Chapitre 45 - 18h31

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Quand Julie comprit ce que cette phrase impliquait, elle se releva si brusquement que sa chaise se reversa. Iliane était en vie ! Il n'était pas mort ! David avait raison ! La jeune femme n'arrivait pas à contrôler l'excitation qui l'envahissait, sautillant légèrement sur place.

— Il est vivant !

Fermant les yeux pour se concentrer, elle hurla mentalement son prénom. Dave Trimax s'énerva et lui ordonna de se rasseoir et de se tenir tranquille. C'était la première fois qu'il s'adressait directement à elle. Le ton fut froid et claqua dans l'air comme un coup de fouet. Son excitation fut instantanément soufflée. Elle se retourna et ramassa sa chaise en silence, puis se réinstalla à table. L'adrénaline affluait à nouveau et très vite, elle fut incapable de se contenir. Elle se mit à taper nerveusement son pied par terre. Mais que pouvait-elle faire autre ? C'est qu'elle l'avait cru mort ! Et désormais, l'espoir subsistait. Tout n'était pas perdu.

Pendant quelques secondes, personne ne dit rien. Puis Dave Trimax pianota sur une tablette qui était posée devant lui. Julie s'en souvenait. C'est ainsi que les serveurs prenaient les commandes. Laurence lui lança un regard et lui sourit. Se voulait-elle rassurante ? Elle se tourna vers le prêtre et annonça :

— La journée n'est pas finie. Certains éléments laissent penser que les Jours Sombres ont commencé. C'est un compte à rebours qui s'est déclenché depuis le feu d'artifice et l'issue du décompte est notre plus grande préoccupation. Pour l'heure, il nous faut décider quel sort nous lui réservons. Il y aura certains préparatifs à organiser.

— Qu'avez-vous en tête ? fit poliment le père Pascal.

Julie se tourna vers lui, le visage plein de haine. Qui parlait ?

— Le Protecteur est-il parmi nous ? demanda Dave.

— Il est là. Il me laisse les commandes, mais il écoute et me dit ce qui doit être répondu. Il ne souhaite pas apparaître sous sa forme spectrale. Il insiste et veut savoir ce que vous avez en tête.

Dave Trimax et Laurence échangèrent un regard complice.

— Il est possible que nous voulions recréer un événement particulier. Mais si cela vous sied, j'aimerais vous en faire la surprise. Laissez-le-nous le temps de préparer la cérémonie et nous nous retrouverons au Pâquier. Qu'en dites-vous ?

Un sourire carnassier se dessina sur le visage du père Pascal.

— Non ! s'écria Julie en tapant du poing sur la table.

Il lui était impossible de rester là sans rien dire. Elle ne pouvait pas les écouter parler d'Iliane sans intervenir. Elle savait que son sort se jouait ici. Ces agents fédéraux et cette créature évoquaient sa mise à mort.

— Il doit être libéré ! reprit-elle. Je peux plaider en sa faveur si vous m'en laissez le temps. Iliane ne peut pas être exécuté une deuxième fois. Cela serait un crime contre l'humanité. Il représente la lumière. Vous le savez. L'exécuter signifierait nous condamner tous.

Dave Trimax émit un rire nerveux.

— Il n'appartient pas à nous de le juger, dit-il. Cela a déjà été fait. Je ne suis pas autorisé à le contester, juste à l'appliquer.

— C'est absurde, s'écria-t-elle. Il a été tué. Vous l'avez fait !

— Cette discussion a comme un air de déjà-vu. Ah oui... Nous l'avons eue à la basilique.

