36 - Macchiato caramel-banane

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Andromède

9h55.

- Au fait, je reste pas à la pause avec toi, je vais voir mon copain, me prévint Iris tandis que nous rangions hâtivement nos affaires à l'entente de la sonnerie.

- Moi non plus de toute façon je ne reste pas ici, lui souriai-je.

Elle me regarda avec étonnement, les sourcils relevés qui disaient « comment se fait-il que tu aies autre chose à faire que rester seule dans le couloir du prochain cours? ». Je ne répondis pas à ses sourcils, après tout, ça ne les regardaient pas, et puis, Iris ne me croirait même pas si je lui disais que j'allais rejoindre trois illuminés au café.

On se quitta sans regrets au portail, avec des sourires qui nous reliaient à plus tard, et prîmes chacune une direction opposée.

Je me mis à marcher avec hâte dans un froid qui mangeait le bout de mes doigts, et, après quelques centaines de mètres, retrouvai la devanture qui me réchauffait. La première chose que je remarquai en rentrant fut cette grande chevelure blond vénitien qui riait avec de fines épaules recouvertes d'une veste en jean gris. Ophélia était déjà là. D'habitude, j'arrivais toujours avant elle. Je jetai un coup d'œil à l'horloge : je n'étais pas en retard, elle était en avance.

Je m'approchai d'eux sous les yeux joyeux de Mercutio, et de Tom, qui se retourna, me souriant déjà. Je pris place en face d'Ophélia, qui me caressa de son regard levé quelques instants de sa boisson chaude. Les deux garçons me saluèrent gaiement en me plongeant dans leur débat sans attendre.

- Tiens ! Andromède va nous départager, puisque princesse Ophélia ne se prononce pas...

- Je me prononcerai si vous n'étiez pas de sombres idiots, marmonna la concernée en buvant dans sa tasse.

- J'ai rien entendu à ce qu'elle a baragouiné perso, l'ignora le blond. Bon, reprit-il en me regardant, réponds sincèrement. J'ai des airs du Professeur Tournesol non ?

- Euh... hésitai-je, le vieux sourd chauve dans Tintin ?

- Exactement ! S'illumina-t-il.

- Pauvre imbécile, t'es carrément Dupont ! répliqua Tom. Aussi idiot. Ou Dupond, à ton aise.

- Pfff non mais n'im-por-te quoi ! s'emporta Mercutio.

Et c'était parti. Ils continuèrent leur fracas tandis que je les mettais en sourdine.

Mon amie me regarda avec un air de compassion mais un doux sourire aux lèvres. Elle faisait mine d'être exaspérée mais je devinais bien qu'elle était parfaitement à son aise, et légère, avec nous. Comme nous tous, me semblait-il.

Je parcourais des yeux la table: un café viennois chantilly qui désaltérait le bouclé, un café noir pour requinquer le Major, et...

- Aujourd'hui c'est un macchiato caramel banane, m'éclaira Ophélia en remarquant mon œil interrogateur. Tu ne prends jamais rien Andromède, alors au moins pour cette fois, vraiment, pour ta survie sur cette planète, prends ce délice.

- Non, merci, Ophélia, déclinai-je poliment.

- Et si je te le paie ? proposa-t-elle.

- Merci, je n'ai pas très soif.

- Alors, tu peux au moins goûter si tu veux, me tendit-elle son breuvage étrange.

Ça avait tout l'air d'une tentative d'empoisonnement. Macchiato caramel banane ? Qui avait inventé une telle horreur ?

- Ne t'approche surtout pas de cette abomination, me confirma Mercutio.

Mais, devant la bienveillance et la conviction du bras tenu d'Ophélia, je pris la tasse et la portai directement à ma bouche. Quand tout à coup... Rien en fait. C'était tout simplement délicieux. Ophélia rit alors l'air de dire « je vous l'avais dit », et le blondinet se jeta dessus à son tour.

- Hého, non, pas toi, dit-elle en récupérant sa tasse avant qu'il ne la porte à ses lèvres. T'as déjà ce qu'il te faut.

Elle me fit un clin d'œil avant de finir son breuvage d'un coup.

- Hmm, un délice, se lécha-t-elle les lèvres.

- Maudite sorcière, marmonna Mercutio.

_____

Ric

Je ne sais pas pourquoi le monde est toujours contre moi. Ne pas me laisser goûter un délice de la nature ? Comment osait-elle.

Je continuai à débattre avec Tom et fureur.

Moi ? Un détective maladroit à moustache ? Jamais. Je dirais même plus, ja-mais.

Lancinant mes pensées tout seul dans ma tasse de café, je n'entendis pas comment mon meilleur ami et Andromède se mirent à parler de foutus jeux vidéos. Ophélia essayait de participer à la conversation, bien qu'elle ne s'y connaissait pas, mais je ne pouvais pas m'abaisser à ça.

- Bon Dupont tu peux pas arrêter de souffler deux secondes, m'envoya Tom à la tronche. Ça commence à faire des bourrasques.

- Bourrasque toi-même.

- Mercutio, je suis sûre que ce jeu te plairait, intervient Andromède.

Comme c'était elle, je ne fis pas plus de remarques éclairées, et décidai de l'écouter.

- C'est un jeu d'aventure, continua-t-elle, où on est en pleine mer sur notre bateau pour amasser le plus d'or et de trésors possible...

- Un jeu de pirate?! M'intéressai-je soudain.

- Oui, un jeu de pirate ! Affirma-t-elle en souriant.

C'était cool mais pas assez pour me faire rester devant un ordinateur plus de cinq minutes. Ils continuèrent d'en parler sans que je n'écoute plus que ça, à part un moment où Tom nous a proposé de venir chez lui y jouer.

- Aucune chance que je repose un pied chez toi, refusai-je. J'ai failli y passer la dernière fois, heureusement qu'Andromède m'a sauvé.

- La dernière fois ? S'étonna Ophélia qui n'était pas au courant de notre escapade.

- Longue histoire, boudai-je encore.

Andromède accepta l'invitation du Major avec plaisir, quand vint l'heure de nous séparer. Nous nous levâmes en traînant des pieds, pour rejoindre notre prochain cours, en se promettant d'être là jeudi prochain. Pourquoi on ne pouvait pas simplement rester là à discuter toute notre vie? C'était toujours trop court. Peut-être accepterai-je de remettre les pieds chez Tom, au final.

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