56 - De la mer aux étoiles

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Icare


Je ne savais pas si je voulais me marier avec Tom ou Ophélia, pour avoir eu l'idée de nous emmener ici, ou Andromède de partager la Folie avec moi, ou simplement de marier la Mer. Icare et la Mer. Quel union merveilleuse. Je ne pouvais plus tenir sur place depuis qu'on m'avait annoncé la nouvelle. Partir. Ensemble. Voir la mer.

Dès les premières lueurs d'embruns, j'avais perdu pied. Il était impossible de m'arrêter. C'est elle qui me fait vivre, qui me donne de la force et du courage. C'est peut-être parce que je suis né au bord de celle-ci, un beau soir de printemps, dans une clinique avec vue sur les vagues. Enfin ça, c'est que j'aimais m'imaginer. Ma mère m'avait ensuite raconté qu'elle n'avait vu que la façade grise de l'immeuble voisin, pendant les longues heures où elle luttait pour me sortir de son corps.

Mais il n'empêche que j'avais grandi au bord de l'eau, et que cette grande étendue avait rythmé mon enfance. Elle avait connu mes jeux, mes amis, ma famille entière, mes pleurs, mes idées de génie, mon exaltation et ma vie. Elle m'avait vu dans tous mes états possibles, du solide au liquide, en passant par le gazeux. Je lui avais tout raconté, tout ce qu'elle ne pouvait pas comprendre, avec l'idée qu'elle m'écoutait calmement. Ou même qu'elle me répondait en vagues.

J'avais été triste de la quitter, en grandissant. Mes parents avaient déménagés et bizarrement je m'étais retrouvé voisin de l'ami que je connaissais déjà bien, Tom. Quel heureux hasard. On s'était suivis, de la mer aux étoiles.

- YOUPLA ! Criai-je soudain en bondissant, trouvant que j'avais été un peu trop silencieux pendant un trop long moment.

- Ric sérieux, c'était bien un peu de calme pour une fois, dit une Ophélia sans colère mais avec un air que je connaissais bien.

- Oh non, qu'est-ce qui m'a pris, pris-je peur.

- Oh que si Ric, ria Ophélia en se levant tout à coup du sable.

- AU SECOURS ! Hurlai-je à présent en détalant aussi vite que possible, ce qui recouvrit de sable Tom et Andromède, encore assis, qui protestaient alors que nous étions déjà loin.

Ophélia me rattrapa vite, et en un plaquage, nous nous retrouvions tous deux au sol. Moi luttant contre ses attaques répétées qui menaçaient mon ventre de chatouilles. Un combat sans merci démarra alors, et comme bien souvent nous étions à égalité alors tous les coups étaient permis.

Ce manège dura quelques minutes interminables, où je faillis mourir littéralement de rire de nombreuses fois. Puis nous nous étalions dans le sable froid, moi acceptant ma défaite, reprenant difficilement mon souffle.

- Ok... t'as gagné... je parle plus... promis.

- T'as le droit de parler, ricana-t-elle. J'avais juste envie de t'embêter. J'ai pas trop pu le faire aujourd'hui.

- Oui parce qu'à chaque fois que t'essayais, Andromède me protégeait, me moquai-je.

- Ouais, qu'est-ce que tu veux que je fasse contre elle toute façon, c'est notre boss final à tous.

- C'est pas faux.

On observait alors la fin du coucher de soleil, fatigués.

Cette journée avait été chargée. Ophélia et Tom n'avaient pas fait les choses à moitié. On était allé au restaurant, on avait visité la ville, on avait assisté à un mini concert dans un grand parc, où Ophélia avait dansé avec toutes les personnes présentes, on avait pris des photos, et, surtout, on avait fait un tour en bateau. C'était un simple bateau de visite, une heure sur les flots, avec beaucoup d'inconnus. Mais, pendant quelques moments, il n'y avait eu qu'Elle et moi. La mer surplombant mon monde, effaçant tout le reste. Je m'étais senti plus vivant que jamais. Les cheveux devant les yeux, le vent fouettant mon corps en entier, les vagues caressant la coque du bateau et toute mon âme avec. Le sentiment d'absolu. C'était un merveilleux cadeau que mes amis m'avaient offert, et je ne savais pas si ils s'en rendaient bien compte.

- Merci pour cette journée, dis-je enfin.

- Avec plaisir, Ric, sourit Ophélia en tournant son visage vers moi.

- C'était exceptionnel. Tu peux pas savoir combien j'ai apprécié le tour en bateau.

- Oh que si, je peux savoir. T'aurais vu ta tête. Même ton café tu le dévores pas à si grandes goulées.

- Et Dieu sait à quel point j'aime le café.

- Ouais. Ça nous a fait tellement plaisir de te voir comme ça, dans ton élément.

- Moi aussi ça m'a fait plaisir...

Nous fûmes soudain coupés par les grands cris de Tom, au loin, qui hurlait le nom d'Andromède.

Ophélia se leva d'un bon, observant la scène qui se passait à quelques dizaines de mètres de nous.

- Nom de dieu c'est pas vrai.


_____

Ophélia


Je n'avais jamais autant détesté Tom qu'à cet instant. J'avais enfin un moment doux avec mon Ric, et lui n'avait pas pu retenir la furie. Et cette fois-ci, la furie, c'était Andromède. Je la voyais courir au loin, poursuivie par Tom avec une légère latence qui avait sonné son échec à la retenir.

Andromède sprintait vers la mer, se déshabillant au passage, sans faire attention à aucun regard ni à aucun sens logique. Je me ruais alors moi aussi dans sa direction. Je ne savais quelle mouche l'avait piquée, mais elle semblait bien déterminée à prendre un bain, en sous-vêtements, dans une eau glacée. C'était peut-être elle que je détestais sur le coup au final, plus que Tom. Son inconscience me mettait en rage. Et je ne voyais aucune raison logique à son action.

Mais, même en courant, j'arrivais bien sûr trop tard. Elle rentra dans l'eau, ne ralentissant pas son allure, sous l'œil de Tom qui s'était arrêté à la frontière des vagues et du sable.

- Andromède t'es malade ! Lui criait une dernière fois Tom, avant de se calmer pour entrer dans un grand rire. Andromède !

Il criait désormais son nom avec toute la joie du monde. Andromède riait elle aussi aux éclats, à travers les vagues, quand enfin nous arrivions, Ric et moi, à hauteur de Tom.

- C'est dangereux Andromède ! La grondai-je avec inquiétude. Il fait quasiment nuit et tu vas mourir de froid ! Si tu finis pas noyée !

- Ophélia, regarde, tout va bien, ria-t-elle encore en s'éclaboussant elle-même. J'ai tellement d'adrénaline que je ressens même pas le froid, c'est ça le secret !

Elle était désormais à une bonne distance de nous, nageant finalement dans l'eau.

- Reviens de suite ou je vais être obligée de venir te chercher ! Criai-je encore.

- Viens si ça te chante ! Répliqua-t-elle pleine d'insolence.

- Dites quelque chose... soupirai-je aux deux garçons auxquels je remarquais un grand sourire aux lèvres.

- Je crois... commença Ric, je crois qu'elle a été contaminée par ma folie marine.

Ils se mirent tous deux à rire, au rythme des cris de joie de notre amie.

- Détends-toi, elle est là, on la surveille, me rassura Tom.

- Qu'est-ce qui lui a pris ? Lui demandai-je.

- Je sais pas, on discutait, et elle a dit qu'elle voulait se baigner. Tout simplement. J'ai essayé de la retenir mais j'ai pas pensé un seul instant qu'elle le ferait alors j'ai pas été assez réactif.

Je soupirai, toujours stressée mais admirant maintenant la folie et la joie de mon amie.

- C'est toi qui me l'a appris, Ophélia ! Me cria Andromède.

- De quoi ?

- L'Insouciance !

Je ruminais alors sur son malice. Elle savait exactement quoi me dire. Je me promis de lui en vouloir toute notre vie pour ça, mais la laissa profiter quelques instants de plus.

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Dans l'infinie salée et le ciel étoilé, je vis vivre Andromède.


CollisionsWhere stories live. Discover now