Chapitre 8 - 9h39

194 58 47
                                    

Mais par où commencer ? Pouvait-elle encore poser des questions ? C'est toujours les mêmes qui revenaient et restaient sans réponse. Toujours ces mêmes incertitudes. Toujours ces mêmes doutes. Denis Favre s'était suicidé, en emportant ses secrets.

— Alors ? insista-t-il. C'est lié à celui qui est recherché ? Les agents m'ont averti que tu avais fait une mauvaise rencontre et je pense que tu simules une amnésie. Tu ne dupes personne. Ni Sarah ni moi.

Julie ne baissa pas les yeux. Elle eut soudainement chaud et c'est le corps tremblant et les mains moites qu'elle lui fit :

— Je ne peux pas t'en parler. En tout cas, pas encore. J'ai juste besoin d'en savoir plus sur papa.

— Alors, que faisons-nous ici ? Que veux-tu ? Je n'ai pas plus de réponses maintenant que le jour de son enterrement. Et s'il te plait, arrête de l'appeler ainsi. Denis n'avait rien d'un père. En tout cas, il a cessé de l'être quand maman nous a quittés. Après son départ, il n'était plus que l'ombre de lui-même. C'est moi qui vous ai élevés. C'est moi qui ai dû m'occuper de Romain, lui changer les couches et lui donner les biberons.

Julie regrettait d'avoir abordé le sujet. Chris était encore empli de ressentiment envers celui qui les avait abandonnés, au moment où ils avaient eu le plus eu besoin d'aide.

— Il m'a volé ma vie, décréta-t-il, les dents serrées. J'ai dû faire des choses d'adultes et responsable envers vous alors que je n'étais pas préparé. J'étais à peine plus âgé que toi aujourd'hui. Et lui, lui... nous devions trop lui rappeler maman et cela devait lui être insupportable. Il disparaissait, des mois entiers. Il était impossible à joindre. Et quand il revenait, c'était pour mieux s'absenter. Il n'a jamais été aux réunions d'école, ni aux rencontres parents-professeurs. Il ne s'est jamais intéressé ni aux fêtes de fin d'année ni à vos anniversaires. La maison tombait en ruine, sans qu'il se bouge. Mais, le pire c'était lorsqu'enfin il venait vers moi pour me prévenir : « Christopher, je vais partir quelque temps. Tu es l'ainé, occupe-toi de tes frères et sœurs ». Et ensuite, au bout de quatre ou six mois d'absence, il revenait sans s'excuser ou nous rassurer. À ces moments, j'avais envie de lui rentrer dedans et de lui coller mon poing sur la figure ! À la maison, il avait trois enfants dont il ne se souciait pas et qu'il n'a pas vu grandir. Je te le dis Julie et mes paroles vont peut-être te choquer, mais je le préfère mort. Au moins, je n'attends plus rien de lui.

Julie ne se laissa pas décourager et insista :

— Nous aurions dû s'intéresser à ce qu'il faisait et mener notre enquête. Je n'arrive pas à accepter l'idée de son suicide. Je veux dire, ça n'a pas de sens. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait après la mort de maman ? Pourquoi attendre dix ans ? Je ne garde pas de lui le souvenir d'un dépressif.

— Tu ne le connaissais pas, souffla Chris, énervé. Tu étais jeune et tu as certainement mis de côté tous les mauvais souvenirs pour ne conserver que les bons, les moins douloureux. Et c'est normal. Je ne peux t'en blâmer. Mais, ne te leurre pas. Papa était un lâche. Il nous a abandonnés bien avant qu'il ne passe à l'acte.

— Je ne sais pas.

Ils s'observèrent et Chris eut le début d'un mouvement, celui de se lever pour terminer cette conversation, qu'il ne souhaitait pas avoir. Mais, Julie fut plus rapide et insista :

— Comment l'expliques-tu ? Son suicide a justement eu lieu lors d'une de ces longues absences. Son geste est peut-être lié à l'endroit où il partait. Qu'en penses-tu ?

— Je n'en pense rien. Je ne veux pas savoir. Il est mort et il nous faut aller de l'avant. J'ignore ce que tu as envie d'entendre mais je n'ai rien à ajouter. Et comme je te l'ai dit, nous avons nous-même des soucis, bien plus urgents.

Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant