Chapitre 39 - 17h17

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Le ralenti se poursuivit jusqu'à ce qu'il tombe inerte. Même si elle ne s'entendait pas, Julie continuait à hurler. Elle sortit de sa stupeur et s'élança vers le corps de Will. Elle tomba à genoux et elle se mise à pleurer. C'était un sentiment de vide absolu qui l'envahit quand elle sentit que la connexion qui les liait était rompue. Elle chercha un signe de vie. Elle devait s'assurer d'un battement de cœur, même faible. Elle savait comment faire. Chris le lui avait appris. Les attaques mentales des agents fédéraux avaient cessé ; pourtant, la basilique continuait à craquer. Elle allait s'effondrer. Mais Julie n'en avait cure. Sans Will, elle désirait volontiers finir écraser par des tonnes de gravats. Elle attrapa son poignet. Elle tremblait et dut s'y prendre à deux fois pour presser son pouce sur les veines situées à la jointure de l'avant-bras et de la main. Rien. Julie ne sentait rien.

Non. Non. Non, s'alarma-t-elle. Ce n'est pas possible !

Julie le retourna sur un côté, puis le dos. Elle glissa ses doigts dans ses cheveux. Un geste qu'elle n'aurait osé faire s'il avait été conscient. Elle le secoua doucement et lui mit une petite claque sur la joue. Elle continuait à pleurer et d'un geste de la main, elle s'essuya les larmes qui lui brouillaient la vue. Elle n'arrivait pas à comprendre ce qui s'était passé. Pourquoi Will ne réagissait-il plus ? De toutes les personnes qu'elle connaissait, il était bien le dernier qui pouvait finir ainsi. Que s'était-il passé ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Au-dessus de sa tête, le bâtiment émit un autre craquement inquiétant, qui fit trembler les murs de pierres. Combien de temps avant que la basilique s'effondre sur elle-même ? Quel que soit le laps de temps, Julie était prête à rester. À quoi bon continuer quand tout était perdue ?

Le prêtre — ou plutôt la créature — se rapprocha. Il lui donna un violent coup de canne pour la forcer à s'éloigner du corps. Julie se releva péniblement, sans force ni envie : totalement anéanti. Le Père Pascal était là. Il n'avait désormais plus rien du vieil homme malade et mourant, qui l'avait touché, quelques instants plus tôt. Le prêtre rabattit sur sa tête, une longue cape noire où son visage effaça. Deux petites lueurs rouges s'allumèrent là où auraient dû se trouver ces yeux. Julie le vit même glisser ces bras à l'intérieur du grand vêtement, et avant qu'ils aient disparu, elle put constater que la peau se desséchait et s'effritait en lambeau. Le squelette ambulant qui la répugnait tant était de retour.

— Je ne comprends pas, murmura-t-elle, incapable de réfléchir.

La créature émit un long râle caverneux et parla d'un timbre sans vie :

— Je me présente : je suis votre Protecteur.

Le chagrin laissait place à la colère.

— Qu'est-ce que vous avez fait ?

— J'ai changé le cours de l'histoire. Et la fin promet d'être des plus inattendues. Avant que tu ne répètes ta question, rappelle-toi que je l'avais mis en garde.

À ses mots, Julie se souvint de l'avertissement. Je reviendrais et quand je serais là, je t'écarterais définitivement d'elle, l'avait menacé le démon. Ses souvenirs en rappelèrent d'autres et Julie se remémora un autre discours que Will avait eu juste avant de s'abriter dans la basilique. Il lui avait appris que la créature était liée à l'énergie, qui ne demandait qu'à être libérée. Il lui avait dit que beaucoup de personnes, y compris l'Agence, désiraient ce pouvoir. Il l'avait aussi informé que leur rencontre avait réveillé une force obscure attachée à cette énergie en sommeil. Et il lui avait promis qu'il la formerait à maitriser ses pensées primaires pour qu'elle puisse se défendre.

Julie commençait à y voir clair dans toute cette histoire, mais elle savait qu'il lui manquait encore certaines pièces cruciales pour voir le puzzle dans son ensemble. Tandis que le Protecteur s'éloignait vers la sortie, la jeune femme retourna auprès de Will. C'était un fait. Elle ne pouvait pas l'abandonner. Elle ne le voulait pas. Pour aller où ? Pour faire quoi ? Julie avait perdu l'envie de quoi que ce soit. Ce fut comme si une partie d'elle s'était éteinte.

Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant