de sérénité inédit.

Elle ne se rend pas compte qu'elle mérite l'univers entier. Seul son sommeil le sait. Il laisse ressortir l'insouciance qui appartient à ses rêves, et qui vit sous sa peau.

Le sourire aux lèvres, je me retournais doucement -évitant de réveiller l'endormie- pour regarder Tom et Icare, assis quelques rangées derrière nous. On entendait qu'eux dans tout le bus. Dès qu'ils me virent, ils gesticulèrent en grands signes, comme si je ne les avais pas remarqués. Je n'eus même pas le réflexe de lever les yeux au ciel, tellement leur joie me faisait du bien.

Retrouver Tom nous avait mis dans tous nos états. Quand on l'avait vu descendre de la voiture de ses grands-parents, alors que nous attendions le bus, nous nous étions jetés sur lui. Il avait été assailli de toutes sortes de questions qui n'attendaient même pas ses réponses et nous l'avions scruté de haut en bas, cherchant ce qui avait bien pu changer chez lui. Il s'était un peu coupé les cheveux et avait une nouvelle paire de baskets mais c'était tout. Notre Tom, inchangé, bien vivant devant nous. Nous n'avions ensuite pas arrêté de jacasser, de rire, de se toucher, de s'aimer.

Seul le bus avait apporté un peu de calme. Du moins, à Andromède et moi, pas aux deux autres fous.

En voyant de plus en plus de pins et de paysages marins, je réveillais Andromède pour qu'elle puisse profiter de la vue. Nous étions bientôt arrivés.

L'air marin nous a tous plongés dans une folie furieuse. Ric n'arrêtait pas de crier, de s'exclamer, de tout pointer du doigt. Il voulait aller voir la mer directement, mais nous devions passer à notre location avant. Nous avions deux chambres séparées d'une porte avec le nécessaire de cuisine entre les deux. On conclut naturellement que les garçons dormiraient ensemble et qu'Andromède et moi partagerions la deuxième chambre.

Il était midi, ce qui nous laissait la journée devant nous. Ric avait mille projets et voulait tout voir. On lui disait qu'on n'était là seulement pour deux jours, pas pour la vie. Mais il s'en fichait. À vrai dire on s'en fichait tous un peu. On était juste tellement heureux de se retrouver, qui plus est loin de chez nous.

Nous sortîmes visiter la ville. Tom prenait des photos et nous marchions tous les deux, tandis qu'Andromède et Ric marchaient devant, bondissant sur chaque chose nouvelle. Une mouette s'envolait et ils riaient aux éclats, une façade de couleur et ils prenaient la pose devant, une devanture de magasin et ils collaient leurs nez à la vitre. Tom les capturait dans son précieux appareil, et souriait en regardant les photos.

- Je suis si heureux de vous retrouver, me sourit Tom en me montrant une photo des bouclettes de Ric se confondant avec un crépis jaune. Je me suis fait pas mal de potes là-haut mais, c'est pas pareil. Ça fait tellement de bien.

- On est heureux nous aussi, lui assurai-je.

- Je sais, opina-t-il en laissant un petit silence avant de reprendre. Vous avez quand même bien changé. Pas personnellement mais, relationnellement.

- Ah bon ? m'étonnai-je.

- Par exemple, je ne t'ai jamais vu si proche d'Andromède.

- Oh, me sentis-je rougir. C'est vrai qu'on s'est rapprochées de nouveau ces derniers temps, mais ça me semble comme avant.

- Ah ça non, ricana-t-il. J'ai pas assisté à l'évolution moi, je vous ai vu avant, et maintenant. Et je peux t'assurer que quelque chose a changé.

- Je ne l'ai pas remarqué.

- Elle t'aime Oph', j'en suis sûr.

Je trébuchais d'un coup, en même temps que mon cœur, et Tom dût prendre mon bras pour m'éviter de tomber. Dix mètres plus loin, Andromède se tournait d'un coup vers moi en ayant entendu le petit cri que j'avais émis, tandis que Ric la secouait pour qu'elle regarde le sac pikachu d'un enfant qui passait près d'eux. Je lui fis un geste pour signifier que tout allait bien, puis après un sourire, elle tourna finalement son regard vers ce que le blond lui montrait.

- Tu vois, dit Tom en souriant.

- Non, je vois pas... bredouillai-je. N'importe quoi, ça veut rien dire, c'est...

- Me crois pas si tu veux, mais je le vois bien. Je pense que tu devrais lui dire. Elle fera jamais le premier pas. Je suis même pas sûr qu'elle ait conscience de ses sentiments.

Je ne trouvais rien à répondre, observant seulement mon amie de loin. Son si grand sourire résonnait si fort en moi, et j'avais peur de ne plus le voir.

- Désolé c'était peut-être abrupte, mais il fallait que je saisisse l'occasion de t'en parler. Enfin bref, fais comme tu veux, comme tu le sens. Je te soutiendrai quoique tu décides. Mais dans tous les cas, profitons de ces deux jours ensemble.

Il me prit la main, ce qui m'apaisa soudain. Je n'étais pas seule. Nous reprîmes notre chemin en souriant et organisant notre séjour tandis que les deux autres devant, toujours aussi insouciants, riaient et bondissaient sans s'arrêter. Andromède se retournait souvent pour s'assurer que nous -que je ?- étions toujours là. Elle semblait si heureuse que cela me faisait oublier le vent glacé qui fouettait mon visage. En plein hiver, je n'avais bizarrement pas froid.


CollisionsWhere stories live. Discover now