Chapitre 11 - 10h35

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Tandis qu'ils longeaient le lac, il poursuivit son récit. Julie restait silencieuse, perturbée par ses révélations. Elle trouvait ces confidences déplacées. Pourquoi lui racontait-il toutes ces horreurs ? Will avait tué un homme quand il avait dix ans. Cela faisait-il de lui un dangereux criminel recherché par des agents fédéraux ? Comment tout ceci pouvait-il être lié à ces hommes, à David, mais aussi à son propre père ? Elle dut se forcer à l'écouter.

Son histoire était déroutante. Will, bambin d'une dizaine d'années, s'était retrouvé avec le sang d'un monstre sur les mains et sur la conscience. Alors, il était parti se réfugier dans la forêt. Il n'avait pas réalisé la gravité de ses actes. Il avait agi par instinct. Il s'était enfoncé profondément dans les bois qui entouraient la scierie. Quelque chose avait changé en lui. Quelque chose s'était éveillé. Mais, cela ne l'avait pas aidé. Il avait eu froid et terriblement faim. Et après de nombreuses heures à errer ans la forêt, il avait cherché un moyen d'en sortir. En vain. Le soleil s'était couché trop rapidement. La nuit avait fini par tombée. La panique puis le désespoir l'avaient envahi. Will n'était pas parvenu à retrouver la sortie. Les températures avaient chuté et étaient devenues glaciales. Le monde avait semblé figé dans la glace. Will, exténué, dévoré par la faim et le froid, s'était écroulé dans la neige. Il s'était adossé contre le tronc d'un arbre. Il n'avait plus été capable de fermer ses doigts, qu'il avait sentis se raidir et devenir douloureux. Une deuxième fois en peu de temps, il avait cru mourir. Mais cette fois, il avait été trop frigorifié pour avoir peur. Alors, il avait cessé de lutter. Le froid avait littéralement attaqué chaque centimètre carré de son corps, comme des morsures dont rien ne pouvait le protéger. Cela avait été douloureux. Will avait souhaité que cela finisse, vite. Dans un état comateux, proche de la mort, l'enfant avait vu une apparition : celle d'une dame, tout de blanc vêtu, dans une élégante robe flottant dans l'air, qui s'avançait vers lui. Il s'était demandé si c'était un ange qui venait le chercher. Elle avait fait quelques pas dans un halo de lumière, indifférente à la nuit et à l'hiver. Elle n'avait rien dit. Elle n'avait rien fait. Elle lui avait simplement souri. Will n'était sûr de rien. Peut-être avait-il rêvé. Certainement que cette dame était le fruit de son imagination. Finalement, il avait fini par perdre connaissance.

L'enfant s'était réveillé, à hôpital. Il se souvenait que les infirmières avaient été adorables, mais cela ne l'avait pas empêché de se barricader dans le silence. Il n'avait pas su comment réagir à leur gentillesse et à la bienveillance. Et puis, à un moment, deux policiers étaient arrivés. Ils faisaient partie de la brigade des mineurs. Will avait déjà rencontré l'un des deux lorsque la dame l'avait emmené au poste de police pour évoquer son beau-père. Ils étaient jeunes et s'étaient également montrés soucieux, attentionnés et compréhensifs. Malgré cela, l'avenir s'était annoncé bien incertain pour Will.

Mais, le pire était désormais derrière lui. Il était vivant. La vie était en lui, puissante. C'est depuis son lit d'hôpital que Will avait eu conscience que quelque chose avait changé. Même du haut de ses dix ans, il s'était surprit à voir les choses différemment. Il avait eu un regard neuf, sans filtre. Il avait dû faire face à des évidences qui s'imposaient. C'est ainsi qu'il avait compris que le monde était condamné et qu'à moins d'un miracle, il ne pouvait pas être sauvé. Will s'était alors donné pour mission de le secourir. Il savait désormais qui il était et qui il voulait être.

Will se tourna brusquement vers Julie.

— Il faut que tu retiennes ces notions. Elles sont importantes. Toi aussi, tu devras déterminer qui tu es, mais également qui tu veux être. C'est la clé de tout. Quand tu l'auras compris, tout te paraitra différent.

La jeune femme reporta son attention sur ce qu'ils se passaient autour d'eux. Ils étaient arrivés au Paquier, la grande pelouse qui séparait le lac de la ville. C'était ici que s'était déroulé le feu d'artifice, la veille. Et c'est depuis l'un des pontons où étaient amarrés les pédalos qu'ils s'étaient rencontrés. Ce matin, les employés de la mairie s'activaient au démontage des chaises pliantes et des tribunes métalliques.

— Et tes pouvoirs, tu les as découverts suite à ton excursion dans la forêt ?

— C'est à l'hôpital que j'ai senti la vie faire vibrer mon âme. Tout m'apparaissait sous un nouvel angle. Je voyais des choses que personne ne voyait. Je me sentais connecté à des forces que tout le monde ignorerait. Et je découvrais désormais le lien qui unissait toutes ces énergies. Il ne me restait plus qu'à interagir avec eux.

La jeune femme releva la tête. Quelque chose était passée devant le soleil, comme un voile. Ou une ombre.

— Les agents s'approchent, déclara Will. Et tes amis aussi.

Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant