Chapitre 36 - 16h24

77 22 7
                                    

Ce fut d'abord un coup qui percuta l'entrée et qui rappela à Julie que quelques heures plus tôt, c'était une créature assoiffée de sang qui s'était acharnée dessus. Sauf que comme pour la tempête, elle n'avait vu aucune trace de son passage. Comme si tout n'était arrivé que dans son esprit. Mais cette fois-ci, Julie savait que la frappe des agents fédéraux était bien réelle. L'Ombre allait enfoncer la porte. Et ensuite quoi ? Quelles étaient leurs intentions en l'absence de Will ? À croire qu'ils avaient cherché un moyen de l'appâter ailleurs.

Julie s'angoissait.

Tu te doutes de ce qu'ils sont venus chercher, intervient sa conscience, un brin effrayé. Sarah dit toujours que tu es un peu lente d'esprit ; mais cette fois, tu le sens et cela te fait peur... Le pire, c'est que je crois que tu as raison.

La jeune femme recula de plusieurs mètres et s'approcha du prêtre, qui paraissait si vulnérable. Elle secoua la tête et chassa les idées qui la tétanisaient. Tout cela était absurde. Elle devait faire une erreur. Elle ne pouvait pas être celle pour qui l'Ombre attaquait.

Au contraire, fit sa conscience. Ne vois-tu pas que tout tourne autour de toi ? Will vient depuis l'autre côté pour toi. Une créature surnaturelle en a après toi. Et, les agents sont là aussi pour toi. Je crois que tu es la clé de toute cette histoire.

C'était l'idée la plus absurde qu'elle ait eue. Lorsque Dave Trimax avait parlé avec Will, l'agent ne lui avait pas accordé un regard. Il devait forcément y avoir une autre explication. Julie ne pouvait pas être celle que les agents désiraient. Cela n'avait pas de sens. Elle n'était personne. Pourquoi l'Agence Gouvernementale s'intéressait-elle à elle ? Julie n'avait aucun renseignement, ni sur Luciano ni sur les Grands Domaines. Même en cas de capture, elle ne pouvait aider les fédéraux à pénétrer dans l'autre monde car elle ignorait tous les moyens d'accès.

Je dois me tromper. Ils ne peuvent pas en avoir après moi.

Une nouveau coup percuta la grande porte, plus puissant. Julie tremblait. Elle ne savait pas si ses tremblements étaient dû à ses vêtements mouillés ou si c'était la peur qui la rongeait. Elle retourna s'installer près du prêtre. Qu'aurait-elle pu faire d'autre ? Elle remarqua qu'il paraissait tellement fatigué. Elle l'observa en silence, tandis qu'une troisième frappe s'abattit sur l'entrée pour la fragiliser. Elle ne pouvait rien faire qu'attendre et espérer le retour de Will. Mais, le Père Pascal l'inquiétait davantage. Elle ne s'en était pas aperçue avant mais elle fut stupéfaite de constater à quel point il était maigre. Il avait la peau brunie, marquée par de profondes rides, et surtout on voyait les os de son crâne à travers la finesse de ses traits. Il paraissait terrifié, fatigué. Et peut-être aussi malade. Julie écarquilla les yeux quand elle comprit. Il n'était pas seulement épuisé. Non, il était à bout de force. Ce fut comme s'il n'avait même plus assez de force pour se relever et qu'il allait mourir, là.

— Tout va bien, mon Père ?

Julie peinait à croire ce qu'elle voyait. Le Père Pascal ne ressemblait plus en rien avec l'homme vigoureux qui avait bravé la tempête pour venir la chercher. Elle eut même l'impression que la vie l'abandonnait.

— Ca va, répondit-il, en esquissant un sourire.

— Pardonnez-moi, mon Père mais... vous dépérissez.

— Ne vous inquiétez pas, dit-il lentement en se forçant de respirer entre chaque mot. Cela me fait toujours cet effet quand elle m'abandonne. Lorsqu'elle reviendra, elle me redonnera de la force.

Quelle que soit la maladie qui le frappait, c'était pire que ce qu'elle avait imaginé. Il devenait sénile. Il confondait Will avec une femme. C'en était trop. Elle posa sa main sur la sienne et l'autre sur sa joue. L'homme sourit et ses yeux se fermèrent.

Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant