31 - Pétunias blancs

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Andromède

Après quinze minutes à marcher tous les deux en quasi-silence timide et hâtif jusqu'à devant chez lui, il se mit à s'agiter dans tous les sens, cherchant dans toutes ses poches une par une -et dieu sait qu'il en a un paquet!- avant de lever de grands yeux vers moi : il avait oublié ses clefs.

J'étais assez amusée de la situation, qui était bien fidèle au tête en l'air qu'il était, mais à la fois un peu inquiète : devrais-je déjà rentrer chez moi, seule ? Je le regardais paniquer et chercher dans un pot de fleur, sous une dalle, grimper sur un rebord de fenêtre pour scruter chaque recoin...

- Bon, je dois m'y résoudre, se résigna-t-il en redescendant de son perchoir. Mes parents n'ont pas la même intelligence que moi, je pense que je suis le fils du facteur et de la factrice. C'est quand même logique : il faut TOUJOURS avoir des cachettes secrètes un peu partout ! Oui, je suis un idiot irrattrapable, et il n'y a personne pour nous ouvrir jusqu'à 18h, dans une heure donc. Cependant mes parents, qui me prennent pour un taré, ils manquent pas mal de jugeote eux aussi. Il faudrait qu'ils soient assez perspicaces pour se dire que leur fils est tout à fait capable de ne pas pouvoir rentrer à la maison avec toute sa tête. Bref, tu n'habites pas loin, si ?

- Pas trop non, mais à pieds si. Répondis-je vaguement, au cas où il me dirait que je n'avais plus qu'à rentrer.

- Et on ne pourrait pas... par hasard, attendre chez toi ? Tenta-t-il, l'air dépité mais hésitant.

- Ah, non, je suis désolée. Annonçai-je clairement.

Je préférais mille fois rentrer seule sous n'importe quel temps que de le ramener à la maison. En plus, j'avais dit à ma mère que j'étais avec mon copain... La honte.

- Bon, et bien super, reprit-il, hum ben je suppose que je vais attendre devant ma propre maison quelques heures, seul... Ou alors je vais peut-être attendre chez Tom, tiens, bonne idée.

- Chez Tom ? Relevai-je.

- Bah ouais, il habite au bout de la rue. Seulement, ses parents ne m'aiment pas beaucoup alors c'est...

- Attends, si Tom habite si proche, pourquoi on se prend la tête ? Le coupai-je.

- Ouais, bonne question. Sortit-il sans bouger d'un poil: il n'avait rien compris, je devais alors forcer un peu.

- Et bien, on pourrait y aller tous les deux, chez Tom, proposai-je avec tout mon courage.

_____

Ric

J'étais un idiot mais Andromède rattrapait le coup avec brio. Je n'aurais jamais pensé à l'embarquer chez mon meilleur ami.

On marchait alors, le sourire aux lèvres d'une nouvelle aventure. Tom n'avait pas pas répondu à mes appels urgents : nous étions donc contraints de sonner et de potentiellement se présenter à ses parents.

- Pourquoi ils ne t'aiment pas ses parents? Me questionna Andromède.

- Ah, ça, c'est une très bonne question ! m'amusai-je, ravi d'avoir à y répondre. Tu vois, ils sont un peu... coincés du cul, si je puis me le permettre.

Elle émit un léger rictus en me me regardant, alors que nous marchions toujours côte à côte.

- Il faut dire que Tom et moi, on forme une sacrée équipe, et ce depuis qu'on est tout petits. Et... ils ont mal pris quelques unes de nos frasques. Pour eux, leur petit Tom d'amour est un gentil bonhomme irréprochable, et moi, le diable en personne. Ils pensent que je suis le cerveau de nos bêtises mais... C'est pas moi qui me suis cassé le bras en faisant du vélo dans leurs escaliers quand j'avais 8 ans.

- Ah oui quand même ! s'étonna-t-elle. Il aurait pu se faire bien pire.

- Ouais, mais ça nous faisait bien marrer. Répondis-je fièrement. Et c'est pas le pire qu'on ait fait. Le moment où ils ne m'ont plus jamais acceptés chez eux, c'est quand, collégien, j'étais venu dormir dans leur belle demeure. Dans la nuit avec Tom, on a voulu grimper sur le toit pour regarder les étoiles comme dans les films ! Sauf que ça se passe pas comme dans les films. Déjà, on avait pas de petites amies. Ensuite, en voulant monter en premier, et n'ayant pas pris d'échelle, j'ai essayé d'escalader la gouttière. Mais, arrivé en haut, elle s'est décollée.

- C'est pas vrai ! s'exclama Andromède, sûrement étonnée que je sois encore là pour en parler.

- Donc j'ai réussi à me hisser sur le toit car j'étais déjà presque arrivé avant qu'elle ne tombe. L'énorme fracas et le cri de fillette de Tom toujours à terre a alerté ses parents. Son père a sorti la tête de la fenêtre la plus proche -qui était sa chambre- à l'étage, et m'a vu là haut. Il m'a crié de me suspendre afin de me glisser dans ses bras, heureusement pour moi d'abord préoccupé par ma vie que par celle de sa gouttière. Sa mère pendant ce temps a appelé le samu, le samu t'imagines ça ? Quelle comédie !

Elle se tenait en bas avec une grande couette au cas où je tomberai... Ouais dans la hâte y avait pas mieux. Mais, en me déplaçant pour rejoindre le père, j'ai fait glisser une tuile... Qui s'est fracassée sur le sol. Je me suis dit que si je survivais du toit, je me ferais assassiner froidement par papa-Tom. Mais bon, il avait bien le droit à sa vengeance, alors j'ai réussi à atteindre ses bras. Finalement il m'a pas tué.

- Je vois bien... fit-elle en ricanant.

- Bref, j'y suis pas retourné depuis ça. Une gouttière et des tuiles. Probablement la vie de leur fils si j'avais été au bout de mes desseins diaboliques. Ils m'évitent à tout prix. Pas de chance pour eux, Tom et moi c'est l'amour fou. Et puis, ils veulent pas voir que Tom est pareil que moi. Quand j'étais sur le toit et que son père criait, ils ont pas vu qu'il était pété de rire... Voilà, on est arrivé.

Je m'arrêtai brusquement devant la grande maison blanche aux volets marrons. J'aurais bien voulu y jeter deux ou trois pots de peintures colorés. Mais bon, j'avais déjà été la cause de beaucoup trop de travaux dans cette baraque.

- Je comprends mieux le «coincés du cul», lâcha Andromède en me provoquant un rire.

Ça m'avais surpris de sa part mais, on pouvait pas dire le contraire. La maison était cubique, sans charme, tout était symétrique, la boîte aux lettres grise austère, le portail gris austère, et les gravillons gris austères. Oui, c'était sûrement une couleur qu'ils avaient inventé.

Rien ne dépassait dans le jardin : la haie taillée au millimètre, des pétunias blancs bien rangés aux bords de l'allée qui finissait sur deux voiture noires scintillantes. La seule chose qui donnait un peu de pep's à tout ça c'était la verdure éclatante de la pelouse... qui était elle aussi parfaitement tondue.

Bref, tout ce que je n'aimais pas. L'ordre et la clarté.

Je pressai la sonnette de l'interphone qui se trouvait sur le portail, quand Andromède me poussa soudain.

- Laisse moi faire, m'assura-t-elle en se plaçant devant l'interphone.

- Oui, qui est-ce ? Surgit une voix grave de l'appareil.

- Bonjour monsieur, je suis Andromède, une camarade de Tom, nous avons un travail à faire ensemble et je n'arrive pas à le joindre. Je passais par là alors je me suis permise de venir prendre des nouvelles.

- Très bien mademoiselle, je vous ouvre le portail, vous pouvez rentrer, je vais appeler mon fils.

- Les doigts dans le nez ! Souria-t-elle quand les grésillements de l'interphone s'arrêtèrent.

- Ouais, super mais... Tu n'as pas dit que j'étais là.

- Tu crois vraiment qu'il nous aurait ouvert sinon ? Rétorqua-t-elle. Il aurait trouvé une excuse, ou dit que Tom n'est pas là.

- Bien vu... lui accordai-je tandis qu'elle entra en première dans la propriété.

CollisionsWhere stories live. Discover now