Une femme s'approcha, visiblement mal à l'aise. Elle était jeune, peut-être avait-elle le même âge que Julie. Elle avait un sourire de façade, mais ses traits semblaient crispés. Elle portait la tenue réglementaire du restaurant, et dans ses mains un seau de glaçons d'où dépassait une bouteille de champagne. C'était la commande que l'agent avait passée depuis la tablette. L'hôtesse posa délicatement le seau métallique sur la nappe blanche et retourna les quatre verres qui étaient dressés là. Elle s'apprêtait à les remplir, mais Dave l'arrêta d'un geste de la main et la congédia. Puis, d'un sourire étincelant, il se tourna vers Laurence et lui demanda de les servir. Cette dernière s'exécuta et au moment où elle allait prendre celui de Julie, cette dernière l'attrapa à la volée et l'envoya contre la baie vitrée, où il explosa.

Ils ignorèrent son geste. Celle-ci les observa se saisir de leurs verres et goûter du bout des lèvres le liquide pétillant. Elle était abattue. Elle l'avait cru mort. Ensuite, elle apprenait qu'il était toujours en vie, mais qu'il allait être tué. Bientôt. Pouvait-elle s'opposer à cette décision ? Qui pouvait l'aider ? À nouveau, elle repensa à deux prénoms : Lucas et Louis. Les deux hommes qu'elle aurait aimé rencontrer. Les deux qui pouvaient tout changer.

— Et concernant les points de passage des Grands domaines ?

Dave Trimax avait parlé d'une voix mielleuse qui ne lui allait pas.

L'agent s'était dandiné sur son siège, comme s'il s'apprêtait à aborder un sujet difficile. C'était donc pour ça, toute cette mascarade. Toutes ces futilités autour d'Iliane alors que tout ce qu'il souhaitait, c'était connaître les entrées pour Luciano. Le prêtre finit sa coupe et sourit. Le père Pascal était le seul à être dans les confidences de Luciano. Ancien Allié, il n'en était pas moins un fidèle d'Iliane. Il était impossible que la créature contraigne le vieux monsieur à révéler des informations aussi importantes.

Contre toute attente, le Protecteur dit :

— Il existe cinq entrées pour les Grands domaines, mais une seule se trouve dans les environs. Serrez-moi la main et vous saurez tout.

Une nouvelle fois, Julie bondit de son siège, attrapa la coupe de champagne de l'agent dont elle aspergea le contenu sur le père Pascal.

— Enfoiré !

Julie n'avait aucun contrôle sur l'entretien. Comment aurait-elle pu faire autrement ? Elle était face à deux forces colossales. Elle n'était qu'une spectatrice. Elle refusait d'assister à ce désastre qui finirait par provoquer la chute des mondes. Alors, elle hurla. Elle les injuria. Elle tira sur la nappe, faisant tomber les coupes et la bouteille de champagne. Elle attrapa les bords de la table, s'apprêtant à la renverser. Elle avait besoin d'extérioriser ses angoisses, mais Dave, sans lever le moindre doigt, intervint :

— Ça suffit ! ordonna-t-il d'un ton sec.

Julie se trouva brusquement vidée de toute énergie. Elle tomba sur son siège, en silence. Le prêtre et l'agent se levèrent. Le père Pascal et Dave brandirent leurs mains par-dessus la table. La jeune femme aurait voulu pleurer, mais elle n'avait plus assez de larmes. Ce contact dura plusieurs secondes où les deux adversaires se défièrent du regard. La suite se déroula comme un rêve. Dave finit par lâcher la poigne du prêtre. Pendant les quelques minutes qui suivirent, les deux agents parlèrent avec la créature. Il fut question d'Iliane et de ses conditions de captivité. Puis Dave et Laurence s'excusèrent. Ils furent les premiers à partir. Ils affirmèrent avoir un peu de travail concernant la cérémonie de ce soir. Quelques instants plus tard, ce fut au tour du prêtre de quitter le restaurant. Julie resta seule. Elle finit par se lever. Tandis qu'elle remontait la salle, elle réfléchit à ce qui venait de se passer.

Les agents connaissaient désormais l'entrée pour les Grands domaines. Et, le plus important était qu'Iliane était encore en vie.

Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant