Chapitre 6 - 8h55

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L'homme portait un costume sombre, alors qu'il faisait chaud. Terriblement chaud pour un début de matinée. Il ôta ses lunettes de soleil et les glissa dans la poche intérieure de sa veste. Il devait avoir la quarantaine. Il eut un sourire rassurant. Julie regarda avec appréhension sa meilleure amie qui lui tournait le dos. Elle savait, en ignorant comment, que cet homme était l'un de ceux qui en avaient après Will.

Julie s'arrêta, à contrecœur.

— Allons-nous isoler quelques instants. Suivez-moi.

Il l'entraina contre le flanc de la brasserie, le long d'une petite ruelle qui surplombait la rivière et qui faisait face aux vieilles prisons. Les corbeaux qui avaient survolé ces remparts avaient disparu. Julie n'était pas rassurée de s'éloigner de son amie.

— Peut-être l'avez-vous oublié, mais nous nous sommes déjà croisés, après le feu d'artifice. C'est notre équipe qui vous a trouvée dans un endroit où vous n'auriez pas dû être.

— Je n'ai pas le temps, répondit-elle, d'une voix mal assurée.

— Je suis l'agent fédéral, Daniel. Nous sommes ici car tout porte à croire que des éléments qui constituent une menace pour la sureté européenne soient présents ici. Nous savons, sans l'ombre d'un doute, que la veille, à vingt-deux heures vingt-sept, vous avez été approchés par un individu redoutable. Nous sommes sur ses traces.

Julie secoua doucement la tête.

— Je ne me souviens de rien, désolé.

Le sourire de l'agent Dan s'effaça et ses traits se durcirent.

— Pourtant, vous l'avez retrouvé plus tôt dans la matinée. Vous êtes surveillée, mademoiselle Favre ; alors, ne tentez plus de vous approcher de lui. Il est très dangereux.

Elle aurait voulu se défendre, mais elle ne trouva rien à dire.

— Nous avons des moyens de surveillances que vous ne soupçonnez pas. Mais, il reste un certain nombre de questions qui nous laisse perplexes. Pourquoi vous a-t-il approchée ? Qui êtes-vous et que pouvez-vous lui apporter ? Nous avons profité de la nuit dernière pour fouiller votre passé : livrets de famille, bulletins scolaires, casier judiciaire, dossiers hospitaliers, les décisions de justice, les certificats de décès de vos parents, l'acte de propriété de la maison. Nous avons épluché votre vie et nous avons trouvé un dénominateur commun avec Piadoras. Votre nom nous a littéralement sautés aux yeux.

Qui est Piadoras ? s'interrogea-t-elle, mentalement.

— Je n'ai rien fait qui puisse justifier une telle violation...

— Vous avez établi un contact, par deux fois, avec un individu qui représente un danger pour le monde libre.

— Je vous assure que je ne ferais rien qui puisse nuire à qui que ce soit. Je ne veux pas d'ennui. Vous devez faire erreur. Je ne connais pas de Piadoras.

— Piadoras, Iliane, peut-importe le nom qu'il se donne. Il est une sorte de magicien qui aime disparaitre quand nous approchons. Mais cette fois, nous bénéficions d'un avantage sur lui et il ne quittera pas le Berceau. Nous avons été prévenus du retour de la lumière et nous avons eu le temps de nous préparer. C'est un fait dont il se rendra compte trop tard. Pour lui, tout finit aujourd'hui. Même si nous ne savons pas encore pourquoi il est ici, nous nous assurons qu'il n'en repartira pas. Il sera interpellé avant la fin de la journée.

Julie se tourna vers Sarah, qui venait de s'apercevoir qu'elle ne la suivait pas. Elle se rapprocha immédiatement.

— Je ne vous retiendrais pas plus longtemps, déclara l'agent Daniel. Mais, je ne le répèterais pas. Cessez tout contact avec lui ou je vous ferais arrêter. Votre vie s'en retrouvera brisée. Alors, ne prenez pas de risque. Restez à votre place.

L'homme hocha la tête et sortit de sa veste, les lunettes de soleil qu'il remit sur son nez. Tandis qu'il s'éloignait, Sarah lui demanda qui il était et ce qu'il lui voulait. Julie lui répondit évasivement qu'elle l'ignorait, que s'était une erreur. Elle ne se sentait pas bien. Elle n'avait pas été préparée à ce qu'elle avait entendu. Lui et son équipe avaient monté un dossier sur elle. C'était difficile à accepter. Elle était au centre d'un programme de surveillance destiné à trouver celui qu'elle avait rencontré.

Julie était partagée entre son envie de retrouver Will et celui de suivre Sarah pour tenter de repérer son petit frère, Romain. Il fallait que Will apprenne ce que l'agent lui avait dit, les menaces qu'il avait proférées. Il devrait faire preuve de plus de précaution, car l'Ombre semblait plus redoutable que ce que Julie avait d'abord cru. Bien que son attention fût portée sur celui qui occupait désormais ses pensées, la jeune femme suivit sa meilleure amie. Elle aurait tout le temps de repartir à la recherche de Will après. Elles prirent le pont qui les mena dans les vieilles villes, dans la direction du quartier où elle habitait.



Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant