Chapitre 4 - 8h24

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Julie quitta le pont et prit le chemin par lequel elle était arrivée. Perdue dans ses pensées, elle ne faisant pas attention à ce qui l'entourait. Elle avait besoin de réfléchir à ce qui venait de se passer. Alors qu'elle avait cru que son inconnu allait lui apporter des réponses, elle se rendait compte, que c'était l'inverse qui s'était produit. Will, si c'était bien son prénom, avait épaissi le mystère autour de lui. Qui étaient les agents fédéraux qui le traquaient ? Il avait aussi évoqué l'Agence Gouvernementale, un terme que Julie n'avait jamais entendu. D'après ce qu'elle avait compris, les agents fédéraux et l'Agence étaient liés. Les premiers devaient appartenir au second.

La jeune femme continuait à marcher. Qui était-il ? Pourquoi était-il recherché ? Était-il dangereux ? Qu'avait-il pu faire pour être traqué par des services aussi mystérieux que lui ? Julie ne saisissait pas. Il y avait tant de choses qu'elle n'arrivait pas à comprendre. Et elle préféra faire abstraction de tout ce qu'il avait pu dire à propos d'un monde menacé et qu'il était venu pour rallier deux personnes à sa cause et les emmener avec lui, avant la fin de la journée. Ceci n'avait pas de sens.

Julie chassa ses pensées de son esprit. Elle regarda autour d'elle, pour se localiser. Elle avait pris la direction de la vieille ville, et s'apprêtait à traverser la route qui séparait les bords du lac, des vieux quartiers. Elle savait où on l'attendait. Ses amis devaient être Chez Bruce, une brasserie à proximité où ils avaient leurs habitudes. Cet établissement était devenu leur point de ralliement, à chaque fois qu'ils avaient eu besoin de se rejoindre en ville. C'était l'endroit où Julie et ses proches allaient boire un verre tous les vendredis soir, pour célébrer la fin de semaine. Et c'était là-bas que Sarah et Yann fêtaient leurs anniversaires. Ils en avaient vécu des moments forts. Ils connaissaient le patron, Bruce, depuis des années et une certaine amitié s'était formée. Ce dernier avait proposé à Chris quelques heures de plonge pour compléter son mi-temps.

La jeune femme arriva sur la petite place piétonne, sorte de croisée des chemins pour accéder à tous les quartiers de la ville. C'était l'un des endroits les plus fréquentés, même à cette heure matinale. Il y avait toujours du monde et dans l'après-midi, c'était le coin à éviter. La rivière  prenait naissance dans le lac, longeait cette place pavée et continuait par traverser l'agglomération. Il y avait une église, quelques restaurants, un tabac-presse, un glacier. Cet endroit offrait également une vue imprenable sur le Palais de l'Ile, un musée historique autour des prisons datant du Moyen-âge. C'était un bâtiment atypique, construit sur le cours d'eau, le fendant en deux. Mais ce matin, un détail accrocha son attention. Au-dessus des remparts, elle vit des dizaines de corbeaux tournoyer dans la cour. Julie les observa quelques secondes, trouvant leur comportement étrange.

— Julie ! s'écria une voix.

Cette dernière pivota en direction de Chez Bruce. Sarah était attablée à la terrasse. Elle était seule et lui faisait signe d'approcher. Julie fila vers elle. La brasserie était bondée. Des touristes avaient pris d'assaut les tables extérieures et prenaient leurs petits déjeuners.

Sarah se leva, avant que son amie ait eu le temps de s'assoir.

– Tu vas avoir des problèmes ! Mais, qu'est-ce qui t'arrive ? Est-ce que cela a quelque chose à voir avec David ? Tu sais pourquoi il est passé, ici ? Mais, réponds enfin ! Tu es parti sans ton portable ! Yann est là. Il est à l'intérieur pour commander. Il remarquera vite que tu n'es pas dans ton état normal. Tu sembles déconnectée !

— C'est bon ? Je peux m'assoir ?

Devant son regard assassin, Julie prit place sur le siège en face. Elle essaya d'enregistrer le flot d'information qu'elle venait de recevoir. Yann allait arriver, certainement énervé, et il exigerait des réponses. Mais, qu'avait dit Sarah à propos de David ?

— Où est-ce que tu étais ?

— David est passé ?

Il y eut un silence où Sarah semblait hésiter sur la réponse à donner, mais d'un ton résigné, elle fit qu'elle avait eu tort. Elle avait pensé que la rencontre entre Julie et David, lors de la fête du lac, était un acte isolé et qu'il ne donnerait pas suite. Mais, Sarah s'était trompée et cela était un fait assez rare pour être noté. David était venu à la brasserie, avant l'ouverture des portes. Il n'était pas resté longtemps, juste le temps de dire à Bruce qu'il souhaitait parler à Julie. Puis, il était reparti. Il avait fait tout le trajet pour délivrer ce message. Pourquoi n'avait-il pas appelé Sarah ? Cette dernière ne comprenait pas son comportement  qu'elle trouva tout aussi décalé que celui de Julie. Que se passait-il ? Sarah posa la question à haute voix, pestant de détester d'être tenue à l'écart, mais Julie garda une seconde le silence. Elle essayait de comprendre pourquoi David avait pris le risque de venir ici ? Qu'avait-il voulu lui dire ? Cela pouvait-il avoir un rapport avec les évènements qui avaient clôturé le feu d'artifice ? Avait-il vu, de là où il était, qu'elle avait été accostée par un inconnu, en début de spectacle ?

— Dis quelque chose ! s'énerva Sarah. David te cherche et tu n'as aucune réaction. Est-ce que tu vas me dire ce qu'il se passe ? David n'a pris aucun risque, il est venu à une heure où il était certain de ne pas te trouver. Il s'est pointé avant l'ouverture. Pourquoi ? Il ne t'a pas laissé de message comme si son geste était celui d'une invitation. Il veut que tu le retrouves. Je t'en prie, sors de ton mutisme !

Julie ne sut quoi répondre. Pouvait-elle mentir à sa meilleure amie en affirmant qu'elle ignorait pourquoi David souhaitait la voir ? Mais était-ce un mensonge ? Tout était si compliqué. Elle ouvrit la bouche, mais ne sachant pas quoi dire, elle la referma.

— C'est quoi ton problème ? Je sais qu'il s'est passé quelque chose hier. Tu te mets à avoir des secrets ! Après tout ce que j'ai fait pour toi...

— Sarah, je ne pensais pas que David voudrait me voir. Appelle-le, toi. Tu as déjà dû essayer.

— Julie ! explosa Sarah. Arrête de contourner mes questions ! Tu refuses de me parler ? Très bien, si tu veux jouer alors on va jouer. Mais, je saurais ce qui t'est arrivé. Et pour te répondre, il était inutile que je l'appelle. Ce matin, quand il est passé voir Bruce, il a laissé sur le comptoir son portable d'où il avait enlevé sa batterie.

La voix de Sarah partait dans les aigus, elle hurlait presque :

— Qu'est-ce que ça veut dire ? Pourquoi a-t-il fait ça ? Quel signe a-t-il essayé de t'envoyer ?

Une nouvelle fois, Julie garda le silence. Elle avait l'impression de trouver un sens à son geste. Pourquoi David avait-il démonté son téléphone ? Elle ne voyait qu'une seule explication. Son ami ne souhaitait plus être localisable. Il voulait disparaitre. Il invitait Julie à faire de même. Une certitude s'imposait : David avait découvert l'existence de Will et lui aussi désirait percer ses mystères.


Luciano et le retour de la lumièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant