Chapitre 21 - 13h29

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« Luciano est le dernier rempart contre les hommes »

Furent les premiers mots qu'il prononça quand ils se furent isolés. Julie peinait à lui prêter une oreille attentive. La pièce dans laquelle ils s'étaient retranchés l'angoissait. Elle était située dans les profondeurs de la basilique. Il avait fallu franchir le Narthex, traverser la grande Nef puis passa entre les rangées de bancs en bois, dans un silence seulement perturbé par les roulements du tonnerre. Le prêtre les avait alors fait bifurquer vers le Bas-côté, et il leur avait indiqué un escalier caché derrière un pilier en marbre. Leur hôte les avait laissés là. Will avait semblé connaitre les lieux. Il avait guidé Julie dans un dédale souterrain où l'escaliers s'était succédé à de sombres couloirs... jusqu'à arriver dans cette étroite pièce. Julie n'était pas à son aise. La salle était petite, à l'espace renfermé et donnait cette impression demanquer d'air. Il n'y avait ni fenêtre ni système de ventilation. La poussière ambiante lui chatouillait le nez.

C'est un véritable tombeau, avait-elle pensé.

Pour le mobilier, il y avait une table et deux chaises. Rudimentaire. Ainsi que d'une bougie trônant sur la table en bois.

Où était le Père Pascal ? Il était le prêtre qui officiait dans cette basilique et qui était aussi l'ami de Will. Julie le connaissait déjà. Avec le nombre de fois où Yann l'avait entrainé dans cet endroit où lui faire découvrir la beauté de lieu, les jeunes gens avaient beaucoup parlé avec ce prêtre. Ce dernier était un homme septuagénaire, au crâne chauve. Mais ce qui avait frappé Julie avait été sa maigreur. On aurait dit qu'il était malade. Elle l'avait tout de suite trouvé avenant et sympathique. Ils avaient échangé une brève poignée de main juste après avoir eu une longue et chaleureuse accolade avec Will.

— Le Père Pascal nous rejoindra plus tard, expliqua-t-il, en refermant la lourde porte en pierre. Il est temps d'évoquer Luciano. Il descendra après. Pour l'instant, il guette. En tout cas, nous terminerons cette conservation entre ces murs. Nous sommes ici à l'abri de n'importe quel ennemi.

Julie n'aimait pas être là. Maintenant que la porte était close, une légère peur l'envahie. Elle n'était pas inquiète de se retrouver seule avec Will, dans les sous-sols de la basilique. Bien qu'elle ne le connaissait pas — ou très peu — une confiance s'était instaurée entre eux. Elle se sentait bien. Et même si les discours qu'il avait pouvaient être alarmistes, ils avaient un certain écho dans sa conscience. Ce qui effrayait la jeune femme, c'était l'endroit. La pièce était trop exigüe. Elle avait l'impression d'étouffer. Les murs étaient trop près les uns des autres. Elle se demandait si elle ne serait pas capable de les toucher juste en tendant les bras. Et savoir qu'ils étaient coincés dans les sous-sols de la basilique accentua son malaise. Julie se rapprocha de l'unique source de lumière et elle s'installa sur la chaise. Will fit de même et ils se regardèrent. Son cœur s'accélérera. Si elle mettait une main sur la table, poserait-il la sienne par-dessus ? Tandis qu'ils s'observèrent, un silence envahit la pièce.

Mais, le temps jouait contre eux.

— Luciano est le dernier rempart contre les hommes, répéta-t-il. Luciano est l'alternative, qu'ont les êtres humains face aux hommes. C'est leur unique chance de se dresser contre eux. Luciano est la dernière force qu'ils leur restent pour s'opposer à eux. Luciano est un peu comme cette bougie posée sur la table qui se dresse contre l'obscurité. Elle est petite. Elle parait vulnérable, mais elle tient debout pour porter la lumière.

Will prit une inspiration et sourit.

— J'ai longtemps attendu ce moment. Luciano est la consécration de toute une vie. La mienne. C'est le but de mon existence. Pendant des décennies, j'ai erré... jusqu'à ce que je comprenne le sens caché de mon destin. Parce que j'avais survécu, j'étais traqué. Il me fallait un endroit où je pouvais protéger tous ceux qui croyaient en moi. Depuis que je me suis éveillé, je recherche ceux qui sont comme moi : des êtres exceptionnels et je pense que tu es l'un d'entre d'eux. Je suis excité de te dire ce que j'ai sur le cœur. J'en ai les mains qui tremblent. Ouvre bien ton esprit, Julie Favre.

Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant