40 - Amoureux

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Ric

- Vous avez parlé de quoi pendant notre absence? Interrogeai-je mon ami en chuchotant tandis que les filles étaient dans la cuisine.

- C'est plutôt à toi qu'il faudrait demander, rétorqua Tom en arquant le sourcil.

- Je lui ai dit mon vrai prénom, soupirai-je.

- WOW, s'écria Tom, t'as pas fait ça ? T'es amoureux alors, c'est sûr.

- Je sais pas, dis-je sincèrement. Je pense pas. Et toi ?

- Je pense pas non plus, répéta-t-il. Ophélia s'est sentie obligée de parler de choses sérieuses. Elle a remis notre histoire sur le tapis. Tout est clair maintenant, ça fait un moment, c'est oublié. Ça fait du bien de se revoir en amis. Mais ça fait quand même bizarre... Le temps apaisera tout ça.

On s'enfonça tous deux dans le canapé, côte à côte, fixant le vide.

Les filles ne tardèrent pas à revenir avec moultes boissons, c'était le moment de nous rebooster. Tom et moi nous jetâmes sur les bières, ce qui fit ricaner Ophélia. Andromède quant à elle avait perdu tout le rouge de ses joues et semblait relaxée. Incroyable.

Ophélia lui tendit une bière qu'elle avait décapsulée avec un briquet -alors qu'il y avait un décapsuleur, non mais on est à quel niveau de crânerie là- et Andromède la prit sans rechigner en buvant quelques grandes gorgées sans s'arrêter. Nous la regardions tous avec attention, figeant nos mouvements, quand elle reposa la bière à moitié vidée.

- Et ben quelle descente, m'impressionnai-je.

- Oh, excusez-moi, dit-elle toute confuse. Je n'ai pas pensé à trinquer.

Elle leva sa bière, et Ophélia entonna un toast simple et efficace :

- À ta première bière, ma belle!

- Hein quoi ? S'étouffa Tom qui n'eut pas le temps de continuer car nous portions déjà tous - Andromède comprise- notre goulot à nos lèvres.

Après quelques gorgées nous rigolâmes tous en chœur et en joie. C'était tellement bien de se retrouver nous quatre chez Andromède. Sans limite de temps ni de chaises. Je me sentais à ma place. Parmi trois adorables bouilles aux sourires étoilés.

Si, j'étais amoureux. Je m'apercevais que j'avais menti à Tom. J'étais amoureux de grands yeux-galaxies, remplis de gentillesse qui me parlaient doucement d'espoir. J'étais amoureux de longs cheveux blonds ou roux, dansant à un rythme imaginaire qui me remettaient dans les rails à chaque fois que je me perdais. J'étais amoureux d'une amitié si forte ancrée dans un grand sourire, et qui scintillait tous les jours sur des mots mis en bazar. Mais ça jamais je ne lui dirai -et surtout pas de cette façon, ça fait un peu trop gay quand même. Je regardai Tom qui plaisantait avec les deux filles, et me dis que, je n'aurais jamais pu trouver un si meilleur ami.

Tout plein de joie débordante, je me levai  en un cri de cow-boy. La discussion en cours que je n'avais pas du tout écoutée s'arrêta pour me regarder. Mes visages préférés étaient levés vers moi, et à leur grande surprise, je les pris tous tout d'un coup dans mes bras, sans écouter leurs protestations de douleur.

_____

Andromède

Icare avait vraiment pété un plomb. Il avait l'air d'un fou furieux. Encore plus que d'habitude, je veux dire. Mon regard s'arrêta sur sa bouteille de bière dans laquelle il n'avait bu que deux ou trois gorgées. Non, ce n'était pas l'alcool. Et je le comprenais. Tellement. Je me laissai alors aller dans ce câlin plus que désordonné où des bras, des cheveux, des têtes se coinçaient n'importe où. Ophélia protestait, Tom criait à l'aide, et je me suis mise à rire comme je n'avais jamais ri. Pire que la fois où j'avais pris Mercutio à son propre jeu en lui déballant une suite de mots infinie. Cette fois, je riais de joie. Et c'était mille fois plus beau que tous les rires du monde.

Une fois dérivés au sol tellement Icare nous avaient malmenés d'amour, Tom, emmêlé aux cheveux d'Ophélia et à mes jambes, soupira:

- Bon, Ric, commença-t-il en se dépêtrant. Qu'est-ce qui t'arrive ?

- Ben je voyais que j'étais pas le centre du monde alors j'avais juste envie de vous attaquer. Répondit-il d'un air innocent.

Je croisai son regard, et je compris qu'il avait comprit que j'avais compris. Je lui souris et il me fit un clin d'œil. Bien sûr il ne dirait jamais à haute voix ces sentiments dégoulinants devant tout le monde. Nous nous étions relevés tant bien que mal et nous rasseyions sur le canapé et les poufs autour, tout en rafistolant nos cheveux et notre apparence.

- Ric ? s'étonna Ophélia en ignorant le reste. Depuis quand on a le droit de t'appeler Ric ?

- Depuis que j'ai tout dit à Andromède, répondit-il en me faisant un nouveau clin d'œil.

Mais cette fois-ci je ne réagis pas car cela ne me plaisait pas trop qu'on ait tous ce secret et qu'il n'y ait qu'elle qui soit en dehors. Pourtant je ne lui dirai rien car cela n'était pas mon secret, et que j'avais promis de le garder. Icare.

- Bon les potes, lança Tom. On fait un truc : giga playlist avec toutes nos musiques préférées. Qui a une enceinte ?

Il n'aurait pas cru que cette bienveillante proposition signerait son arrêt de mort. Ophélia et Icare tournèrent tous les deux leurs têtes en même temps pour croiser leurs regards acérés.

Ils se levèrent tous deux brutalement, coururent vers leur sac qui étaient posés dans un coin, et en ressortirent Ophélia son téléphone et Icare sa petite enceinte.

Chuchotant des mots imperceptibles entre deux pouffements de rire, ils commencèrent leur coup. Ils connectèrent le téléphone, quand un accompagnement de guitare sèche commença à gratter quelques accords.

Ils se rapprochèrent lentement et chantèrent solennellement en même temps que David Bowie : «Ground Control to Major Tom...»

- Oh non pas encore, pitié, supplia Tom en basculant tout son corps dans le canapé. Arrêtez-les ou tuez-moi.

Au bout de quelques secondes de sérénade passionnée des deux blonds, et de rires de ma part, Tom se releva du canapé à l'annonce du refrain arrivant et me tendit la main.

- On est obligés, non ? Me dit-il en un doux sourire.

J'acceptai sa main une fraction de secondes pour qu'on se lève tous les deux, puis l'on se mit à danser, comme la première fois chez Ophélia. Rien n'avait changé, à part que je l'aimais encore plus. Avec eux j'arrivais à me détendre, à laisser mon corps s'exprimer, et même à chanter avec le yaourt d'anglais d'Icare rattrapé par les paroles exactes d'Ophélia.

Quand la musique fut finie, Tom poussa un soupir de soulagement que je savais fictif : il avait adoré ce moment. Et c'est ainsi que les musiques défilèrent, nous révélant, et nous exaltant. Nous ne fîmes qu'une pause dans nos danses pour manger les pizzas qui arrivèrent. Pour une fois, Icare et Ophélia étaient toujours d'accord : il poussa même un cri suraigu en sautant sur place quand elle mit du Britney Spears. Ça faisait plaisir de les voir chanter et faire des chorégraphies endiablées tous les deux. Faut dire qu'on avait enfin la paix. Tom et moi nous posâmes sur le canapé, et tandis que je mettais ma tête sur son épaule, mon regard se perdit sur des Converses sautillantes et une robe virevoltante.

CollisionsWhere stories live. Discover now