Prologue - Je marchais dans la nuit

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Andromède

Je marchais dans la nuit en espérant rencontrer une âme. Pourtant le chemin restait noir et la ville moins bruyante que celle dans ma tête; ces pollutions qui s'entrecroisaient et ne pouvant faner... mes pensées flânaient et je me traînais sur ce pont en essayant de ne pas trébucher malencontreusement, bien que je ne pensais qu'à ça.

Un inconnu sur l'autre rive et mon cœur tambourine, enfin quelqu'un pour me supplier de ne pas tomber... Sa silhouette sombre en jaune-obscur lampadairien marche vers moi. J'imagine une jolie fille au joli sourire emportant ma vie avec la sienne, me faisant rire toute la nuit puis tout le jour suivant puis encore la nuit d'après et le jour qui viendra... Je ne sais pas quand nous pourrions dormir. Ou alors un garçon aussi brisé que moi, et on essaiera de se reconstruire sur des morceaux de porcelaine... Oui ce serait beau ça, des amants déchirés qu'on répare à la colle forte sous des draps protecteurs, en se lisant des histoires et en espérant beaucoup à deux.

Il ou elle était maintenant tout près, je me fis violence pour ne pas me retourner pour voir son visage. Quoiqu'il en soit, je savais qu'il allait s'arrêter, peu importe ce que je découvrirai après, il ne pourrait pas continuer simplement son chemin...

Mais c'est mon cœur s'arrête et ses pas qui m'ignorent. Quelle idiote.

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Ric

Je marchais dans la nuit mais c'était pas assez rapide et puis j'aime pas trop marcher alors je me suis mis à courir. Ouais c'est con j'avais pas réfléchi, je venais de remporter mon match de tennis et j'étais exténué d'avoir joué toute la journée mais faut croire qu'il me restait un peu d'énergie, alors autant l'utiliser. Donc je me tapais un sprint pour rentrer chez moi - bon ok pas un sprint mais j'y allais pas en trottinant quoi - avec mon énorme sac de sport balancé sur mon épaule, mon sac à dos... sur le dos, et mes baskets aux lacets à moitié défaits. Je risquais de trébucher et de m'éclater par terre ou de me prendre un poteau en pleine figure parce qu'il faisait trop noir pour discerner quoique soit, mais bon, j'ai l'amour du risque! Puis faut avouer que j'avais hâte de rentrer chez moi parce que ça va, une journée de rester raconter l'univers à des gens qui s'en tapent, mais pas une minute de plus. Je comprends pas comment les gens peuvent ne pas être intéressés, par toutes les choses ou la vie en général. Je me demande s'ils s'ennuient pas dans leur quotidien... bon après ils viennent faire des matchs pour passer le temps sûrement mais c'est pas plus d'une fois par mois. Puis il faut pas le regarder passer le temps, faut l'apprivoiser, faut le dompter, faut le conquérir! J'avais pas remarqué mais j'avais accéléré en même temps que mes pensées alors je suis déjà devant ma porte. Enfin, «déjà», tout est relatif parce que c'était long ces entre-matchs à rester assis à côté de gens qui savent juste respirer. Voilà ce que j'ai oublié de faire avec mes histoires, respirer, alors maintenant j'ai un gros point de côté, en plus d'être tout suant.

Je fouille dans la petite poche de mon sac: des épingles à nourrice, le carnet que ma petite sœur m'a offert pour mes 17 ans, mes écouteurs, mon carnet, des cailloux du bord de la rivière, des sachets de sel, des tickets de caisse de métro de train de cinéma, elles doivent être par là...

Mes clefs étaient restées dans le vestiaire. Quel idiot.

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Ophélia

Je marchais dans la nuit mais pas vraiment droit, enfin d'après les rires de mes amis qui eux aussi zigzaguaient entre des obstacles invisibles dressés sur la route. Tout fusaient, les rires, les couleurs, les paroles, les paris débiles, les blagues encore pires. On était vraiment heureux et vraiment soûls. Je sais plus ce que je faisais, peut-être que c'est à ce moment là que les yeux de Sarah s'attardaient un peu trop souvent sur mes lèvres, ou alors quand je faisais des roulades sur le goudron, ou peut-être quand je chantais un peu trop faux... Mais en tout cas Tom m'a dit d'arrêter de faire n'importe quoi. Il n'était pas mieux lui avec un caleçon sur la tête, allez savoir comment il était arrivé là-haut. Tout ce que je voyais, ressentais, me rendait heureuse. Puis on commençait à vraiment rire avec Tom, on s'était embrassé plus tôt dans la soirée, il avait semblé aussi heureux et aussi soûl que moi. Ça marchait plutôt pas mal entre nous, je commençais à croire que j'étais un peu amoureuse de lui. Tout tanguait et on s'est mis à danser n'importe comment et à vivre n'importe comment. Justement on vivait, et pour rien au monde je n'aurais changé ce moment.

On s'était assis en petit groupe dans un parc pour jouer à un futile jeu d'alcool, comme si on en avait réellement besoin. Et puis, soudain, pour je ne sais quel gage, Sarah s'est levée et m'a demandé si elle pouvait m'embrasser. Ses beaux yeux noisettes que je voyais pourtant en double avaient eu raison de moi ; je n'aurais pas pu y résister. Je ne me rappelle que de la sensation de ses cheveux bouclés sur le dos de ma main, et de son sourire sur mes lèvres. Euphorique, je m'étais relevée en lui disant qu'elle était absolument merveilleuse. Elle avait alors mimé une demande en mariage que j'acceptais en un éclat.

En rejoignant le cercle de nos amis en trébuchant, j'eus la sensation étrange d'un manque. Je regardais alors tout autour de moi et...

Merde. Tom était parti. Quelle idiote.



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