Collisions

8 - L'Étoile Polaire

Ric

Vers 14 heures, un peu avant que la sonnerie annonce le début des cours de l'après-midi, je discutais dans le couloir avec ma pote Lucille. Quand, soudain, on entendit un taré crier dans le couloir. Étant obnubilé par la discussion, je n'avais pas fait attention. Mais l'énergumène cria une seconde fois: «ARTHUUUUUUR !». Tout le monde me regardait et je ne comprenais pas. Pourquoi me regarder moi alors que y a un mec qui gueule dans le couloir ? Sérieux j'ai rien changé de d'habitude, je suis toujours hyper beau gosse mais voilà, les gens sont assez discrets en temps normal. Et puis, c'est pas comme si je m'appelais Arthur... Et merde.

Je me retournai et vis Tom se rapprocher vers moi en courant. Il était essoufflé et j'ai pas trop apprécié ce moment ; d'avoir une bête féroce foncer vers moi sans faire l'effort d'utiliser mon patronyme... Arthur tout seul ne signifie rien. À part si à la limite je voulais qu'on me confonde avec le roi Arthur, mais même là il manquerait le titre de «roi» avec parce que, ouais, en fait y a jamais de «Arthur» tout simple. À part vendredi tout est permis avec ARTHUR... ok non en fait on oublie.

C'est un Tom tout suintant qui m'a secoué en criant:

- « ARTHUR » ? COMMENT ÇA « ARTHUR » j'ai rien compris moi, de quoi j'ai eu l'air, t'aurais pu choisir un nom plus reconnaissable, plus stylé, POURQUOI?

- AR-THUR-RIM-BAUD! Ça marche définitivement pas Arthur tout seul, me défendai-je tant bien que mal.

- Wooow ok fallait le chercher celui-ci, réalisa-t-il en portant sa main à son front. Euh mais elle non plus n'a pas forcément compris le Arthur-tout-seul, je pense que c'est pas ton meilleur surnom.

- Comment ça ? Quoi, de quoi tu parles ? Et pourquoi t'as couru? demandai-je, perdu et affolé.

- Mec y a Andromède assise sous le préau, dit-il d'un air solennel. Quand tu sors de la grande porte, si le poteau c'était le Nord, elle serait à l'Ouest. J'ai fait de mon mieux, la loupe pas. J'espère qu'elle n'est pas partie, m'annonça t-il d'une traite avant de me mettre ses mains sur mes épaules et ses yeux dans les miens. En rames, moussaillon.

Tom a toujours le don de dramatiser. Le problème c'est que, moi aussi. C'est peut-être pour ça qu'on est amis. On fait des montagnes de n'importe quelle situation. Il avait intégré comme mission de me faire retrouver Andromède : il ne l'avait pas prise à la légère. Et puis, après tout ce temps sans la croiser, je me demandais bien si je l'aurais revue avant un moment...

Je remerciai mon matelot et le laissai dans le couloir comme un coureur de relais.

_____

Andromède

J'ai eu le droit à cinq minutes de répit. Cinq minutes avant qu'un deuxième illuminé ne coure dans ma direction.

- Ouest, ouest... cherchait-il. Ouest ! Je t'ai trouvée Andromède, enfin, je t'ai trouvée ! Sans boussole, c'est comme si l'étoile du berger m'avait menée à toi eeet cette étoile est en fait un poteau, wow.

Il avait l'air d'un fou, à bout de souffle, s'asseyant de tout son poids devant moi.

- Mercutio, le saluai-je avec un sourcil levé.

- Euh yes, pour ça, je suis désolé, ouais, je m'appelle pas vraiment Mercutio...

- Arthur ?

- Non plus, répondit-il avec un léger rire nerveux. Hum ça c'est mon nom de code pour la bibliothèque, en fait c'est Ar-thur-rim-baud pas Ar-thur-tout-seul.

- Tu as besoin d'un nom de code pour... voler des livres ?

- Non, non, quoi? Non pas du tout j-je ça m'amuse c'est tout... Non je vole pas des livres, bégaya-t-il.

- Oh, alors tu as bien rendu le Rouge et le Noir ?

- Et bien... commença-t-il, paniqué.

- Je te taquine, je l'ai ton livre, le rassurai-je avec un sourire.

- Et bien c'est justement pour ça que je suis venu...

- Très bien, alors le voilà, dis-je en sortant le livre de mon sac et en lui tendant.

- Merci beaucoup, je pensais l'avoir perdu... répondit-il en le tapotant de la main.

Je lui souris et attendis quelque chose de sa part, une nouvelle frasque insensée peut-être... Mais rien, je le vis même rougir.

- Alors... À bientôt ? Dit-il enfin avant de se lever.

- Oui, à bientôt.

Et il partit sans se retourner.